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Critique de LightandSmell


Dans cette BD témoignage, Marion revient courageusement, 20 ans après, sur son expérience traumatisante au sein de la Scientologie à Paris puis au centre européen de Copenhague.

Une secte dont les méthodes quasi militaires nous apparaissent d'une terrible implacabilité. Après la phase d'approche et de séduction, où l'on fait miroiter aux gens une vie meilleure grâce à de supposées méthodes prouvées scientifiquement, vient la phase de conditionnement où l'on abrutit les esprits et épuise les corps. Certains passages m'ont donné l'impression d'être plongée dans un camp de travail, sauf que l'emprisonnement est volontaire, les personnes acceptant elles-mêmes, sans même le réaliser, une vie dépourvue de liberté, de fantaisie et de chaleur humaine. Une vie de très grande solitude, où la délation est encouragée et la méfiance de circonstance, bien loin de l'esprit de groupe et de cohésion vanté lors des réunions de présentation…

Je connaissais la scientologie grâce à l'acteur Tom Cruise, probablement le plus connu de ses membres, mais je ne pensais pas ses méthodes aussi brutales ! Il y a, ainsi, des passages difficiles où l'on sent la puissance de l'emprise de la secte sur ses membres et de ses méthodes confinant parfois à la torture psychologique. Épuisée par le manque de sommeil et des efforts physiques intenses, entrecoupés de « leçons », Marion va heureusement avoir ce sursaut de vie la poussant à prendre ses distances avec une organisation qui s'est engouffrée dans ses failles.

En pleine errance amoureuse et nouvellement au chômage, Marion n'était, en effet, pas au meilleur de sa forme quand elle a été initiée par l'intermédiaire d'un « ami ». Mais plus on avance dans la BD, plus on réalise que n'importe qui aurait pu se laisser piéger ou presque, la secte sachant admirablement bien mettre en confiance ses futures victimes, aidée en cela par un discours bien rôdé dévoyant certains préceptes de développement personnel.

C'est probablement l'un des effets les plus pervers de cette secte, faire croire aux potentiels membres qu'elle va les aider à s'épanouir et à être heureux, quand elle les pousse à la dépense, avant de mieux les détruire psychologiquement afin de les garder sous sa coupe. Ainsi, en intégrant la secte, Marion fuyait une vie qui ne lui convenait plus, sans réaliser qu'elle mettait le pied dans un engrenage infernal et destructeur. Marion a réussi à s'en sortir et à retrouver une place parmi les siens, mais combien d'autres victimes n'ont pas eu cette chance ? Durant la lecture de cette BD, cette question n'a eu de cesse de me traverser l'esprit, d'autant que le témoignage de Marion rappelle que la justice n'est pas d'une très grande efficacité pour lutter contre les sectes et leurs méthodes…

Si j'ai compati aux épreuves traversées par la jeune femme, de son expérience au sein de la secte à l'après, entre les séquelles psychologiques et les menaces de la Scientologie qui n'a pas particulièrement bien pris son départ, je ne me suis pas attachée à elle. Son témoignage est percutant et captivant, mais il est dénué d'émotions. Il y a une sorte de mise à distance émotionnelle, probablement nécessaire pour évoquer une expérience dévastratice... Et puis, il est vrai qu'au centre de Copenhague, Marion a appris à ne plus ressentir, juste à travailler sans relâche et à faire des préceptes de la secte les siens. Cela se ressent obligatoirement dans la manière assez froide dont elle relate les événements. Une froideur rehaussée par les dessins simples, mais pas simplistes, et la teinte bleutée des illustrations.

On évite donc tout pathos, ce que j'ai apprécié, d'autant qu'on ressent très bien le mal-être de Marion la gagner et la ronger à mesure que s'écoulent les semaines de labeur et de lavage de cerveau. Je l'ai d'ailleurs trouvée très courageuse d'arriver, malgré les circonstances, à prendre du recul sur ses émotions qu'on a tout fait pour étouffer, et à décider de quitter la secte alors qu'elle était seule dans un pays étranger, face à des personnes bien déterminées à ne pas la laisser partir. Après tout, si la perte de son travail ne permettait plus à Marion de payer à prix d'or de pseudo-formations, elle n'en demeurait pas moins une recrue de choix dont le zèle avait été, jusque-là, fortement apprécié…

En bref, Dans la secte est une BD que je recommande afin de comprendre les mécanismes d'embrigadement et de conditionnement des sectes, et plus particulièrement de la Scientologie. Une plongée terrible et pourtant nécessaire dans un enfer dont notre narratrice a réussi à s'échapper, non sans en avoir subi les conséquences et gardé des séquelles.
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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