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Critique de colka


Roman post-apocalyptique ou plutôt récit parabolique centré sur une expérience-limite ? Je penche pour la seconde hypothèse.
Une narratrice dont on ne connaîtra jamais le nom a décidé d'écrire un journal de bord dans lequel elle conte ce qu'est devenue sa vie quotidienne depuis qu'un mur invisible l'a isolée du restant de l'humanité dans un coin de la forêt autrichienne où elle séjournait avec son cousin Hugo et son épouse. D'humanité, il n'est plus question non plus puisque tout le monde, vivant derrière cet obstacle devenu infranchissable, semble être complètement pétrifié.
J'avoue que bien vite j'ai oublié ce mur dont la narratrice confesse presque, à un moment dans le roman, le caractère symbolique, pour suivre cette odyssée extra-ordinaire que nous conte Marlen Haushoer et qui pourrait tout aussi bien être celle d'un(e) ermite en rupture de banc avec la société où elle/il vit. Or on ne quitte pas impunément le monde d'où l'on vient et cette femme va être assaillie au début de cette aventure hors du commun par toutes les peurs archaïques qui peuvent surgir dans une telle situation. Peur de l'abandon lorsqu'elle va s'apercevoir qu'elle est vraiment seule au monde au sens premier du terme. Mais son instinct de survie et son sens de la combativité vont activer en elle une forte capacité de résilience et elle va renouer avec des racines paysannes dont elle n'avait plus conscience. C'est également une véritable ascèse qu'elle va accomplir en passant de la résignation à l'acceptation d'un nouvel ordre du monde qui la dépasse mais auquel elle se soumet. Son mode de vie va donc radicalement changer. Abandon d'une féminité qu'elle perçoit comme trop liée à l'apparence et aux rites sociaux qui la sous-tendent. Abandon progressif des repères de temps. Elle va même assumer avec courage et lucidité son goût pour la solitude et une certaine misanthropie.
Est-ce au profit d'une sorte d'ataraxie désincarnée dans laquelle elle se détacherait complètement de son environnement jusqu'à la mort ? Pas du tout ! Va se présenter à elle un nouvel ordre du monde dans lequel elle se sent bien plus heureuse qu'avant notamment au coeur de la nature ou au fond de la forêt. Et surtout elle va tisser des liens privilégiés avec des animaux qui vont devenir sa nouvelle famille, avec toutes les joies et les peines qui l'accompagnent. le récit des moments d'intimité avec Lynx, Bella, la vieille chatte et ses chatons m'ont beaucoup touchée par l'empathie et la tendresse qu'ils dégagent. Et seule son acceptation d'un ordre cosmique qui lui est supérieur va lui permettre de continuer à vivre après la mort de Lynx son chien et même d'envisager la sienne avec une certaine sérénité...
Ce roman m'a fortement interpellée par les questionnements qu'il soulève. A quoi tient notre humanité ? Qui sommes-nous une fois privés de tous les repères sociaux qui sont les nôtres ? Quid de notre capacité de résilience dans des circonstances extrêmes ? A aucun moment l'écriture froide et distanciée de la narratrice ne laisse d'échappatoire. J'ai suivi pas à pas la narratrice dans son parcours initiatique, même si j'aurais souhaité à certaines moments plus d'émotions...
Dernier questionnement non moins fort que les autres mais plus collectif et qui court en sous-thème dans tout le roman : l'urgence de préserver un ordre du monde dans lequel on puisse vivre en harmonie avec la nature et tout le vivant.
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