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Critique de Seijoliver


Belle et singulière initiative pour les éditions Ixe de faire traduire des nouvelles d'une autrice japonaise Hirabayashi Taiko (1905-1972). Une rencontre avec une traductrice, en l'occurrence Pascale Doderisse ?, ou le souhait de faire découvrir des femmes rebelles de tous pays ?, ou d'autres raisons encore ? ont provoqué cette publication… Soulignons que les textes sont accompagnés d'une instructive présentation de la traductrice. Par contre, sur la couverture, est écrit Autofictions. Choix qui interroge, puisqu'il est aussi indiqué textes. Or, ce sont bien trois nouvelles qui nous sont données à lire. Des récits dont le matériau est largement autobiographique, mais qui sont bien des textes littéraires. La condition féminine sera au coeur de ces récits.
Les deux premières nouvelles datent des années vingt, période où Hirabayashi Taiko est très active dans les milieux militants anarchistes. Ce contexte se retrouve dans les récits : la narratrice, dans « Dérision », compagne d'un homme ayant rompu avec le militantisme, fréquente les cercles anarchistes, et dans « A l'hospice » elle est la compagne d'un activiste arrêté suite à un projet d'attentat . La dernière, « Kishimojin », a été écrite après la capitulation et reprend le terme de la maternité déjà évoquée dans « A l'hospice ».
La première des nouvelles nous est racontée par une femme qui avec ironie et lucidité décrit sa vie. Désabusée (« comment vivre cette journée en se réjouissant de quelque chose ? ») par son couple et les hommes en général indifférents au sort des femmes (« je m'étais usée à en perdre toute fraîcheur d'esprit à chercher un homme conforme à mes idéaux »), sans le sou son compagnon et elle se résolvent parfois à voler (des pousses de bambou dans un jardin du voisinage), à mettre des objets au clou ou d'aller à des dons offerts par une société soutenant les anarchistes. Mais le plus souvent c'est elle qui se sacrifie, allant voir un ancien amant pour demander un peu d'argent, qu'elle obtient après avoir passée la nuit avec lui. A la solidarité qu'elle espérerait se substitue une forme de domination : ses compagnons finalement profitent d'elle et se font entretenir ; elle ne reçoit que mépris, et cette précarité, l'aspect misérable qu'elle lui impose, la fait se dénigrer et se sentir laide. L'auteur évoque souvent son corps, ce qu'on ne faisait pas à l'époque. Ce corps, il en est encore question dans « A l'hospice », où la narratrice parce qu'elle est enceinte est placée dans un dispensaire et ce avant son incarcération prévue pour complicité dans un acte terroriste organisé en soutien à des ouvriers d'usine. Ce dispensaire n'est guère reluisant, si peu humain, on y économise tout sur le dos des patientes. Souffrante du béribéri, désemparée (« l'idée que je devrais me résoudre à donner mon lait contaminé au bébé traversa comme une froide bourrasque mon coeur abattu »), elle attend, puis donne naissance à un enfant, réfléchissant à sa condition.
La troisième nouvelle, publiée – en 1946- quasi vingt ans après les deux textes déjà mentionnés, se distingue par la maturité que l'on sent de manière évidente chez l'auteur et chez la narratrice, Keiko, femme de quarante ans qui découvre la maternité, « une page blanche » pour elle, après l'adoption d'une jeune enfant. Ce n'est plus une jeune femme naïve, idéaliste (« tu as vécu une vie de femme riche de nombreuses expériences. Maintenant, avec la même énergie, creuse, donne à ta vie de la profondeur »), et elle apprend mi-amusée mi-effrayée l'amour maternel, elle qui ne connaissait que « la seule présence physique » de son mari, et découvre aussi en faisant la toilette intime de la fillette, le corps des femmes et de l'oppression qu'il subit.
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