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Critique de afleurdemots


Le terme « cotillon » a de multiples sens et peut notamment désigner une danse crée au XVIIIème siècle par Louis Pécour et s'inspirant des figures anglaises. A l'origine, cette chorégraphie était exécutée par deux couples (plus tard, certaines variantes se danseront à 3 voire 4 couples). Les quatre danseurs, disposés en vis-à-vis enchaînent différentes figures en changeant de partenaire. le choix d'un tel titre par l'auteure laisse ainsi présager une intrigue sentimentale toute en légèreté et se révèle par ailleurs source de maintes interprétations une fois la lecture achevée. Quoi qu'il en soit, la définition précédemment donnée du terme « Cotillon » et tout ce qu'elle peut évoquer en conséquence, incarne parfaitement l'esprit du livre.

Dès les premières pages, Georgette Heyer donne le ton et déploie une farandole de personnages sous nos yeux. Un certain effort d'attention est alors nécessaire pour intégrer tous ces protagonistes ainsi que les liens de parenté qui les relient les uns aux autres. Mais passée cette étape d'assimilation, la représentation peut commencer. Car comme au théâtre, « Cotillon » m'a donné l'impression de me retrouver spectatrice d'une véritable comédie, mettant en scène des personnages aussi excentriques qu'atypiques, au service d'une farce où s'entremêlent différentes intrigues amoureuses. Et je pense que c'est d'ailleurs avec un peu de recul et de dérision qu'il convient d'appréhender le récit pour l'apprécier à sa juste valeur.

Portée par des personnages burlesques et débridés, l'intrigue de « Cotillon », de prime abord assez convenue, se révèle être en effet un vrai bijou d'ironie. Elle est en outre, remarquablement mise en valeur par la plume de Georgette Heyer qui parvient à concilier élégance du style et humour, n'hésitant pas à user de tous les codes du genre comique. Quant aux dialogues, où chaque réplique est minutieusement travaillée, ils sont aussi drôles que savoureux. J'ai ainsi ri à de multiples reprises, amusée tant par le génie des réparties que par le caractère des protagonistes qui constituent l'essence même de ce récit. En effet, il serait réducteur de se contenter d'évoquer l'aspect léger et distrayant de l'intrigue. Car derrière les tribulations sentimentales (et vestimentaires) des différents personnages, Georgette Heyer se moque des codes de la romance et des archétypes du genre. L'auteure est ainsi parvenue à peindre des personnages en exagérant suffisamment le trait pour les rendre irrésistibles tout en faisant preuve d'assez de subtilité pour ne pas les rendre antipathiques.
Dans « Cotillon », Freddy Standen, personnages masculin principal de cette intrigue, est ainsi aux antipodes du héros romantique que l'on connaît. Loin du coureur de jupon ou du héros cultivant le mystère, Freddy se révèle davantage préoccupé par son apparence et les fautes de goût vestimentaire de sa soeur que par sa vie sentimentale. Véritable dandy, un brin efféminé, et multipliant traits d'humour et taquineries à longueur de journée, il tient incontestablement plus du parfait « meilleur ami » que du prétendant idéal. D'ailleurs, sa loyauté infaillible le conduit immanquablement à se mettre dans des situations pour le moins inconfortables. Ce qui fait finalement le charme de Freddy, ce sont ses répliques hilarantes et surtout, son infinie bienveillance envers sa très chère cousine, Kitty, pour laquelle il est prêt à de nombreux sacrifices. Au fil du récit, mon attachement à ce personnage n'a ainsi cessé de croître. J'ai été séduite par ses excentricités, ses réparties exquises et caustiques à souhait.
A l'inverse de Freddy, il y a son cousin, Jack, pourvu de tous les attributs du héros de ce genre de récit. En dépit de ses rares apparitions, il est au centre de toutes les conversations. Charmeur, mystérieux, sûr de lui, il fait battre le coeur de nombreuses demoiselles, et fait figure de favori dans la liste des prétendants de Kitty (il est d'ailleurs le neveu préféré de oncle Matthew). Une situation d'élu qui ne lui convient pas. Car Jack ne veut pas être désigné, il veut choisir ! Et afin de rappeler à tout le monde qui tire les ficelles du jeu, il décide de ne pas se présenter le jour où Kitty doit faire part de son choix. Tout au long du récit, Jack se fait ainsi attendre et désirer. Une absence récurrente qui titille notre curiosité et entretient encore davantage le mystère autour de sa personnalité.
Pour clore ce tour d'horizon des protagonistes masculins, impossible de ne pas évoquer l'unique et ô combien hilarant Dolphinton. Un peu « lent » intellectuellement et sous la croupe d'une mère tyrannique qui le terrorise, chacune de ses apparitions donne lieu à des situations exquises et des dialogues d'anthologie ! Si je peux aisément concevoir que le caractère poltron et pleurnichard de Dolphinton puisse en agacer plus d'un (à juste titre), il a, pour ma part, réussi à attiser toute ma sympathie. Voilà un personnage que je n'oublierai pas !
Dernier personnage incontournable (et non des moindres!), la jeune Kitty, personnage central du récit. Incapable de contrôler ses sentiments, impatiente et égoïste, son comportement m'a souvent agacée. En effet, dans l'unique dessein de conquérir Jack, elle n'hésite pas à se servir des gens qui l'entourent pour parvenir à ses fins et ce, sans se préoccuper des conséquences. Elle ne peut pas non plus s'empêcher de mettre son nez dans les histoires sentimentales des autres. Et même si ça part toujours de bonnes intentions, cela aboutit souvent (involontairement, reconnaissons-le) à des situations inextricables. Mais en dépit de ses nombreux défauts, Kitty n'en reste pas moins une jeune fille pétrie de bonnes intentions et dont les maladresses répétées suscitent la compassion du lecteur. Qui plus est, sa personnalité va beaucoup évoluer au cours du récit.
Car dans l'esprit de « La passe dangereuse » de Maugham, « Cotillon » décrit finalement la prise de conscience progressive d'une jeune héroïne aux idéaux préconçus quant à ses sentiments. Si sur le fond, le message est on ne peut plus limpide, sur la forme, l'analyse de l'évolution des sentiments de Kitty aurait gagné à être davantage développée. En effet, l'écriture très théâtrale adoptée par l'auteure ne permet malheureusement pas de saisir les états d'âme des personnages. A défaut de monologues, je regrette ainsi que l'auteure n'ait pas intégré dans ses passages narratifs davantage de détails relatifs aux sentiments des protagonistes permettant ainsi d'en saisir l'évolution. Ce manque de nuance dans l'appréhension de la psychologie des personnages aboutit en effet à une fin trop précipitée sans qu'on n'ait réellement pu percevoir l'évolution des sentiments de l'héroïne. Je reconnais néanmoins que cette absence de détails ajouté au caractère imprévisible de Kitty, ont permis à l'auteure de me faire douter jusqu'aux toutes dernières pages quant au choix final de l'élu de son coeur…


Porté par des personnages aussi peu conventionnels qu'hilarants, « Cotillon » se révèle être une romance originale aux airs de comédie théâtrale. Si certaines regretteront peut-être la légèreté de l'intrigue et les personnages qui tombent parfois dans la caricature, j'ai, pour ma part, totalement sucombée à la plume acérée de l'auteure et à la galerie de personnages tous plus irrésistibles les uns que les autres. Derrière une intrigue apparemment lisse et prévisible, Georgette Heyer parvient néanmoins à jouer avec les codes de la romance et nous offre des dialogues d'anthologie.
Malgré tous ces points positifs, « Cotillon » n'est cependant pas dénué de quelques défauts. En effet, outre la difficulté d'assimiler le nombre conséquent de personnages et les liens qui les unissent, j'ai également quelques regrets sur l'intrigue qui pâtit parfois d'un manque de rythme. J'aurais ainsi apprécié que Georgette Heyer intègre à son récit davantage de rebondissements et ménage une fin moins abrupte, insistant davantage sur l'évolution des sentiments de Kitty.
Lien : http://afleurdemots.nhost.me..
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