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Hermann Hesse (Autre)Sacha Zilberfarb (Traducteur)
EAN : 9782957705429
150 pages
Editions Monts Métallifères (06/01/2022)
4.54/5   14 notes
Résumé :
Poétesse et romancière admirée de Hermann Hesse, chanteuse, danseuse, comédienne, «performeuse» avant l’heure... Emmy Hennings (1885-1948) a illuminé de ses talents toute l’avant-garde allemande du début du XXe siècle. Elle fut aussi la co-fondatrice du Cabaret Voltaire à Zurich, avec son mari Hugo Ball.
Mais c’était aussi une personnalité libre et forte. Préférant la vie de bohème à un mariage confortable, s’engageant dans toutes ses expériences jusqu’à la f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Emmy Hennings, est une cabarettiste allemande d'une trentaine d'années, en 1919, lorsqu'elle écrit ce court récit autobiographique.
Elle fondera à sa sortie de prison, le Cabaret Voltaire à Munich avec son second mari Hugo Ball, ce qui fera d'elle une vedette, puis une muse dada.
À la suite d'un vol dont elle nous dit peu de chose, elle va passer plusieurs jours en prison à Munich, non pour le larcin commis, mais pour avoir émis dans une lettre le souhait de pouvoir se déplacer en France pour son travail, puisqu'elle est en attente de la date de son jugement.
À cause de cette lettre, l'absurdité du système judicaire se referme sur elle. Elle va passer un mois en préventive, puis un mois en prison pour un simple soupçon de délit de fuite. Oui vous avez bien lu, pas pour délit de fuite, mais soupçon de délit de fuite !
La jeune femme terrorisée et impuissante nous fait partager sa vie carcérale avec ses codétenues, des femmes pauvres, prostituées, la plupart du temps injustement emprisonnées, parfois à la place d'autres. Leur quotidien s'étire lentement entre tricotage de chaussettes pour gagner quelques pfennigs, et corvées de ménage.
Les pensées d'Emmy s'envolent pour s'éloigner de la douleur de la détention et l'auteure nous livre des pensées parfois féministes d'avant-garde sur sa condition.
« Prenons la créature la plus sans défense du monde : une fille des rues. S'il est interdit de monnayer des heures d'amour, il devrait être interdit d'acheter des heures d'amour. Mais l'expérience nous montre que l'être humain ne peut pas vivre sans heures d'amour. Il faudrait donc organiser l'amour autrement. « Amour organisé », c'est affreux à entendre. Et pourtant, on y revient toujours. le tribunal est une affaire d'hommes et châtier le sexe faible exige moins d'efforts que demander des comptes à des hommes trop jaloux de tenir secrets leurs penchants les plus forts. Je voudrais que les hommes abusés puissent voir le sourire de mépris qui se peint sur le visage de leurs séductrices quand, devisant tout bas dans les couloirs du pénitencier, elles évent les secrets de leurs accusateurs. Dans la cour de la maison d'arrêt, j'ai vu le sourire souverain sur les visages des femmes et des filles qui font le trottoir ; filles victorieuses qui ont l'élégance de se déclarer vaincues. Cette courtoisie doit être bien dangereuse, pour qu'on les enferme entre des murs épais. Je voudrais connaître le secret, la clé de ma prison. Je me tiens devant le judas et ne peux pas voir au travers. » (p. 118-119)
Emmy se fait touchante, ses tourments tournoient follement dans sa tête sans qu'elle ne parvienne à y mettre d'ordre : « Mon inquiétude entoure ma mère d'un voile d'anxiété et de crainte. Si seulement je lui avais écrit avant mon arrestation, quelque chose de très heureux, par exemple : « Je ne serai jamais complètement malheureuse, chère mère, c'était si beau de vivre près de toi. le reste n'est pas si grave. Tout le reste… » Si seulement je lui avais écrit ces mots ! Six lettres à l'avance que j'aurais dû lui écrire, six lettres heureuses, je les aurais affranchies, et ma logeuse en aurait porté une chaque vendredi à la boîte aux lettres. Une lettre serait alors arrivée chaque dimanche et j'aurais l'esprit tranquille. Je me fais une promesse : ma liberté retrouvée, je serai plus précautionneuse. J'écrirai soixante lettres en réserve. C'est suffisant pour plus d'un an. Oh, je serai très précautionneuse. » (p. 56)
Un récit intime, qui n'a pas pris beaucoup de rides malgré ses plus de cent ans au compteur. Je suis restée cependant un peu sur ma faim, l'ensemble restant malgré tout très descriptif et sans grande profondeur, ni pensées sur les injustices subies. J'espérais un récit un peu plus poignant, l'avant-propos d'Hermann Hesse, datant de 1938, qualifiant ce livre d'un « des plus vrais et émouvants de notre temps, un miracle de livre ».
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Intime, engagé, d'ombre et de gravité « Prison » est un récit-témoignage incontournable. Hermann Hesse majuscule de l'avant-propos dévoile la forte personnalité de Emmy Hennings, cabarettiste « toujours du côté de ceux qui luttent, des pauvres, des affligés, elle préfère ceux qui souffrent ; elle vibre pour les persécutés et les déshérités. »
« Prison » est un classique dès l'aube née, une oeuvre majeure.
Emmy Hennings s'inspire de son vécu carcéral, accusée de vol en vérité, elle a passé plusieurs semaines en prison.
On ne quitte jamais des yeux Emmy. Cette dernière est convoquée brutalement suite à une lettre qu'elle a écrite demandant la date de son audience au tribunal car elle voulait malgré tout se rendre à Paris. La justice frileuse et méfiante la somme de s'expliquer à la préfecture de police. Elle ne comprend pas pourquoi. Elle préfère croire à la délivrance de la date de son audience. Il n'en sera rien . Eux pensent à une fuite probable de cette dernière. Elle, le bouc-émissaire d'une justice floutée par la toute puissance d'une police outrancière.
D'emblée, on ressent une vive empathie pour Emmy. L'absurdité d'une justice kafkaïenne, ubuesque et méprisable. Avant-gardiste, libre et intègre, elle ressent les courants d'air des diktats, les sidérations des obstacles. Elle devient vulnérable, se le refuse, le front altier et les joues pâles, le corps courbé par l'irrévocable.
« Prison » est un plaidoyer, un livre blanc, un canevas sociétal et le reflet des enfermements intérieurs.
« Je consulte ma mémoire. J'appuie ma tête contre la porte en fer. Si je ne me trompe cinq heures ont sonné… J'ai enregistré ce jour comme un objectif… Je regarde ce judas noir. »
Existentiel, dont ne peut effacer l'indélébile, barreau sur la conscience. L'innocence, ici, est un hymne à la patience. Les soeurs de cellule, l'entraide et le partage, la débrouillardise, l'as de coeur. Soumises, en proie aux grisailles des classes sociales désenchantées, lianes des ténèbres, résistantes et dignes.
« La marche funèbre de Chopin  murmure en moi. Ces messieurs du tribunal devraient être oniromanciens. Les rêves illégaux sont punissables. »
« Prison »est l'idiosyncrasie des épreuves carcérales. Cri dans la nuit noir, un livre qui interpelle les aberrations et l'hégémonie des sphères judiciaires.
« Ces murs ont été construits par des mains implacables qui étaient tout à leur affaire. C'est pourquoi ces mains sont impardonnables. » « Seul qui connaît la nostalgie sait ce que je souffre ».
la culpabilité, aigle noir, les interrogations qui font vaciller les possibles résurgences, « Prison » est un acte militant. Un livre fraternel et digne, un hymne pour la liberté, le chant triste des confidences emmurées. Un hommage pour ces prisonnières, « car son seul crime est d'avoir négligé de renouveler une licence de colporteur ».
Crucial, une chance éditoriale hors norme doté d'une traduction perfectionniste de Sacha Zilberfard, une mise en lumière touchante et bouleversante. Une urgence de lecture ! Publié par les majeures éditions Monts Métallifères.
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C'est en prise directe avec l'expérience-même que la narratrice, Emmy, double de l'autrice, raconte son arrestation, son incarcération et son séjour en prison.
L'histoire se déroule en 1914. La très faible distance avec les événements, petits et grands, l'adresse de Hennings à les restituer, en fait un récit immersif, touchant. le lecteur est amené à faire connaissance avec des personnes ordinaires, dont l'authenticité est palpable, des gens de peu. le rythme du récit est enlevé, les choses s'enchaînent dans un tourbillon un peu fou, un peu flou, saisissant bien une réalité qui vous tombe dessus et que vous ne comprenez pas vraiment.
Ce bref récit est attachant, très vivant, et le personnage féminin résiste au désespoir de la réclusion avec une grande force, malgré des moments de doute très âpres.
Il faut, par ailleurs, saluer à l'évidence la performance du traducteur Sacha Silberfarb.
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Merci aux éditions Monts Metalliferes de redonner voix à la vertigineuse Emmy Hennings. Ce journal rédigé sous geôles a plus d'un siècle, mais il nous paraît curieusement proche.

Sur la scène des cabarets de Zurich, Hennings séduisait le public par ses talents de danseuse et de chanteuse. Mais derrière le rideau, l'artiste vivait en exil dans la misère, aux côtés de son époux, l'écrivain Hugo Ball. En février 1916, ils ouvrent ensemble le Cabaret Voltaire, qui donna naissance au mouvement dada. Une belle découverte de l'été.
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critiques presse (1)
LeMonde
17 janvier 2022
La fondatrice du Cabaret Voltaire, à Zurich, était aussi écrivaine et poète. En témoigne le premier de ses textes traduit en français, datant de 1919.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Je regarde ce judas noir. Il est parfaitement noir, d'une perfection sans cœur. Je ne réussirai pas à ranimer ce qui est mort ; à faire naître, d'un coup de baguette, un monde du néant. Mon pouvoir va s'affaiblir. Je ne pourrai pas voler. Je resterai sur la terre ; je resterai par terre.
Pourras-tu franchir les grilles en fer ? Faire s'écrouler les murs ? Briser les portes chaque fois que tu verras devant toi une porte verrouillée ? Où trouveras-tu la force ?
Et un grand abattement m'envahit. Mon front ruisselle de sueur. Je colle mon visage contre la porte en fer. Ne me quitte pas, raison ! J'ai peur. Peur de m'abandonner à ma fureur naturelle.
Un œil a dû me voir du dehors. Œil du gardien. Œil noir de traître qui me regarde. Fourbe judas. Je me détourne et commence une déambulation monotone. Six pas aller, six pas retour, encore et toujours. (p. 46-47)
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A la sortie, le cortège est ordonné. Des prisonniers traversent la cour. Nous devons attendre qu'ils soient entrés dans l'église ; car nous les femmes n'avons pas le droit de croiser des hommes. Un jour nous sommes entrées en collision avec une colonne de prisonniers, et j'ai vu tout à coup l'effarement et la consternation sur le visage d'une surveillante. Elle était horrifiée à en perdre la tête, et j'ai pensé à part moi : ce doit être très dangereux, des hommes et des femmes qui se retrouvent nez à nez en prison. (pages 124-125)
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