Les émotions négatives qui accompagnent l'expérience du mépris pourraient [...] constituer la motivation affective dans laquelle s'enracine la lutte pour la reconnaissance.
l'expérience du mépris s'accompagne toujours de sentiments susceptibles de révéler à l'individu que certaines formes de reconnaissance sociale lui sont refusées.
L'esprit doit en effet être constitué de telle manière qu'il ne se réalise pleinement qu'en se sachant reconnu par d'autres ; or cette reconnaissance, l'individu ne peut s'en assurer que dans l'élément du conflit, en faisant l'expérience de la réaction pratique par laquelle l'autre répond à un défi délibéré, voire à une pure provocation.
Il ne faut donc pas dire [comme Hobbes] que le contrat passé entre les hommes met fin à l'état précaire dans lequel chacun doit lutter conte tous pour sauvegarder son existence, mais plutôt considérer la lutte comme un moyen moral permettant de passer d'un stade primitif à un stade plus avancé des rapports éthiques.
... les différentes formes de mépris jouent relativement à l'intégrité psychique de l'individu le même rôle négatif que les maladies organiques pour la reproduction de son corps.
C'est ce double mouvement - d'émancipation croissante des sujets individuels et de renforcement de leurs liens communautaires que devait déclencher et stimuler la lutte pour la reconnaissance, en suscitant chez les individus un sentiment rationnel pour leur solidarité intersubjective en même temps qu'elle les rendait progressivement attentifs à leurs exigences subjectives.
[La lutte sociale : ] Il s'agit du processus pratique au cours duquel des expériences individuelles de mépris sont interprétées comme des expériences typiques d'un groupe tout entier, de manière à motiver la revendication collective de plus larges relations de reconnaissance.
À la lumière de normes telles que la responsabilité morale ou les valeurs sociales, les expériences personnelles de mépris peuvent être interprétées et représentées comme des réalités auxquelles d'autres sujets sont également exposés.
... c'est seulement dans des réactions émotionnelles négatives que se manifestent, pour les individus ou les groupes sociaux, les idées qu'ils se font sur le bien éthique : la morale représente pour Sorel l'ensemble de tous les sentiments d'offense et d'humiliation par lesquels nous réagissons lorsqu'il nous arrive quelque chose que nous jugeons moralement inacceptable.
... s'estimer, en ce sens, c'est s'envisager réciproquement à la lumière de valeurs qui donnent aux qualités et aux capacités de l'autre un rôle significatif dans la pratique commune.