AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Il s'agit du recueil de courtes histoires consacrées au personnage de Venus, initialement parues dans le magazine "Measles" entre 1998 et 2001. Toutes les histoires sont écrites, dessinées et encrées par Gilbert Hernandez. Elles sont toutes en noir & blanc. Ce recueil est paru pour la première fois en 2012.

La petite fille Venus qui donne son nom au titre du recueil est la fille de Petra, l'une des soeurs de Luba (personnage central de la série "Love and Rockets", voir Luba de Gilbert Hernandez). Ce tome comprend un peu moins de 90 pages de comics, se décomposant en 9 histoires de longueur variable de 2 à 24 pages. La première histoire (24 pages) permet de faire connaissance avec Venus (une jeune fille d'une dizaine d'années), Yosh son meilleur ami, Glinda Gonzales (une copine), Petra (sa mère, adepte de culture physique), une vieille voisine, de se promener dans la campagne avoisinante, de découvrir ses 2 passions (lire des comics romantique et taper dans un ballon de football), et de croiser une manifestation surnaturelle (le bébé Blooter). Par la suite, le lecteur voit Venus visiter un parc à thème (science-fiction) avec sa tante Fritz, tenter de se faire remarquer de Miguel Mendoza (le plus joli garçon de l'école), jouer au football sous les yeux de Miguel, réaliser un comics pour aider sa soeur à apprendre à lire, préparer la fête de Noël, déguster une cuisse de poulet, laisser tomber par terre le cookie qu'elle vient d'acheter, et vivre un rêve éveillé où les individus qu'elle croise portent tous le nom d'un dessinateur de comics édité par Fantagraphics.

Gilbert Hernandez s'est fait connaître avec sa série "Palomar" publiée dans le magazine "Love and Rockets" (à commencer par Heartbreak Soup). Il s'agit d'un créateur de bandes dessinées au style très marqué, assez prolifique : Chance in hell, High soft lisp, Marble season, Julio's day, Sloth, Speak of the Devil, etc. Avec "Adventures of Venus", il participait à un magazine jeunesse pour lequel il produisait des histoires pour tout âge. En tant qu'adulte, il est difficile d'apprécier la pertinence de ces récits pour un enfant. Par contre, il est possible de les apprécier en tant qu'oeuvre de Gilbert Hernandez, s'inscrivant dans sa bibliographie.

Le lecteur retrouve donc les formes généreuses et le zozotement de Fritz le temps de quelques pages (1 histoire, celle du parc à thème), ainsi que la carrure impressionnante de Petra. Dans la mesure où il s'agit d'histoires à destination d'un jeune lectorat, il n'y a aucune connotation sexuelle, et la morphologie de Petra semble déplacée dans ce contexte, exagérée. Il s'agit donc de pénétrer dans un monde à prendre au premier degré, sans psychologie apparente, ou sans chute de l'histoire, parfois avec une maxime assez générale (par exemple qu'il y a des choses plus importantes à Noël que d'avoir de la neige). Les 2 premières histoires comprennent une composante de réalisme magique, chère à Hernandez, apportant une touche poétique cohérente avec la perception de la vie qu'à Venus. Cette composante ne reviendra que le temps de 2 cases dans l'histoire de Noël (un bonhomme de neige qui parle).

L'intérêt de ces histoires est donc à chercher dans les émotions de Venus, ses interactions avec son environnement et ses points de vue. Dans la majeure partie des histoires, Petra constitue la référence adulte qui permet de définir la normalité et l'organisation matérielle, un second rôle rassurant et bienveillant. le lecteur voit le monde par les yeux de Venus, à la fois en découvrant ses actions, mais aussi par le biais de ses pensées. Petit à petit, il s'immerge dans une vision particulière de la réalité faite de bonheurs simples et immédiats et de contrariétés déclenchant abattement ou énervement. La brièveté des histoires permet de comprendre que ces émotions restent passagères, des réactions immédiates aux événements. le dessin très épuré de Gilbert Hernandez transcrit avec facilité la vivacité de Venus, son environnement immédiatement assimilable par l'oeil, les émotions simples sur les visages. Mais pour un adulte, cette lecture a du mal à conserver son attention. Il ne peut pas prendre le point de vue des adultes autour de Venus parce qu'ils n'ont que des rôles secondaires. Il ne peut pas se projeter dans le personnage de Venus, un peu trop d'un seul tenant, sans réelle complexité. du fait des bulles de pensée, ses plaisirs sont déjà un peu intellectualisés, donc il n'y a pas de poésie qui pourrait survenir à se contenter de contempler cette enfant en action.

Il est possible que ces aventures de Venus plaisent et parlent à un lectorat d'une dizaine d'années. Pour un lectorat adulte, la combinaison des dessins de Gilbert Hernandez avec des histoires simples semblent presque contre nature. le lecteur est en attente d'un deuxième niveau de lecture qui n'émerge pas, par comparaison avec "Marble season" où l'évocation d'une jeunesse d'un même âge sert de révélateur de certains aspects de la condition humaine.

Il reste encore le cas très particulier de la dernière histoire dans laquelle Hernandez rend hommage à ses collègues dessinateurs sans imiter leur style, mais en essayant d'incorporer leur vision idiosyncrasique dans le rêve de Venus, de Jim Woodring à Peter Bagge, en mentionnant Mario Hernandez, Kim Thompson et Gary Groth, ou même Lewis Trondheim. Là encore le résultat n'est pas entièrement convaincant, coincé entre les clins d'oeil, une atmosphère onirique réussie, et une absence de sens.
Commenter  J’apprécie          20



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}