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Critique de Atarah


Comment est-il possible qu'en acceptant de nous engager avec l'auteur par des "sentiers étroits au bord du précipice", ce soit précisément cette exaspérante lenteur et cette sombre redondance des lignes qui chargent soudain la page d'une angoisse presque insoutenable, pareille à celles des rêves ? Ici les réponses, les échos, les symétries se font attendre: la conflagration n'aura lieu qu'aux dernières pages-et c'est alors seulement que nous verrons sous la matière dense, opulente romantique, l'étrange dessin musical qui s'y trouve caché. Non plus à la manière d'un Mendelssohn cette fois, mais à la façon d'un Franck- car ce ne sont plus les épisodes qui se donnent tragiquement la réplique, ce ne sont pas les mêmes lieux (l'île dans l'île comme la tour dans la tour: la Chartreuse dans l'île et le sourd-muet dans la Chartreuse), mais plutôt les inexprimables et parfois inaccessibles pensées de l'hommes: péché contre péché, maladie contre maladie, détresse contre détresse- mais cette fois dans un temps, dans un lieu absolument autre que le leur. Tous les cycles de toutes les saisons sont sans doute nécessaires pour que ce lieu se révèle dans son mystère aveugle et splendide. Et c'est à travers la beauté de l'île, à chaque page plus humide , plus glorieuse et plus funèbre, que les personnages vont recouvrer la leur; à commencer par le père Rocca, ce fils idéal de Bernanos qui depuis le début semblait démentir la fausse aura avec son mal de coeur, ses jambes enflées, ses cauchemars et "sa façon maladroite et honteuse de mettre sur le compte de la solitude ses infortunes et ses erreurs."
Sur l'ensemble du récit pèse désormais, chasuble obscure et précieuse, ce sentiment quasi espagnol de poussière et de gloire, de lèpre et de ciel, qui est aussi naturel à Herling que son phrasé digne d'une millénaire liturgie des morts.

Cristina Campo

« Nous sommes pareils à des enfants perdus dans la forêt. Quand tu es devant moi et que tu me regardes, que sais-tu de mes douleurs et que sais-je des tiennes? Et si je tombais devant toi, si je pleurais et te parlais, en saurais-tu davantage sur moi que sur l'enfer, quand on te dit qu'il brûle et donne des frissons? » Lettre de Kafka à Oscar Pollak
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