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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quand en novembre dernier j'ai vu Cédric Herrou sur le plateau de "C L hebdo" obligé de se justifier face à un Jean-Michel Apathie insistant sur le fait que, parmi les migrants qui passaient par chez lui, il y avait certainement des terroristes, j'ai réalisé combien Cédric devait être doté de constance pour se donner encore la peine de répondre à ce genre de questions médiocres.

Dans "Change ton monde", j'ai réalisé qu'en plus d'être constant, fort de sa générosité désintéressée, il est pugnace et courageux.
Et pour finir de démontrer qu'il n'est pas un doux rêveur, il parle également de ce qui pollue et fait trébucher ces élans d'humanité, de la pression politique aux touristes humanitaires.

Grâce à son combat, le conseil constitutionnel consacre le "principe de fraternité" le 6 juillet 2018, et Cédric Herrou sera par la suite relaxé, de tout.
C'est quelque chose.
On peut le remercier puisque, grâce à lui, la devise inscrite sur le fronton de nos édifices publics retrouve officiellement un peu de sens. Tous ceux qui liront ce livre se rappelleront forcément que "Une devise implique aussi des devoirs."
C'est quelque chose.
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Cedric Herrou est un écorché vif qui a trouvé refuge à flanc de montagne dans la vallée de la Roya en achetant une petite oliveraie abandonnée devenue jungle et une ruine de 30 m² : « Afin de ne pas sombrer dans la colère, j'ai choisi l'exil des montagnes. M'éloigner du monde des "autres", celui des insensibles et des blasés, qui peuvent vivre sans états d'âme près de la misère, qui s'en protègent en la stigmatisant ou en la méprisant. »

A force de travail, il a récupéré les oliviers, installé un élevage de poules pondeuses et retapé la ruine. Il vit à sa convenance, seul dans sa montagne, ne fréquentant les autres que pour les courses dans le village ou la vente de ses produits. Il a peu d'amis, tous engagés.

Mais voilà qu'un soir, il voit des silhouettes marchant le long de la route ; «Mais que font ces gens-là sur la route ? J'ai cru voir des gosses »… des migrants africains. Refont alors surface les leçons et exemples inculqués par ses parents : « agir, oser la fraternité, combattre l'inacceptable pour ne pas en être acteur ». Il propose au couple et leurs deux enfants de les héberger pour la nuit et de les conduire en voiture, le lendemain, à la gare vers laquelle ils marchaient. Il vient de mettre le doigt dans un engrenage qui le dépassera rapidement !
Aidé d'amis, de bénévoles et de donateurs, soutenu par ses parents et son frère, il va essayer d'organiser au mieux l'accueil, puis la démarche de demande d'asile de ces migrants venant d'Italie (particulièrement les jeunes isolés et les enfants et leurs mères) dont les droits sont bafoués par une classe politique, une administration et des forces de l'ordre (policiers et gendarmes) dont le seul but est de refouler ces migrants vers l'Italie dès leur arrivée… un bras de fer qui vaudra à Cédric Herrou, de multiples gardes à vue et procès intentés par le préfet et un député dont le fonds de commerce est la lutte contre les migrants ; le maire de Nice se joindra à eux à l'occasion…
« Si j'avais laissé ces enfants au bord de la route, ma mère m'aurait engueulé. J'ai préféré affronter la violence des procureurs. »

La vallée de la Roya est à cheval sur la frontière franco-italienne ; deux routes la desservent, l'une en direction de Vintimille, l'autre en direction de Nice et Menton. Pour contrecarrer l'aide que Cedric et ses amis apportent aux migrants, les forces de l'ordre installent des barrages permanents sur ces routes… Mais ils restent les chemins de montagne qui serpentent tantôt en France, tantôt en Italie et qui permettent de rejoindre à pied Nice et la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile (4 jours de marche)… Qu'à cela ne tienne : la gendarmerie établit des postes de surveillance permanents autour de la ferme de Cedric permettant de voir jour et nuit ce qui se passe dans la ferme… Une débauche de moyens sans commune mesure avec l'ampleur de l'activité de Cedric (quelques centaines de migrants aidés) ; il fallait ‘'faire un exemple'' !!
Conséquence : « plus le préfet nous persécute, plus nous récoltons de dons.»


« La migration constitue un drame pour la quasi-totalité des exilés que j'ai accueillis. Tous sont déracinés, cassés et détruits de l'intérieur, sans trace de leur famille. Comment voient-ils leur avenir ? Ils ne savent pas. Leur passé ? Ils ne savent plus. »
Liberté, égalité, fraternité : « Une devise implique des devoirs » nous rappelle Cedric Herrou.


PS : Michel Toesca a adapté cette histoire au cinéma sous le titre ''Libre'', film qui figurait dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2018. Des pressions ont été exercées par le préfet pour le faire retirer de la sélection ; Thierry Frémaux refusa et maintint son invitation.
https://www.youtube.com/watch?v=fKhYUbd2vog


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Son crime : délit de solidarité. le jour où j'ai entendu ces mots à la radio je me suis demandé si j'étais toujours en France. Comment le pays de la Déclaration des Droits de l'Homme, ce pays qui affiche sur le fronton de ses mairies le mot « Fraternité » à côté des mots « Liberté » et « Egalité » peut-il avoir dans son lexique judiciaire le terme « délit de solidarité » ?

Cédric Herrou est un agriculteur et éleveur de la vallée de la Roya, enclave entre France et Italie. En juin 2015 le gouvernement français décide de fermer la frontière franco-italienne, en pleine crise des migrants. Comme tous les habitants de la vallée, Cédric Herrou ne peut que constater les effets de cette décision politique : leur vallée est devenue l'un des seuls chemins pour les migrants voulant demander l'asile en France. Un chemin difficile et dangereux.

Dès lors Cedric Herrou s'est retrouvé entraîné malgré lui dans une action qu'il mène au grand jour, comme d'autres habitants de la vallée, aidant, hébergeant, nourrissant les migrants, sollicitant les administrations pour leur demander une seule chose : tenir leur rôle qui est d'enregistrer les demandes d'asile, gérer les mineurs. Son vrai crime : être un lanceur d'alerte qui met l'administration française face à ses contradictions et la confronte à sa gestion maltraitante des migrants. Lui n'a qu'un but : redonner leur dignité d'être humain à ceux qui ont fui la misère, la guerre, la famine, la dictature au risque de leur vie.

Dans ce récit autobiographique il raconte avec simplicité et sincérité son parcours, ces 4 années de combat contre une administration qui chaque jour foule aux pieds les lois de la République. Une vie de droiture et d'humanité critiquée, bafouée, injuriée par ceux-là même qui sont censés être la loi et l'application du Droit. Quatre années de harcèlement juridique et de pressions administratives à son encontre (11 gardes à vue, cinq perquisitions de sa ferme, une surveillance permanente par une cinquantaine de gendarmes pendant plusieurs mois et cinq procès), qui lui vaudront des soutiens internationaux, dont celui du New York Times ou celui de Jean-Marie-Gustave le Clézio qui soutient son action et préface son livre.

Traité plus bas que terre pour crime de « fraternité », Cédric Herrou n'est pas un héros mais simplement un être humain qui a voulu mettre en application dans sa vie quotidienne l'un des trois principes de la République Française. Ses choix, l'agriculteur de la vallée les assume, les rend public, en fait un combat politique médiatisé sans craindre la prison ni la justice de la République.
Une République qui finira par reconnaître que son action est juste. le 31 mars 202 il sera définitivement relaxé.

Ce récit passionnant est celui d'un homme de conviction, épris de justice et d'humanité, et une réflexion sur le sens que l'on veut donner à sa vie.
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Tendre la main à ceux qui en ont besoin. Dans tous les systèmes moraux à travers les âges, cette action figure sur la liste des principes de base. Force est de constater, pourtant, que dans certaines régions du monde, et à certaines époques, on remet en question sa validité : les gens qui demandent de l'aide en ont-ils vraiment besoin ? Ne l'ont-ils pas un peu cherché ? Et d'ailleurs, ne sont-ils pas un peu dangereux ?

Cédric Herrou a passé plusieurs années de sa vie à s'occuper des migrants dans la région niçoise. Vivant près de la frontière franco-italienne, il les a tout d'abord aidé à passer la frontière pour arriver en France, avant de renoncer, sous les coups judiciaires, pour se focaliser sur l'accueil de ceux qui y étaient entrés (sans lui).

Le contraste entre l'idéologie et la réalité du terrain est assez saisissant. On l'a compris, en France, faciliter la vie des migrants n'est pas très rentable électoralement parlant. C'est plutôt la lutte à qui en renverra le plus, à qui se montrera le plus sévère sur le sujet. Même si ces gens ont légalement le droit d'être là (la France a été condamnée plusieurs fois par la justice européenne sur le sujet), même si ça n'a aucun sens (comme former un jeune de 16 ans et lui fournir un apprentissage, pour l'expulser le jour de ses 18 ans), le but est de ne surtout pas céder sur les chiffres – quand on médiatise une vie précise, les avis sont par contre plus nuancés.

Quelles que soient nos convictions sur l'immigration en général, on ne peut que déplorer le gâchis total et la mesquinerie des moyens employés – procès à rallonge contre des particuliers, sorties médiatiques, mobilisation de forces de police démesurées par rapport au danger réel – qui seraient mieux investis dans des structures d'accueil correctes.

Le livre reste assez factuel et décrit la vie d'un homme immergé dans les problèmes du quotidien (comment loger et nourrir des gens aujourd'hui), en lutte contre une bureaucratie qui a d'autres objectifs et qui travaille sur des durées électorales. On note d'ailleurs parfois qu'avoir les mains dans le cambouis ne laisse pas vraiment le temps de réfléchir au problème global, et que l'avis de Cédric évolue au cours du temps (par exemple, conduire les migrants d'Italie vers la France d'abord, se plaindre que les contrôles à la frontière laissent passer trop de monde et submergent ses propres structures d'accueil ensuite).

Le récit de Cédric m'a fait réaliser que la stratégie du pourrissement fonctionne – sur moi en tout cas. À force de voir des gens mourir dans la mer, errer dans les rues, repousser violemment de bidonvilles en camps de fortune, je n'éprouve plus qu'une sorte d'indignation résignée assez inefficace. Je suis heureux de voir qu'il existe encore des gens pleins d'énergie pour s'occuper de ces questions, en espérant retrouver rapidement la mienne.
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Courrier international du 2 juillet 2023 : "Tandis qu'en Italie les arrivées de migrants repartent à la hausse, ces dernières semaines, le gouvernement français a encore renforcé ses contrôles, déjà stricts, à la frontière : 150 agents supplémentaires et des drones sont déployés pour patrouiller dans toute la région." Petit goût amer : le combat de Cédric Herrou n'est pas près de se terminer et moi, je ne fais toujours rien pour changer mon monde...
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