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Critique de Enroute


Pour Axel Honneth, les lutte sociales se conçoivent comme une lutte pour la reconnaissance, c'est-à-dire une revendication pour la réévaluation des rapports intersubjectifs de la part d'une communauté. Cette reconnaissance prend trois formes, la confiance en soi (qui s'obtient par des liens affectifs), le respect de soi (qui passe par l'égalité des droits) et l'estime de soi (qui implique la valorisation de son mode de vie par la société). La lutte sociale naîtrait de la diffusion d'un sentiment d'exclusion (du fait d'un régime juridique inégalitaire) ou d'humiliation (du fait du dénigrement de son mode de vie) qui pousse une population à agir. (Plus rarement, la lutte sociale naît de violences physiques (rupture des liens affectifs).)

La lutte pour la reconnaissance permet à la société de trouver son cadre moral lorsque la lutte se fait à son niveau le plus élevé, c'est-à-dire que les individus sentent leur intégrité menacée (estime de soi). Prêts à défendre leurs idées au prix de leur vie, leur lutte engage une réévaluation des cadres moraux de la société qui s'exerce ensuite d'une manière plus standard dans la lutte pour l'égalité des droits.

Cette notion de lutte pour la reconnaissance est née chez Hegel qui fusionnait la lutte des individus au sein de la société (Machiavel et Hobbes) avec la notion de cadre éthique de la société (Aristote) dans la notion de reconnaissance de Fichte. Cependant, ni lui, ni Mead, Marx, Sorel ou Sartre ne sont parvenus à justifier exclusivement l'idée de la lutte sociale par la lutte pour la reconnaissance car ils n'ont chacun reconnu qu'un seul mode d'existence de la lutte pour la reconnaissance, en l'occurrence sous la forme d'une lutte pour l'égalité des droits.

Pour l'avenir, il faut envisager que la lutte pour la reconnaissance, si l'explication de Honneth des luttes sociales par la lutte par la reconnaissance est juste, passe par des luttes sociales qui redéfiniront le cadre moral de la société, d'où découlera son cadre légal - la sphère des liens affectifs restant dévolue à un cadre privé, relativement à l'écart de l'influence de la société.


Au-delà de l'explication des luttes sociales par la lutte pour la reconnaissance, ce qui est précieux dans ces propositions concerne la discrimination entre les modes d'exercice de la liberté : confiance en soi, respect et estime de soi. Cette répartition aide à faire la part des choses et à relativiser la notion juridique : tout ne passe pas par les droits. Elle permet aussi de saisir que les mouvements sociaux peuvent avoir pour effet de contribuer à redéfinir le cadre moral de la société, indépendamment de son cadre légal, et donc, à la faire évoluer. En ce sens, la lutte sociale n'est pas la défense d'intérêts privés, mais la défense du cadre moral de la société. La lutte sociale engage donc la moralité de toute la société.

On comprend encore les efforts pour la valorisation des modes de vie des uns et des autres comme une manière de limiter - si ce n'est d'éviter - les sentiments d'humiliation de nature à diminuer l'estime de soi - et donc comme une manière d'éviter les mouvements de lutte sociale en adaptant les liens sociaux au cadre moral de la société. En revanche, la thèse de la lutte pour la reconnaissance semble impliquer pour qu'une communauté politique européenne naisse, qu'un mouvement de revendication pour l'intégrité des populations émerge avec pour effet de définir un cadre moral international. Cette perspective est à la fois enthousiasmante et, à un certain point de vue, inquiétante.

(PS : la critique de presse "nonfiction" est aberrante.)
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