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Citations sur En tenue d'Ève : Féminin, pudeur et judaïsme (33)

Quelle contradiction qu'au sein des traditions monothéistes, ceux qui se revendiquent aujourd'hui seuls lecteurs légitimes des sources religieuses soient toujours précisément ceux qui refusent d'opérer une relecture. La religion est usurpée par des "textôlatres", ces simples "lecteurs" qui ne peuvent revendiquer la démarche religieuse au sens pur du terme puisqu'ils ont figé le texte. Leur refus de revisiter leurs héritages relève souvent de la superstition, à une nuance près : ils ne prient pas seulement pour que leurs enfants leur survivent mais pour que les interprétations passées ne meurent jamais.
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Il est aujourd'hui essentiel d'encourager une réflexion sérieuse sur le genre, au sein des traditions religieuses.
Ce débat, amorcé outre-Atlantique, est d'autant plus complexe que la pensée religieuse et le rite structurent constamment le monde en états contraires et structures binaires entre lesquels l'humanité navigue.
Dans le judaïsme par exemple, cette division du monde est omniprésente: des séparations sont établies entre les statuts (casher/non-casher, pur/impur, etc..) et tout particulièrement entre les genres (hommes/femmes).
La pratique religieuse se méfie des zones floues et des hybrides.
Elle ordonne bien souvent l'univers en catégories distinctes et met en garde contre ce qui lui semble être générateur de confusion.
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Quelle contradiction qu’au sein des traditions monothéistes, ceux qui se revendiquent aujourd’hui seuls lecteurs légitimes des sources religieuses soient toujours précisément ceux qui refusent d’opérer une relecture. La religion est usurpée par des « textolâtres », ces simples lecteurs qui ne peuvent revendiquer la démarche religieuse au sens pur du terme puisqu’ils ont figé le texte.
[…]
Le mot « religion » est souvent devenu synonyme de pensée magique ou de dogme puéril. Il rime avec soumission inconditionnelle, obscurantisme et irrationnalité.
[…]
Un héritage qui cesse d’être interrogé meurt. Le questionnement des sources et des rites, loin de tout dogmatisme, constitue peut-être la religion véritable. Le sens renouvelé d’un texte constitue seul sa seule fidèle lecture. En cela, je veux croire.
(mots de la fin de l’édition de 2013)
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Le propre de ces discours religieux fondamentalistes est d'affirmer que leur appel à la pudeur est au service de la femme alors qu'il vise bien souvent son effacement. Il s'agit d'éradiquer "pour son bien" la femme de l'espace public et de se débarrasser avec elle du désir qu'elle pourrait susciter.
Cette obsession de l'extinction du désir a quelque chose d’obscène, tant l'autre y est réduit à la tentation qu'il représente. (page 12)
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Voilà pourquoi je suis non pas féministe juive mais féministe « et » juive. Parce que je crois que mon engagement féministe saura enrichir cette lecture juive des textes qui fonde mon identité religieuse. Rien n’est plus impudique que de déshabiller un texte des sens qu’il pourrait encore avoir.

(postface du 24 octobre 2017)
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La sagesse juive affirme qu’il faut toujours s’efforcer de commencer son propos par une blague – ce qu’en araméen on appelle « Mila Debdith’outa », un « mot d’humour » - apte à ouvrir l’esprit de celui à qui l’on s’adresse. C’est peut-être l’une des raisons d’être de l’humour juif, qui fascine tant et qu’on peine à définir. Cet humour repose souvent sur la possibilité de faire surgir le rire dans un entre-deux-sens : le jeu de mots ouvre une faille dans le langage, d’où peut surgir l’éclat de rire.
[…]
Je ne compte pas le nombre de fois où la personne qui m’invitait à parler déclenchait le rire des auditeurs en déclarant naïvement : « Delphine Horvilleur présentera son livre ʺEn tenue d’Èveʺ ». L’italique étant inaudible, nombreux sont ceux qui entendaient dans cette phrase la promesse cocasse d’une présentation, disons, originale, de la part de l’auteure. Et tant mieux, parce que, après tout, c’est exactement ce malentendu que traite le livre : du constat que la femme est toujours perçue comme un peu plus nue qu’un homme quand elle prend la parole dans l’espace public, ou simplement lorsqu’elle s’y tient.
(p.175-6)
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Un héritage qui cesse d'être interrogé meurt.
Le questionnement des sources et des rites, loin de tout dogmatisme, constitue peut-être la religion véritable. Le sens renouvelé d'un texte constamment revisité constitue sa seule lecture fidèle. En cela, je peux croire.
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L'émergence du féminin dans les religions ne se fera pas qu'à travers les femmes car le féminin ne leur appartient pas. Mais elle ne se fera pas non plus sans elles. Elle n'aura pas lieu tant que des voix jusqu'ici tues n prendront pas part à la lecture, au commentaire et au débat, tant que le genre humain ne pourra pas percevoir la bénédiction d'avoir été créé homme ou femme, masculin et féminin.
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Chaque génération vient, en principe, poursuivre le travail de couture dont elle hérite, en ajoutant des points, qui étoffent la lecture du texte originel et en assurent la « reprise » et la transmission. Ainsi, sur la page de Talmud, un verset de la Bible commenté par un rabbin et ensuite commenté par un autre sage, puis par un autre. Il convient à chaque génération de surpiquer le commentaire précédent, et de poursuivre une conversation cousue de siècle en siècle. La littérature juive traditionnelle est une « shmattologie ».

Marcel Proust ne procédait pas autrement quand, dans « Le temps retrouvé », il définissait ainsi son entreprise littéraire : « épinglant ici un feuillet supplémentaire, je bâtirai mon livre, je n’ose pas dire ambitieusement comme une cathédrale, mais tout simplement comme une robe ».
(p.40)
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Mais existe-t-il une tradition monolithique? Peut-on concevoir un texte hérité et transmis de génération en génération de façon non équivoque ? Qu'il l'affiche, le revendique ou le refoule, un système religieux est toujours composite.
Toute tradition abrite des discours minoritaires et des voix souterraines. Chaque narratif porte (ou cache) des versions alternatives, ou voilées. Ces versions, qui défient ou questionnent la norme établie, sont aussi traditionnelles que les versions dominantes ou autorisées. Elles ont autant de légitimité à se trouver là, malgré leur moindre visibilité. Elles constituent des « sub-versions », titillant la face officielle, sous la sur- face, à la manière d'un palimpseste révélé à celui qui gratte la surface de l'écrit.
Ces récits subversifs, ces fissures de texte doivent aujourd'hui alimenter les discours religieux et susciter leur autocritique. Ils constituent la voie de sortie d'une pensée religieuse mono- lithique, l'antidote à sa sclérose. Ces voix de subversion sont peut-être les meilleurs remparts contre la perversion d'un discours fondamentaliste impudent et impudique dont nous sommnes encore si souvent témoins ou victimes.
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