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Critique de katell


Après « Les femmes de Brewster Place », je me suis plongée dans le premier roman policier de Chester Himes « La reine des pommes », roman écrit, en 1957, à la demande de Marcel Duhamel pour la collection « Série noire ». L'auteur vivait alors à Paris et l'a écrit en français.

Ce polar m'a embarquée, ou plutôt réembarquée car je l'avais lu il y a près de deux décennies, à New-York dans le quartier noir de Harlem où la naïveté incroyable du héros malgré lui, Jackson, dit la Reine des pommes tant sa crédulité flirte avec la bêtise consommée, va entraîner une succession de situations aussi rocambolesques que burlesques avec une pointe de cruauté.

Jackson vit à la colle avec la sulfureuse Imabelle, une superbe femme « à la peau couleur banane ». C'est un bon gars, pas très malin mais sympathique, petit, rondelet et un peu chauve. Il travaille dans une entreprise de pompes funèbres dont il conduit un des corbillards. Il est tellement épris qu'il ne voit absolument pas que sa dulcinée le dupe de manière éhontée. D'ailleurs il souhaite l'épouser et pour ce faire il faut de l'argent. Or, sa fortune ne s'élève qu'à 1500 dollars. Il est pauvre, fauché et désespéré. Mais, la belle et splendide Imabelle a un plan, elle qui connaît un type qui connaît un type qui lui-même connaît un gus qui peut transformer un billet de dix dollars en un billet de cent. Rendez-vous est pris dans une chambre louche pour la transformation des billets et la route vers la richesse. Sauf que, au beau milieu de tout, alors que Jackson peut atteindre la richesse, la police débarque et notre héros malgré lui se fait épingler tandis que Imabelle et ses amis se font la malle, l'abandonnant à son triste sort. Il est plus que fauché et une seule solution s'offre à lui afin de recouvrer la liberté : « emprunter » dans le coffre-fort de son entreprise de quoi verser le bakchiche. Notre naïf Jackson met le doigt dans un engrenage qui l'emmènera de Charybe en Scylla, toujours persuadé qu'il doit sauver Imabelle des griffes des escrocs. Il croisera la route de deux flics de Harlem réputés pour avoir la gâchette facile, Ed Cercueil et Joe Fossoyeur, versions noires de l'inspecteur Harry, ce qui veut bien dire ce que cela veut dire … quand on tombe entre leurs mains impitoyables on peut faire ses prières. Au coeur du sac de noeuds, une malle remplie de pépites d'or, une malle qui fait courir beaucoup de monde, la nuit, dans les rues de Harlem. de cavalcades en planques, de frayeurs en découverte de cadavre, Jackson, aidé par son frère Goldy, petit escroc junkie traversti en bonne-soeur, tentera de retrouver sa belle et de reprendre une vie normale.

Avec « La reine des pommes », roman policier jubilatoire, Chester Himes observe et raconte avec justesse et une énorme dose d'humour les travers de la situation des Noirs sans avoir recours au cynisme et encore moins à la caricature. Ed Cercueil et Joe Fossoyeur sont noirs mais avant tout ils sont là pour faire respecter l'ordre dans un milieu qui a perdu nombre de ses repères, notamment moraux. Derrière l'humour, parfois grinçant, l'auteur pointe le sordide, le glauque et la misère sociale et culturelle d'une population abandonnée à elle-même. Derrière le rire, car je dois souligner que le rire est à chaque détour de page, Chester Himes montre combien l'Amérique blanche bloque les Noirs dans leur désir d'émancipation et leur envie de décrocher les meilleures places dans la société.

Nota Bene : j'ai eu, plus d'une fois, l'impression de me trouver dans un film de Quentin Tarentino avec en bande son la musique de James Brown.
Lien : https://chatperlitpopette.wo..
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