AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de PetiteBichette


Emmy Hennings, est une cabarettiste allemande d'une trentaine d'années, en 1919, lorsqu'elle écrit ce court récit autobiographique.
Elle fondera à sa sortie de prison, le Cabaret Voltaire à Munich avec son second mari Hugo Ball, ce qui fera d'elle une vedette, puis une muse dada.
À la suite d'un vol dont elle nous dit peu de chose, elle va passer plusieurs jours en prison à Munich, non pour le larcin commis, mais pour avoir émis dans une lettre le souhait de pouvoir se déplacer en France pour son travail, puisqu'elle est en attente de la date de son jugement.
À cause de cette lettre, l'absurdité du système judicaire se referme sur elle. Elle va passer un mois en préventive, puis un mois en prison pour un simple soupçon de délit de fuite. Oui vous avez bien lu, pas pour délit de fuite, mais soupçon de délit de fuite !
La jeune femme terrorisée et impuissante nous fait partager sa vie carcérale avec ses codétenues, des femmes pauvres, prostituées, la plupart du temps injustement emprisonnées, parfois à la place d'autres. Leur quotidien s'étire lentement entre tricotage de chaussettes pour gagner quelques pfennigs, et corvées de ménage.
Les pensées d'Emmy s'envolent pour s'éloigner de la douleur de la détention et l'auteure nous livre des pensées parfois féministes d'avant-garde sur sa condition.
« Prenons la créature la plus sans défense du monde : une fille des rues. S'il est interdit de monnayer des heures d'amour, il devrait être interdit d'acheter des heures d'amour. Mais l'expérience nous montre que l'être humain ne peut pas vivre sans heures d'amour. Il faudrait donc organiser l'amour autrement. « Amour organisé », c'est affreux à entendre. Et pourtant, on y revient toujours. le tribunal est une affaire d'hommes et châtier le sexe faible exige moins d'efforts que demander des comptes à des hommes trop jaloux de tenir secrets leurs penchants les plus forts. Je voudrais que les hommes abusés puissent voir le sourire de mépris qui se peint sur le visage de leurs séductrices quand, devisant tout bas dans les couloirs du pénitencier, elles évent les secrets de leurs accusateurs. Dans la cour de la maison d'arrêt, j'ai vu le sourire souverain sur les visages des femmes et des filles qui font le trottoir ; filles victorieuses qui ont l'élégance de se déclarer vaincues. Cette courtoisie doit être bien dangereuse, pour qu'on les enferme entre des murs épais. Je voudrais connaître le secret, la clé de ma prison. Je me tiens devant le judas et ne peux pas voir au travers. » (p. 118-119)
Emmy se fait touchante, ses tourments tournoient follement dans sa tête sans qu'elle ne parvienne à y mettre d'ordre : « Mon inquiétude entoure ma mère d'un voile d'anxiété et de crainte. Si seulement je lui avais écrit avant mon arrestation, quelque chose de très heureux, par exemple : « Je ne serai jamais complètement malheureuse, chère mère, c'était si beau de vivre près de toi. le reste n'est pas si grave. Tout le reste… » Si seulement je lui avais écrit ces mots ! Six lettres à l'avance que j'aurais dû lui écrire, six lettres heureuses, je les aurais affranchies, et ma logeuse en aurait porté une chaque vendredi à la boîte aux lettres. Une lettre serait alors arrivée chaque dimanche et j'aurais l'esprit tranquille. Je me fais une promesse : ma liberté retrouvée, je serai plus précautionneuse. J'écrirai soixante lettres en réserve. C'est suffisant pour plus d'un an. Oh, je serai très précautionneuse. » (p. 56)
Un récit intime, qui n'a pas pris beaucoup de rides malgré ses plus de cent ans au compteur. Je suis restée cependant un peu sur ma faim, l'ensemble restant malgré tout très descriptif et sans grande profondeur, ni pensées sur les injustices subies. J'espérais un récit un peu plus poignant, l'avant-propos d'Hermann Hesse, datant de 1938, qualifiant ce livre d'un « des plus vrais et émouvants de notre temps, un miracle de livre ».
Commenter  J’apprécie          493



Ont apprécié cette critique (49)voir plus




{* *}