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Critique de RogerRaynal


Ce recueil de cinq nouvelles de la brillante et fugace Higuchi Ichiyo, morte à 24 ans en 1896, nous fait partager la mélancolie qui s'attache à des personnages féminins frappés par le destin, enfermés dans leur condition et victimes, parfois consentantes faute de pouvoir envisager autre chose, des traditions autant que, souvent, de leur pauvreté.
Les descriptions poétiques, puisant aux sources les plus classiques, se marient aux âpres conditions vie de l'époque meiji. Nous rencontrons ainsi, dans "le son du koto", un mendiant misérable dont la vie bascule, une nuit, lorsqu'il entend le son de cet instrument sous la lune. "La treizième nuit" nous apprends que la richesse n'apporte pas pour autant la liberté : la belle O-seki, mariée avec un homme important à la suite d'une union inespérée vu leur grande différence de niveau de vie et d'éducation, revient chez ses parents pour leur annoncer son divorce, alors que tous encensent son mariage et profitent, directement ou non, de celui-ci.
le récit suivant, "jour de neige", nous fait partager les réflexions d'une jeune femme sur la fatalité qui l'a poussée à brûler sa vie dans un amour impossible. Cette impossibilité à s'aimer, sur un mode bien plus délicat, est aussi le sujet de" fleur de cerisier dans la nuit", où la relation impossible entre deux voisins, le beau Ryonosuke et la jeune Chiyo qui s'éveille à l'amour, mais n'ose pas s'en ouvrir à celui qu'elle aime, conduira à une fin tragique. La tragédie marque aussi "eaux troubles", un drame qui se joue dans une maison de plaisir entre la belle O-Riki et Genshichi, marchand devenu misérable pour avoir trop fréquenté sa maison de plaisirs. L' inconstante O-riki ne peut l'oublier ambré ses amours multiples, mais Genshichi est à ce point épris d'elle qu'il va aller jusqu'à détruire non seulement sa famille, mais sa vie même. Cette longue nouvelle aurait pu donner matière à un roman, et décrit magnifiquement la vie des gens simples qui étaient les voisins de Higuchi Ichiyo lorsqu'elle tenait son petit magasin proche du Yoshiwara, le quartier des plaisirs.

Ce beau recueil nous offre un condensé du talent de Higuchi Ichiyo pour décrire la vie des sans-grade, des femmes et des hommes de peu qui luttent contre la fatalité et cherchent un peu de réconfort dans le simple éclat de la Lune.

Il faut rendre hommage au travail de la traductrice, Claire Dodane, qui enseigne la littérature japonaise à l'université de Lyon. Spécialisée dans les femmes écrivains du Japon moderne, elle a du composer avec le style très particulier de Higuchi Ichiyo, qui mêle des termes, des structures de phrase dérivant directement de la littérature Héian, de l'an 1200, à des références culturelles chinoises et japonaises classiques et des tournures bien plus modernes, celles du Japon de son époque. le résultat est limpide, les notes nécessaires, en bas de page, étant toujours bienvenues sans jamais freiner la lecture.

le livre comprend une postface qui précise les particularités de l'oeuvre de Higuchi Ichiyo et la situe par rapport à d'autres écrivains de temps, comme Mori Hogai ou Koda Rohan, et discute la portée de ses textes qui annoncent un certain féminisme. Une suite de repères biographiques termine l'ouvrage.
Ce dernier compte 186 pages au format 16 x 22 cm, avec une couverture à rabats, et a été imprimé en France. Il est particulièrement agréable à lire car la papier utilisé est de très bonne qualité, très légèrement duveteux. Enfin, signalons pour tous ceux dont les yeux ne sont plus très jeunes qu'il est imprimé en caractères assez gros, avec des interlignes assez larges pour que sa lecture en soit alors facilitée.
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