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Critique de Soleney


Voilà un an et demi que ce livre trône dans ma bibliothèque sans avoir jamais été lu. Je voulais attendre que le tome 2 paraisse avant de le commencer (parce que je déteste attendre une suite), mais la fin prochaine du challenge Pavés m'oblige à me jeter à l'eau malgré tout !

Et comme je ne sais pas par où commencer ce billet, je démarre bêtement avec l'histoire. Dans ce premier volume, sous nos nez de d'humains normaux, se déroule une guerre sans merci entre les Daedalos (aussi appelés Strems, créatures invisibles et souterraines qui se nourrissent de la joie de vivre des hommes), et la Vigie, organisation constituée d'Éveillés (des gens qui sont capables de voir lesdites créatures). le personnage principal est Camille, une Recrue qui a juré de retrouver son enfant disparu. Suite à des événements fort malencontreux, la jeune fille est contrainte de passer un pacte avec un Daedalos – petit détail qui lui vaudra au mieux l'exil, au pire la mort s'il venait à se faire savoir. Car, pour les Chasseurs de la Vigie, tous les Strems sont bons pour devenir de la chair à pâtée. Leur adresser la parole ou se laisser aller à respirer le même air qu'eux est un crime. Ce sont des monstres.
Mais plus l'histoire avance, plus on se dit qu'ils ne sont pas si horribles que ça...

Ce n'est pas un scénario très original, je vous l'accorde. L'idée d'une guerre secrète est vue et re-revue, dans la littérature comme dans le cinéma (ne serait-ce qu'avec le genre bit-lit, ou bien les histoires d'anges et de démons à la Mortal Instruments). Mais c'est un curieux roman fantastique que celui-là. Non pas vis-à-vis de l'histoire, mais plutôt de son traitement. Anthelme Hauchecorne se sert d'un humour particulièrement glauque et de personnages très ambigus, et les détails macabres ne sont pas épargnés – je dirais même qu'ils sont pointés avec moquerie. Mais après tout, nous sommes en guerre, n'est-ce pas ? Une guerre qui, bien qu'elle se doive de rester secrète, n'en est pas moins sanglante.

J'ai craint, au début de ma lecture, que tout ceci sente le manichéisme à plein nez. Les méchants monstres qui sucent l'âme des innocents doivent être éliminés pour le bien de tous. Mais non, car prétendre que la Vigie a pour but de protéger les Dormeurs serait un demi-mensonge : certains sentimentalistes le souhaitent, mais d'autres s'en foutent (ce qui les intéresse, c'est juste « casser du Strem »), et beaucoup nous méprisent, nous les stupides Dormeurs.
La Vigie n'est PAS une gentille organisation composée de héros au grand coeur façon Avengers. La plupart des Éveillés se croient au-dessus des autres : les Chasseurs – ceux qui sont au front – haïssent les Intellos, les chercheurs qui restent planqués dans leurs labos. Ces derniers, à l'inverse, estiment qu'ils n'ont pas assez de marge de manoeuvre ni de droit. Que leur point de vue, plus pacifique, devrait prévaloir sur la méthode « on cogne et on voit après ». Ce sont deux visions différentes de l'ennemi : les uns veulent tout détruire, les autres pensent qu'une paix humano-Daedalos est possible – ou bien regrettent que les cadavres qu'on ramène dans leurs labos soient disloqués et inutilisables...
La sauvagerie des Chasseurs fait froid dans le dos. Et pourtant elle n'est qu'un reflet de la violence que les Dormeurs sont capables de se faire subir les uns aux autres. Au point qu'on se demande si la véritable bestialité n'est pas dans l'humanité plutôt qu'en ceux qui se nourrissent d'elle. Intéressant retournement de situation.

Anthelme Hauchecorne a le mérite d'avoir une très bonne plume. Il joue avec les mots avec une aisance qui me rend jalouse, sait saisir une description en trois mots – juste assez pour la rendre piquante, humoriste ou macabre. Il a réussi à donner une atmosphère à son livre. Quelque chose de sombre et gore, mais aussi rempli d'un humour noir qui nous glace.
J'ai beaucoup aimé le fait qu'il glisse des références intertextuelles là où on ne les attend pas. L'Écume des jours, Les Fleurs du Mal, le Seigneur des Anneaux, Sa Majesté des Mouches, sont autant de références subtilement évoquées entre deux tueries^^ Et puis, son humour macabre est définitivement baudelairien.

Les personnages sont très intéressants car on ne sait pas quelles surprises ils vont nous réserver. Camille va-t-elle être trahie par le Craqueuhle ? Celui-ci est un étrange personnage, moqueur et sardonique, mais visiblement sensible. Joue-t-il la comédie ? Ne devrait-elle pas plutôt se méfier de ses camarades, parfois trop extrêmes ? Doit-on punir les Daedalos du fait qu'ils se nourrissent de l'âme humaine, ou les approuver parce que l'humanité est encore plus corrompue qu'eux ?

Dernière chose à savoir : la narration nous fait suivre deux personnages : Camille (vous la connaissez déjà), et Vincent, un enseignant d'histoire en lycée, et Éveillé malgré lui. Ce dernier cache un passé très sombre, et un secret encore plus noir dans sa panic room… Il est particulièrement ambigu, et plusieurs fois, je me suis demandée s'il était bon ou mauvais. Ni l'un ni l'autre, en fait. Tout comme Neith : les deux font la paire. Ils ont d'ailleurs une relation très spéciale, à la limite du sadomasochisme.

Pour finir, je parlerai de la présentation, qui a le mérite d'être originale. Il y a des dessins un peu partout dans le texte, représentant l'une ou l'autre scène qu'on vient de lire. C'est très agréable, d'autant plus qu'ils sont beaux ! L'histoire est parsemée d'extraits d'ouvrages : le carnet de Vincent et le Codex Metropolis. Ces extraits sont mis sur fond grisé (vieux et déchiré pour le Codex) pour symboliser le support papier et se distinguer du reste de la narration. Ça donne un petit côté authentique que j'ai bien aimé.

Les seules choses que je pourrai reprocher à ce livre sont les quelques longueurs qui parsèment le récit, ainsi que la confusion qui règne entre les groupes Intellos, Colombes et Indés (quoique ces derniers soient plus faciles à reconnaître)… J'ai mis une bonne centaine de pages avant de ne plus confondre ! Même encore maintenant, je ne vois pas bien ce qui différencie les Colombes des Intellos. C'est bien dommage, mais en comparaison de tous les avantages de ce premier tome, ce n'est pas très grave.
En bref : un livre à lire.
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