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Critique de Ana_Kronik


On ne sait pas très bien expliquer à quoi sert l'art, on se demande même très souvent ce qui est de l'art et ce qui n'en est pas. Ce livre pose la question d'aborder l'art par la société.

Si la sociologie a un mérite, c'est d'avoir fait tomber l'art de son piédestal. de montrer que l'art ne se réduit pas à l'étude de la beauté, d'une part, et qu'il n'est pas non plus un idéal, une valeur absolue indiscutable. Sans être totalement le "produit" d'une société, il semble clairement que la production artistique ne peut être totalement hors de l'influence, des conditions de vie de la société qui l'héberge. Un seul exemple donné est éclairant: Norbert Elias expliquant que le style gothique pouvait trouver sa source non dans un symbole d'élévation spirituelle, mais tout simplement comme le résultat de la concurrence entre cités et États pour construire plus haut que les autres.

L'auteur aborde le sujet en nous brossant le tableau des différentes approches de l'art par des sociologues. On en retient qu'il y eut plusieurs périodes: tout d'abord centrée sur les oeuvres, on est passé à l'étude critique des institutions - par exemple les musées, les académies, et le mécénat, dont on sait le rôle majeur qu'il joue aujourd'hui; puis enfin, par des enquêtes, à l'étude de la réception des oeuvres d'art par le public.

On me pardonnera cette simplification outrageuse, qu'il est sans doute utile d'éclairer par un exemple. À cet effet, Nathalie Heinich analyse la question de l'authenticité des oeuvres, notion incontournable dans notre rapport à l'art. Dans la première approche, nous dit-elle, il s'agit d'établir en quoi un produit est authentique. Dans une approche critique, on mettra en lumière que cette notion d'authenticité est une construction sociale, l'expression d'une violence symbolique imposant une légitimité sur le public et les acteurs du monde de l'art, qui nous amène à y croire (on est presque dans le fétichisme religieux). Enfin, dans la troisième approche, pragmatique, on étudie les processus concrets d'authentification, les compétences requises pour être un expert, d'une part, et d'autre part, on essaiera d'analyser les émotions, les effets sur les personnes, d'une oeuvre d'art présentée comme authentique.

Parfois un peu savant, le livre reste accessible à tout public. Comme d'habitude dans cette collection, il fait appel à une synthèse des théories des nombreux penseurs de la question, de Benjamin à Bourdieu. Synthèse qui se double d'une analyse critique de ces mêmes théories, dont on retient qu'aucune n'est parfaite.

Parmi les éléments intéressants, on trouvera notamment quelques réflexions sur la position des artistes. On apprend ainsi que les artistes viennent de milieux sociaux très divers, mais qu'ils épousent souvent une femme (car la majorité sont des hommes) d'un niveau supérieur. Qu'ils se déclarent fréquemment autodidactes, alors qu'ils ont fait des études supérieures. La question de l'inspiration est également évoquée, certains artistes eux-mêmes insistant pour la déconstruire, affirmant que la création est un travail comme un autre.

Si ce petit bouquin est également fort utile, c'est aussi parce qu'il se demande à quoi peut servir la sociologie. On peut essayer d'y répondre par une boutade. L'art ne sert à rien, mais la vie sans art serait bien moins passionnante. Je crois qu'on peut en dire autant de la sociologie?
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