Citations sur Champs de bataille (22)
Notre espèce est décidément faite d'une étrange alchimie, capable tout autant de créer l'harmonie, de magnifier, de célébrer la beauté en chaque chose, que de s'avilir dans le sang et la fureur ultime, de se délecter de sa pestilence !
Une phrase de Hermann Hesse sur le passé m'est vaguement revenue à l'esprit. Je me souvenais de l'avoir lue dans l’Éloge de la vieillesse. (...)
"Nous ne devons pas nous efforcer de retenir le passé ou de le reproduire. Il faut être capable de se métamorphoser, de vivre la nouveauté en y mettant toutes nos forces. Le sentiment de tristesse qui naît de l'attachement à ce qui est perdu n'est pas bon et ne correspond pas au véritable sens de la vie."
Qui sait ce qu'est le véritable sens de la vie ? Serai-je capable d'autant de sagesse ? Serai-je assez fort pour me métamorphoser - car c'est bien de métamorphose qu'il s'agit -, ne pas me laisser vaincre par la nostalgie, accepter le présent, fuir le passé et me tourner résolument vers l'avenir ?
En même temps que je me relevais, et sans que j'y puisse rien faire, je sentais monter en moi un parfum d'amertume, cette aigreur sournoise, poudre diaphane qui s'insinue dans chaque pore de la peau et comble nos plus infimes fissures avant de cimenter tout notre être, de le rendre plus dur que la pierre, inaccessible et froid.
A trop se cacher des autres on finit toujours par se cacher à soi-même.
Pisser. Ce mot m'a colonisé l'esprit jusqu'à l'obsession. Il plombe chaque heure de ma vie. Cela peut prêter à sourire mais cet acte naturel est devenu un handicap, une contrainte physique si pesante qu'elle en modifie mon comportement, me déséquilibre, m'assombrit, m'interdit toute spontanéité et transforme insidieusement ma personnalité.
"Peut-être, avec le temps, finit-on par apprendre quelque chose. Peu m'importait ce que c'était. Tout ce que je voulais c'était de savoir comment vivre. Peut-être, en apprenant comment vivre, pourrait-on finir par comprendre ce qu'il y a en réalité au fond de tout ça."
J'avais noté cette phrase quelques années plus tôt sans me douter évidemment qu'elle me ramènerait à mon état actuel, qu'à mon tour je me poserais cette même question : comment vivre ?
J'ai vingt-cinq ans. Il y a encore quelques jours j'avais toute la vie devant moi, celle qui se trouve derrière cette grande fenêtre sans rideaux.
J’ai quand même tenu à lui préciser que ça ne servait à rien de vouloir confronter les souffrances des uns à celles des autres. Chaque épreuve est unique car chaque homme est unique. Vous savez, ai-je ajouté, traverser ce genre d’épreuves vous rend très égoïste. On se renferme, on s’isole, on s’en fou des autres autant qu’ils s’en foutent de nous. On se dit qu’on a déjà fort à faire avec soi-même.
"L'abîme obscur, hagard, funèbre, illimité [...]
On n'entend pas le cri qu'on a poussé soi-même
On sent les profondeurs qui s'emparent de vous [...]
Et l'on songe à la vie, au soleil, aux amours
Et l'on pense toujours, et l'on tombe toujours !
Et le froid du néant lentement vous pénètre !
Vivants ! Tomber, tomber, et tomber, sans connaître
Où l'on va, sans savoir où les autres s'en vont !
Une chute sans fin dans une nuit sans fond
Voilà l'enfer [...]"
Jamais ces vers de Victor Hugo ne m'ont tant parlé, tant remué.
Qui se souvient de ses premiers pas ? Personne. Au moins aurai-je eu ce privilège.