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Critique de enjie77


« L'histoire de deux rescapés des camps qui font de l'humour noire sur la Shoah. Dieu qui passe par là, les interrompt : Mais comment osez-vous plaisanter sur cette catastrophe ? Et les survivants de lui répondre : Toi tu ne peux pas comprendre, tu n'étais pas là ! ».

Une blague juive que se racontaient souvent Marceline et Delphine. Marceline, prénom inséparable de celui de Simone. Deux rescapées qui ont incarné pour Delphine Horvilleur, la possibilité de reprendre la parole, de dire sans gêne non seulement ce qu'elles avaient vécu mais ce que chacune d'elles avait choisi d'en faire. Mais pour nous aussi, elles sont une référence, un symbole pour la condition féminine sans oublier qu'elles ont été « les filles de Birkenau ».

Dans cet essai d'une infinie portée philosophique sur notre finitude, Delphine Horvilleur se métamorphose en conteuse lumineuse pour mieux nous faire pénétrer le sens de la parole qui console les endeuillés, le Verbe créateur, l'importance du choix des mots, une attention toute particulière à la réception de la douleur de l'affligé. En sa qualité de rabbin, elle accompagne les endeuillés et son essai compte onze chapitres, onze histoires différentes mais qui relatent tous une manière d'approcher la mort, une façon de lui donner du sens nous qui fuyons aujourd'hui la mort comme si ne pas en parler l'écartait de nos vies, comme l'histoire de Myriam, américaine, dépressive, qui ne cessait d'organiser ses obsèques sans omettre jusqu'à la couleur des fleurs. Myriam dont un imprévu lui a joué un tour. Son histoire est surprenante !

L'auteure évoque aussi bien des anonymes que des personnalités qui se sont retrouvées confrontées au mystère de la mort et à chaque fois, elle sait s'adapter à ses interlocuteurs. Elle a une écoute de qualité qui lui permet d'entendre ce que les endeuillés ne disent pas. Elle nous décrit son expérience toute en délicatesse, c'est simple, fluide, apaisant. Je ne sais pas si cet essai peut consoler une personne qui est terrassée par la douleur de la perte, mais c'est un récit qui fait du bien dans ce monde de brutes !

Delphine Horvilleur est issue d'une famille paternelle juive d'Alsace-Lorraine et d'une famille maternelle originaire des Carpates. Son grand-père Alsacien était rabbin mais il était très attaché à l'esprit Républicain ce qui lui fait dire qu'elle est un rabbin laïc. Elle appartient à l'organisation juive libérale « Mouvement juif libéral de France » et « Union Libérale Israelite de France ».

Après avoir étudié la médecine en Israël, puis passée au journalisme, elle intègre le séminaire rabbinique libéral de New York avant de revenir en France.

Jeune femme qui écrit avec son coeur, elle possède les qualités indispensables à un rabbin. La délicatesse se dégage de son écriture. Il y a de très belles pages où affleure son empathie. A la fois femme et rabbin, mère de famille, c'est d'abord la « Vie » qu'elle honore. Elle nous offre une réflexion d'une grande profondeur sur ses rencontres avec les endeuillés mais elle nous expose, de façon très intelligente et avec beaucoup d'humilité, maniant l'humour, ses questionnements, ses doutes. de ses confidences suinte une pointe de mélancolie (elle est ashkénaze). Elle relate avec beaucoup d'émotion contenue mais qui m'a gagnée, l'assassinat d'Yitzhak Rabin, ce jour maudit où sa vie a basculé avec ces quatre mots en hébreu prononcé à la radio :

« Memshelet Israël modia betadhema… »

« le gouvernement israélien annonce avec stupeur »…..la mort de son Premier ministre.
A la radio, des hurlements couvrirent sa voix. Les nôtres stoppèrent la voiture, au bord d'une route, tout près d'un village nommé Motza. C'est là, à Motza, ce lieu qui en hébreu signifie « l'issue » que pour moi, il est mort. Ni sur une place de Tel-Aviv, ni à l'hôpital où il fut transporté, mais sur une colline de Jérusalem, au bord d'un village. Mon rêve a cessé de respirer et avec lui mon amour. Mon sionisme s'est trouvé dans une impasse, au point mort. »

Dans cet essai philosophique, l'auteure entremêle la philosophie, l'humour juif et ce que j'ai apprécié, l'exégèse des récits religieux qu'elle sait parfaitement rendre accessible à tout lecteur. L'Hébreu à ceci de passionnant, qu'en fonction de la place de la lettre hébraïque, le mot change de sens et nous pénétrons ainsi dans une pluralité d'interprétations.

L'expérience de Delphine Horvilleur s'adresse à toute personne qu'elle soit athée, agnostique, croyante et de toute confession. Cet ouvrage est riche d'enseignement sur la Tradition Hébraïque mais aussi sur la Vie. Il nous réconcilie avec nos fantômes et nos démons. En terminant cette lecture, j'ai eu le sentiment d'avoir vécu un grand moment de Paix. Je n'ai pas ressenti la présence d'Azraël mais plutôt celle de la lumière de Mikhaël

« Les juifs prennent très au sérieux un verset de la Thora, formulé dans le livre du Deutéronome, sous la forme d'un ordre de divin : j'ai placé devant toi la vie et la mort, dit l'Eternel. Et toi, tu choisiras la vie !. Alors pour prouver qu'ils appliquent le Commandement à la lettre, ils la convoquent en toutes circonstances.

LeH'ayim « A la Vie ».
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