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Citations sur Dérision (8)

En caressant les cheveux de soie coupés au carré de Yoshiko, Keiko se disait parfois qu'il n'était pas nécessaire de s'inquiéter si ce même éclair ne jaillissait pas entre elles deux. Elle savait d'expérience qu'à l'instar de toute chose en ce monde, les relations humaines se construisent selon deux schémas : celui de la colline aux pentes douces ou celui fulgurant du geyser. Son affection pour Yoshiko suivrait le chemin menant à la colline, pensait-elle, et diffèrerait par sa forme et sa tonalité de l'amour qu'elle portait à Yoshizô. Et c'était bien ainsi. A vrai dire, dans sa jeunesse Keiko avait vécu dans les grandes largeurs tout ce qu'il était donné à une femme de vivre, en traversant bravement des plaines et des montagnes où d'autres ne s'aventuraient pas, avec pour seul guide l'arc-en-ciel qui portait haut ses rêves. Un jour, son amant de l'époque avait été jeté en prison et elle s'était retrouvée, malade, dans un asile pour indigents, à pleurer à chaudes larmes sur un oreiller dur. Un temps aussi, jouant du nihilisme ambiant qui plongeait le pays dans le désespoir et les ténèbres, avec le culot d'un prestidigitateur qui risque son va-tout pour rafler la mise elle avait collectionné les hommes qui croisaient son chemin comme autant de cartes à jouer.

Extrait de "Kishimojin"
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Son visage était celui d'un vieil homme...Je me sentis misérable jusqu'au fond des tripes, tandis que j'observais Yada qui, après avoir refermé le livre en anglais sur son bureau, s'asseyait, mal à l'aise, de l'autre côté du meuble. Mais comment avais-je jamais pu devenir l'amante d'un homme pareil ? Néanmoins, je continuais à guetter si fort le moment d'aborder la question de l'argent que je sentais une tension au niveau des sourcils.
Yada me proposa d'assister dans la soirée à une représentation de théâtre expérimental que donnaient des amis.
"Y aller, oui...Enfin, pourquoi pas..."
Mes tergiversations au sujet de l'argent transparaissaient jusque dans mes mots. Sans se soucier de mes états d'âme, Yada avait sorti d'une malle un kimono léger qui puait la naphtaline et qu'il essayait devant son miroir, la mine satisfaite.
Sentant que je n'avais guère le choix, je me résolus à l'accompagner de nouveau.
"Comment se fait-il...? murmurai-je en cherchant autour de moi mes socques qui n'étaient plus dans l'entrée.
- Je pensais que vous restiez cette nuit, je les ai rangées avec celles de M. Yada", lança au loin la propriétaire de sa voix haut perchée.
Je n'avais pas remarqué la petite fenêtre ménagée dans la porte coulissante de la pièce du fond, derrière laquelle elle m'observait. Mes geta sales, taillées dans un seul bloc, étaient posées, à l'envers, sur celles de Yada. Un frisson me parcourut, prise de conscience brutale de ma situation et de l'endroit où je me trouvais.
Dehors, il faisait encore jour; des nuées rougeoyantes lourdes d'humidité coiffaient la ville. Je pensais à ma mansarde de banlieue au-dessus de l'échoppe du coiffeur, d'où d'ordinaire je regardais le ciel de Tôkyô, et je pensais aussi, avec une satisfaction mitigée, à l'homme qui là-bas, les bras croisés, imaginait sa femme partie vers la ville animée qui s'étendait devant lui sous ce beau ciel.

Extrait du récit "Dérision"
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Tu es une femme ! Crois en l'avenir ! Si tu nourris un amour profond pour ton enfant, de par cet amour tu dois jurer de te battre.

Extrait de "A l'hospice"
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Je portais en ma chair le souvenir d’hommes si nombreux que j’avais perdu la force de souffrir autrement qu’intellectuellement.
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Coupée de mon passé comme de mon futur, je me sentais unidimensionnelle ─ une simple feuille de papier. Cependant, nous étions, pour un temps, mère et enfant. La prison était un mur qui se dressait sur mon chemin. Dans ce genre d'endroit, les marmots étaient vite séparés, tout petits encore, de leur mère. Je ne pourrais pas faire connaître à ma fille la vie misérable des détenues. Par ailleurs, il était admis qu'un enfant dont la mère avait été reconnue coupable restait innocent ; le garder en prison relevait par conséquent de l'abus de droit, aussi fallait-il l'expulser de ce lieu...Mais dans ce monde où règne l'individualisme, en quoi est-ce rendre un petit enfant libre que de l'arracher à sa mère ? Selon ces lois, la détention revient purement et simplement à déposséder la mère prisonnière de toute chose qui lui est chère, jusqu'à son enfant. A ce stade de ma réflexion, je me retrouvai enfermée dans un nihilisme dont je n'arrivais pas à sortir. La socialiste en moi s'atrophiait à l'idée d'aller en taule. Ah, cette pitoyable conscience de soi qui m'entraînait encore sur les rivages du désespoir...

Extrait de "A l'hospice"
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Keiko souleva la robe et la la passa par dessus la tête de la fillette. Elle s'apprêtait à la laver de la tête aux orteils avec une petite serviette mouillée, mais avant cela, l'esprit ailleurs, elle lui tâta le bras, lui caressa les cuisses. Les membres potelés lui évoquaient la chair d'un petit veau ou d'un agneau. Ils lui remettait en mémoire le gout délicat, quoiqu' un peu fade , de ces viandes. Pour Keiko qui avait grandi au contact des animaux et les connaissait bien, prendre un bébé animal pour point de comparaison afin de comprendre l'enfant était ce qu'il y avait de plus simple.
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La peau flasque de mon ventre trahissait de manière évidente cette ancienne grossesse. Mes deux seins pendaient, soupes comme des cadavres de chats.
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Ce n'était pas mon mari. C'était mon camarade. Parce que je le considérais comme mon mari, toutes sortes d'insatisfaction naissaient. Pour un couple de camarades projetant des actions, le vieux système familial, avec sa corde dérisoire à laquelle tous se raccrochent, était aussi desséché que des mauvaises herbes de la saison passée.
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