Le douanier Rousseau: Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 14 septembre 1984-7 janvier 1985, Museum of modern art, New York, 5 février-4 juin 1985

Différentes étiquettes firent de Rousseau soit l'imposture la plus manifeste qui ait jamais été commise aux dépens d'un public stupide, soit l'artiste responsable du rétablissement de l'angélisme dans la peinture moderne. La plupart des contre-vérités qui courent encore sur son compte furent propagées par Apollinaire; Ce dernier affirma dans ses articles que Rousseau était allé au Mexique avec les troupes envoyées à Maximilien par Napoléon III, ......

D'abord soldat mais bien casanier, ce faux douanier se contenta d'aller découvrir les tropiques à Paris, en visitant..... le Jardin des Plantes.
Tous ses grands voyages eurent lieu dans son imagination, devant ses toiles.

... on ne peut définir l'art de Rousseau par sa plus ou moins grande maladresse à assimiler les procédés académiques. Il a certes essayé de dominer la perspective albertienne, et a tenté d'en donner l'illusion, principalement dans ses paysages urbains. Mais vers 1890, était-ce vraiment encore le problème ?
Si Manet d'abord, puis Cézanne, Monet, Seurat, Gauguin ont rejeté la perspective traditionnelle et le rendu du modelé, c'est qu'ils en avaient perçu le caractère sclérosé ; mais à la différence de Rousseau, ils en avaient préalablement fait l'apprentissage et plus ou moins acquis la pratique.

Rousseau vint après eux et bénéficia, consciemment ou non, de la rupture qu'ils avaient provoquée.
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Mais pourquoi refuser sa place à Rousseau dans ce grand travail de remise en cause, et d'élaboration de langages neufs qui se substituent à une tradition que se meurt ?

La pauvreté lui pesait tout autant qu'aux travailleurs qu'il avait pour voisins. Il manquait toujours d'argent pour ses couleurs et ses toiles.... il adopta une solution conforme à sa condition d'artiste : il ouvrit un cours.
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La mauvaise tenue et la stupide lourdeur de ses élèves ne le rebutaient pas. Aucun d'eux n'acquit jamais de renom ; mais que lui-même ait pu gagner quelque argent en enseignant un art dont l'ignorance présumée le rendit célèbre, cela constitue un joli paradoxe.

Si j'ai conservé ma naïveté, c'est parce que M. Gerome... ainsi que M. Clément... m'a toujours dit de la conserver, vous ne trouverez plus cela étonnant à l'avenir.
Ces déclarations montrent qu'aussi réelle qu'ait pu être l'ingénuité légendaire du Douanier devant les problèmes de la vie pratique et dans son approche initiale de l'art, il était néanmoins extrêmement conscient de la manière dont il peignait, de son propre style en tant que tel.

C'est à ce moment critique que deux hommes firent à la fois leur entrée dans la vie du peintre et dans son atelier de la rue Perrel. L'un d'eux, Wilhelm Uhde, était un Allemand cultivé, passionné de philosophie et d'art, qui menait une vie modeste à Paris. La vue des toiles de Rousseau aux Indépendants et au Salon d'Automne suffit à faire de lui l'amateur de Rousseau le plus fervent et le plus entreprenant. Uhde acheta quelques toiles, incita d'autres à en acquérir et rechercha les oeuvres que Rousseau avait données dans le quartier en échange de blanchissage et autre services. .... Le premier livre sur rousseau parut un an après sa mort ; il avait Uhde pour auteur.

Depuis qu'Henri Rousseau est devenu, dans la conscience artistique contemporaine, l'une de nos gloires nationales, chacun sait -ou croit savoir - qu'Alfred Jarry en fut le découvreur ou, mieux, l'inventeur. Et l'on ne cesse de répéter, à leur sujet, des anecdotes plus ou moins controversées qu'Apollinaire s'est plu à rapporter. Mais on oublie généralement de dire que lorsque Jarry écrit ses premières lignes en faveur de Rousseau, il vient d'atteindre sa majorité et il est encore candidat, pour la quatrième fois, au concours d'entrée à l’école Normale Supérieure qu'i a préparé dans la Khâgne du Lycée Henri IV.
De là à penser que l'éloge du Douanier relève d'une plaisanterie de normalien, d'une sorte de rituel khâgneux, il n'y a qu'un pas que je me refuse à franchir.

... à la suite d'une confusion avec un autre Rousseau, l'annuaire de l'association lui attribua indûment les Palmes académiques. Bien qu'il n'ai pu ignorer l'erreur, Rousseau ne manqua pas de porter la petite rosette violette à la boutonnière jusqu'à la fin de sa vie et d'inscrire après son nom la couronne officielle.

Trop pauvre pour avoir besoin d'un contrat de mariage, Rousseau se mit désespérément à chercher un moyen de gagner de l'argent... Il écrit alors un drame en cinq actes intitulé "La vengeance d'une orpheline russe" qu'il envoie au théâtre du Châtelet.