L'affaire commence avec les Grecs qui ont dédoublé le temps en chronos et kairos : le premier est le temps ordinaire, celui des saisons, celui qui passe et qu'on mesure ; le second est celui de l'inattendu, de l'occasion à saisir, du moment favorable et de l'instant décisif.
"Quand le passé n'éclaire plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres." Par ces quelques mots, [Tocqueville - De la démocratie en Amérique] prend acte de la fin de l'ancien régime d'historicité (demeuré opératoire aussi longtemps que la lumière venait du passé) et donne du même coup la définition du régime moderne : il revient désormais à l'avenir d'éclairer le passé et le présent pour tracer un chemin [...]
Depuis la seconde moitié du XIIIe siècle, "ce n'est plus dans le temps, relevait [Reinhardt Kosseleck], mais par le temps que s'accomplit désormais l'histoire. Le temps se dynamise en une force inhérente à l'histoire elle-même". [...] Avec ce temps nouveau s'impose aussi un nouveau concept d'histoire. Elle s'entend désormais comme un "singulier collectif". On passe des "histoires", à "l'histoire au singulier" ; l'Histoire en soi.
La question, à la fois la plus pressante et la plus compliquée, est comment tenir ensemble les temps du monde et ceux du Système de la Terre.