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Critique de Alcapone


A votre avis, qui de Max Schultz ou d'Itzig Finkelstein est le nazi ou le barbier ? L'un est juif, l'autre allemand. L'un est blond aux yeux bleus et au nez droit, l'autre a le nez crochu et des yeux de grenouille. Tous deux sont amis et apprentis-coiffeurs au salon de L'Homme moderne jusqu'en 1933, date de l'accession au pouvoir de Hitler. Des deux compères alors complices comme deux frères, un seul survivra à l'holocauste... Ce sinopsis évoque un scénario somme toute assez classique. D'ailleurs, certains se surprendraient même à penser : "Encore une horrible histoire de nazis !" Et pourtant, aussi fictif qu'il soit, ce roman écrit par Edgar Hilsenrath, survivant des ghettos juifs d'Ukraine, a suscité bien de polémiques à sa sortie en 1968-1969. Qualifiée de pornographique, cette violente satire du nazisme a été boudée par les éditeurs allemands jusqu'en 1977 ! Ce sont les éditeurs américains qui les premiers, ont révélé au monde la verve sans pareille d'Edgar Hilsenrath. Bien leur en a pris, pourrons-nous affirmer : nous serions sans quoi passés à côté d'une plume aussi truculente qu'imaginative...

Le nazi et le barbier ou l'histoire invraisemblable d'un bourreau qui tuait en ricanant...

Tout, dans ce roman satirique tend aux extrêmes : entre blasphème et ironie, peu d'auteurs (juifs en l'occurrence) avaient osé le registre de l'humour noir pour évoquer la Shoah. Avec ce titre, au diable le politically correct et à bas le pathos ! Edgar Hilsenrath dans une langue crue et sans tabous offre une lecture parfaitement grinçante. le récit est déjanté, cocasse et a le mérite d'aborder différemment le thème de l'antisémisme. Point de rancoeurs ou d'amertume, le nazi et le barbier distrait le lecteur des témoignages larmoyants comme le poignant Si c'est un homme de Primo Levi. Il se distingue également d'autres récits de bourreaux de l'Holocauste comme le terrible La mort est mon métier de Robert Merle. Ainsi que le souligne Jörg Stickan en postface : "Brisant un tabou, Edgar Hilsenrath s'est permis d'écrire l'histoire d'un bourreau qui tuait en ricanant. A sa manière, avec un humour féroce et une langue ébouriffante, Sûr, le nazi et le barbier, ce n'est pas de la littérature pour couilles molles". (p. 478). En effet, le nazi et le barbier ne relève pas d'une littérature pour couilles molles. Au contraire, il y est question d'assumer des choix, aussi extrêmes, absurdes ou invraisemblables qu'ils puissent être. Alors oui, ça dérange, ça met mal à l'aise, mais ça rappelle qu'il est parfois bon d'être brusqués... Lisons-donc Edgar Hilsenrath et laissons-nous emporter par cette voix joyeusement subversive... ...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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