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Critique de ATOS


« Le monde ne se maintient que grâce au souffle des enfants qui étudient »( Talmud).
Elle est humaine, elle est rabbin du mouvement juif libéral de France, elle est rédactrice, elle est auteure. Elle étudie. Elle pense, écoute, interroge, transmet. Elle nous apprend. Elle nous apprend à penser plus haut, à ne rien figer, à croire au possible qui réside en nous. Nous les humains. Car le féminin n'appartient pas qu'aux femmes, mais à l'humanité. Nous sommes féminin et masculin. Et depuis des millénaires nous vivons dans un monde de scission, alors que le langage, la vie, la pensée ne peuvent exister sans combinaison, fusion, fécondation. Comprendre le féminin en chacun et chacune d'entre nous est une prise de risque. C'est prendre le risque de la reconnaissance d'une altérité, d'une rencontre, d'une formulation d'un soi qui englobe la totalité des potentialités humaines. Accepter la fusion, l'échange, la rencontre, c'est accepter l'ouverture, la faille, c'est accepter de faire entrer l'autre en soi, et plus largement le monde.
C'est prendre le risque de l'accueil, le risque de la perméabilité, de la perte, de l'écoulement, du déchirement, c'est prendre le risque de la perte d'une intégrité illusoire.
Sinon pourquoi cette scission, cette peur, pourquoi ces damnations, ces lapidations, ces relégations, cette violence, ces bûchers, cet obscurantisme, pourquoi maintenir dans le monde cette peur du regard , de la parole, du corps constitué des femmes ? Pourquoi cacher , dissimuler ? Pour ensevelir, étouffer, réduire, ou bien alors justement pour radicalement tout sexuer ?
« Chaque femme, réduite au statut d'être sans visage, c'est à dire sans individualité, n'a plus à exprimer que sa nature sexuée ». « Femme sans visage et homme sans paupière à trop vouloir protéger les corps, on ampute symboliquement celui des deux sexes »
La pudeur se voudrait être allouée à la femme. Modeste, discrète, pudique… mai qu'est ce donc que ce féminin, que devrait être cette tenue d'Eve, qu'est que cette pudeur  qui conviendrait de lui imposer ? L'auteure dénonce les fausses pudeurs, les fausses postures, les impostures. Et force est de constater qu'en France, en 2019 , ce discours irrite et dérange. Non, la rabbin Horvilleur ne peut pas officier partout. Son discours n'est pas accepté partout. Un langage d'ouverture, de sororité/ fraternité, en somme d'humanité , d'écoute, de partage, d'échanges, ne trouve malheureusement pas légitiment sa place. Oui elle dérange, car elle interroge l'ordre d'un échiquier dont beaucoup voudraient à l'avance fixer l'issue d'une partie qu'ils pensent mériter. « Il en va des hommes comme des textes. La seule lecture pudique des textes religieux est celle qui affirme qu'ils n'ont pas encore été complètement révélés, mis à nu par des lectures et des lecteurs passés. Quand l'interprétation les fige, elle les profane. Dès lors, sont-ils encore sacrés ? » « Aucune tradition religieuse n'a le monopole des lectures impudiques. Il revient à toutes de mener un travail pour sortir des interprétations obscènes dans lesquelles certains de leurs lecteurs ou de leur dirigeants s'enferment bien souvent ».
Le monde de l'arrogance génère violence et obscurantisme. La pudeur c'est à la fois l'humilité alliée au courage et à la force. Douter, questionner, apprendre, reconnaître sa faiblesse et pouvoir ainsi tout déjouer. Déjouer l'échiquier. Étudier et non réciter ou psalmodier. L'intelligence de la pudeur se trouve là. L'intelligence du féminin, du judaïsme se trouve là. Là et partout en nous, dans le monde. c'est une intelligence de la pensée qui peut fortifier et animer la laïcité.
Oui, elle dérange toutes les orthodoxies, qu'elles soient religieuses ou politiques.
Oui faire place à la femme c'est faire vire le mouvement libéral qui est en nous. Lorsque que les libertés individuelles sont menacées, la femme, le juif, l'arabe, le noir, les roms, le sans papier, le gay, le journaliste, le poète, l'artiste sont menacés. Les dictatures sont les propriétaires de toutes les fermes où l'on fait naître les boucs émissaires qui seront sacrifiés sur les autels de la stupidité, de la peur, de l'ignorance, de l'arrogance dont le grand prêtre de nomme Propriété dont le pouvoir devient le sobriquet . Ma femme, ma terre, mon droit, ma loi, mon peuple….Mon ennemi, ma haine…Ce sang impur dont on voudrait abreuver tous les sillons… Cette violence, et toutes ces guerres. Tout ça par manque de courage, tout ça par peur. La paix, la concorde, le dialogue, l'alliance demande du courage.
Nous ne savons pas tout. Et chaque jour est un perpétuel commencement. Il faut remettre en questions. A charge pour l'humanité de renouveler ses propositions, de tenter malgré tous les dangers, malgré les craintes, malgré l'inégalité des forces en présence. Parole d'émancipation, parole de libre pensée, pensée de libertés, d'altérité, et donc d'équité, d'égalité.
Oui l'écrit de la rabbin Horvilleur est un écrit libre et républicain.
Que devient l'humanité si l'on considère que tout est définitivement lu, décrypté ? Où en serait les sciences ? Quel serait notre vision du Soleil, de la lune de l'ADN ? Où en serait inhumanité si il ne nous était pas donne la possibilité de chercher, d'étudier, de comparer, d'accueillir les bienfaits d'une altérité jusqu'à lors ignorée ? Où en serait le genre humain ? Si tout était gravé dans la pierre, figé. L'humanité serait morte. Inféconde.Fine, condamnée, terminée.
«  de l'élan sexuel dépendent la création et l'engagement humain dans le monde ».
Cette humanité masculine et féminine serait morte en nous. Qu'est ce qu'un coeur coupé en deux ? qu'est qu'un corps sans tête ? qu'est qu'un D… sans humanité dans sa totalité ?
C'est une texte passionnant, riche et extrêmement intelligent.
Que vous soyez de n'importe quel genre, de n'importe quelle planète, ne n'importe quelle religion, ne n'importe quelle culture lisez ce livre. Il est riche d'enseignement, et de sagesse.
« La sacralisation du féminin est toujours un prélude élégant à sa marginalisation sociale ».
"L'émergence du féminin dans les religions ne se fera pas qu'à travers les femmes car le féminin ne leur appartient pas. Mais elle ne se fera pas non plus sans elles. Elle n'aura pas lieu tant que des voix jusqu'ici tues ne prendront pas part à la lecture, au commentaire et au débat, tant que le genre humain ne pourra pas percevoir la bénédiction d'avoir été crée homme ou femme, masculin et féminin".
Non rien ne se termine jamais, rien n'est jamais définitivement écrit. le possible reste toujours à accueillir. Personne n'est propriétaire d'une seule vérité. L'espoir naît de nous penser !

Astrid Shriqui Garain
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