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Critique de Shaynning


Petit protégé de la sympathique famille Poulpe, "Orage, petit seigneur des ténèbres" est un roman pour la tranche des 9-10 ans, ou du second cycle primaire, environ. Contre-séréotype du monde des contes, il mêle absurde, humour et même féminisme dans un récit qui revisite les rôles du conte, malmène le concept manichéen du bien et du mal, tout en interrogeant la pertinence des traditions.

Orage est fils de seigneur des ténèbres, et en tant que tel, devra un jour kidnapper une princesse, perdre contre le chevalier qui viendra la réclamer ( oui, oui, comme un prix) et vivre dans l'ombre le restant de ses jours, alors que le couple royal ainsi formé pourra se marier et procréer allègrement. Rien de très réjouissant, c'est le moins qu'on puisse dire. Surtout pour un jeune garçon de 12 ans qui s'interroge sur le système en question. Pourquoi DOIT-il perdre? Pourquoi les princesses doivent-elles êtres sauvées? C'est qu'il est philosophe le petit seigneur. Bref, alors qu'il se met à broyer du noir...heu...du blanc, Orage prend alors le conseil de ses sbires zombies: Ne pas remettre à plus tard ce qu'on peut faire tout-de-suite. Armé de son courage ( et du dragon de son père) Orage enlève Regalia, princesse au nom trop long d'un royaume du bien. Six ans trop tôt. Les conséquences sur le planning pourraient faire sombrer les royaumes dans l'anarchie, et les parents d'Orage tentent de minimiser les dégâts. Néanmoins, pour la princesse, c'est un premier gout de liberté et pour Orage, la première fois qu'il est en présence d'une personne susceptible de le comprendre. On s'en doute, les choses viennent de changer...pour de bon.

J'ai bien aimé ce roman jeunesse qui malmène autant le monde débile du conte de la princesse et du chevalier. J'apprécie toujours les contre-stéréotypes, surtout quand on est du côté du personnage le plus traditionnellement écarté et mal compris. Bien sur, il y a une bonne dose d'absurdités, mais comme c'est un monde de conte, on peut se le permettre.

Nous sommes dans un univers clivé radicalement entre "méchants ténébreux-malpropres-malpoli" contre les "tout-beaux-tout gentils-tout propres-tout polis", ça c'est le côté absurde. Bien sur, comme dans tout univers qui se respecte, aucun personnage n'est à ce point radical. Orage est plutôt avenant, il écrit sans fautes ( une belle qualité!) et fait preuve d'empathie. Regalia est prisonnière des convenances et des traditions, mais elle a un caractère solide et a l'esprit ouvert. Lauriers, le chevalier, est un ado boutonneux arrogant, égocentrique et peu éloquent. Les parents d'Orage sont également très attachants.

Les femmes occupent une place particulière dans le récit. La mère d'Orage est peut-être douce et attentive, mais c'est elle "qui mène la baraque". On pourrait dire que c'est elle le vrai Seigneur des ténèbres de la maison. Regalia aussi se montre très différente de son archétype. Entrepreneuse, éloquente, déterminée, elle a le tempérament d'une meneuse. Et elle ne supporte pas d'être la seule dans le trio à ne rien gagner des manigances millénaires qui la cantonne dans le rôle de la plante verte stupide en robe rose.

Le scénario est rocambolesque, "facile", les prises de conscience se font trop rapidement, mais pour un lectorat plus jeune, c'est avant tout la perceptive de remanier les stéréotypes qui est séduisante. Les idées sont claires, mais elles s'enchainent vite. Il y a pleins de jeux de mots amusants et de petits clin d'oeil ( comme le monstre sous le lit).

J'apprécie beaucoup qu'on se soit intéressé au sort de la princesse, au fait que son père le roi la tienne pour acquis comme un objet, un humain qu'on peut instrumentaliser et utiliser. C'était un état bien réel pour les femmes à une époque pas si lointaine et c'est bien de rappeler aux plus jeunes le chemin parcouru en terme de droits de la femme. À la fin, Regalia devient le modèle moderne de la femme: femme d'affaire, femme célibataire, femme voyageuse, etc. Et Orage est son ami. Après tout, pourquoi les personnages féminins doivent SYSTÉMATIQUEMENT finir en couple? J'avais peur que Regalia finissent en couple avec Orage, ce qui ne l'aurait pas démarquée des autres personnages féminins jeunesse, mais ce n'est pas le cas et c'est tant mieux!
Il y a foison de messages positifs dans ce roman un brin déjanté, sur le courage d'être soi-même, sur l'importance de questionner les traditions et ce qui "convenu", l'importance de tenir compte du point de vue de "l'autre", de ne pas cliver entre noir et blanc ( faire attention aux extrêmes) et, ça j'ai beaucoup apprécié, d'établir le fait que "les adultes n'ont pas la vérité absolue et peuvent faire des erreurs"! La famille d'Orage a beaucoup évolué et s'est montrée bien plus soudée que celle de la princesse, aussi "ténébreuse" soit-elle.

Un bon roman pour sortir des sentiers battus...ou plutôt, pour asphalter des sentier restés de terre trop longtemps.

P.S Les images étaient rigolotes.

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