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Critique de itculture


Qui sait qu'un juif à Metz, en aout 1744, a sauvé le roi Louis XV, 34 ans, de la dysenterie ?
Aux portes de la mort, confessions faites et extrême onction reçue, les « médecins » l'abandonnent. Sur un organisme fragilisé par l'infection et la fièvre, ils ont pratiqué inconsidérément une dizaine de lavements et de saignées, techniques utilisées systématiquement à cette époque par des praticiens peu instruits en connaissances scientifiques, mais toujours arrogants et sûrs d'eux.
Le maréchal de Belle-Ile, Charles-Louis-Auguste Fouquet, petit fils de Nicolas Fouquet emprisonné à vie (ou à mort) par Louis XIV pour cause de « lèse majesté » après avoir fait construire le château de Vaux-le-Viconte, était un militaire éclairé, homme de culture, amateur des sciences et des arts, bienveillant quant à la présence d'une communauté juive dans la ville de Metz qu'il gouvernait, mais surtout pétri d'une intelligence lucide et pragmatique. Les juifs n'avaient pas encore acquis le statut de citoyens « français » sur le sol de France, reclus dans ce qu'on appellerait aujourd'hui « quartier, ou zone communautaire », mais jouissaient de la liberté d'exercer différents métiers, dont la médecine (étudiée en Allemagne car la France leur refusait ce droit !). Belle-Ile connaissait ses membres et les appréciaient.
Estimé par Louis XV pour ses faits d'armes et de diplomatie, il avait libre accès à ses appartements. Instruit par la déconvenue de sa maladie et l'échec des médecins, il use d'un stratagème assez prodigieux grâce à la complicité d'un médecin militaire, Hélian. Ils font quérir le médecin juif, Isaïe Cerf Oulman, 39 ans, réputé pour avoir déjà guéri la dysenterie à l'aide de « potions », puis le dissimulent sous l'apparence d'un autre médecin militaire retraité, totalement dévoué à Belle-île, Alexandre de Montcharvaux. Alors le « charlatan », « empirique », ainsi les affublaient les messieurs de la faculté, déguisé en militaire catholique, pratiqua sa « sorcellerie » sur sa majesté qui s'en remit fort aise. le roi aurait découvert la supercherie et contre guérison, pardonné à tous les acteurs, mais bannis ad vitam de leurs fonctions : l'évêque de Soisson, le premier chirurgien, le confesseur et plusieurs autres personnalités, intrigantes contre sa majesté durant ses jours de presque trépas !
Une première partie à l'écriture alerte, parfois burlesque, se lit comme un roman enchâssé dans la réalité historique très détaillée.
La deuxième partie est plus personnelle. En aout 1944, exactement deux siècles plus tard, François Heilbronn, descendant de la 8ème génération d'Isaïe Cerf Oulman nous dresse un tableau peu honorifique de la période d'occupation allemande en France et du sort des familles juives. En 1994, il recueille de sa grand-mère l'histoire familiale et le sort funeste d'une partie d'entre-eux, déportés en aout 1944, jamais rentrés. Probablement dénoncés, car arrêtés en même temps, dix membres de la famille descendants directs d'Isaïe furent assassinés à Auschwitz-Birkenau : Marguerite, Marie-Louise, Maurice, Claudine, André, Etienne, Henri, Lucienne, Denise, Georges.
François Heilbronn, vice-président du mémorial de la Shoah et professeur à sciences-po, dont l'écriture de ce premier livre est d'une qualité littéraire et historique remarquable, est un passeur de mémoire. Pour ses aïeux, pour les vivants et les générations futures, l'arbre généalogique de la famille demeure la référence historique et permet de rendre hommage à chacun et chacune d'entre-eux. Brillant témoignage.
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