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Critique de 5Arabella


La date de l'écriture de la pièce varie suivant les sources entre1935 et 1937), en tous les cas à un moment où l'auteur a fui l'Allemagne, à cause de la montée du nazisme. Figaro divorce est crée à Prague en 1937.

Ödön von Horváth reprend dans son oeuvre un certain nombres de personnages de la pièce De Beaumarchais, le mariage de Figaro. Les deux titres se répondent : au mariage du premier s'oppose le divorce du second. Nous sommes donc quelques années après, la Révolution gronde, et le comte et la comtesse Almaviva fuient leur pays pour se réfugier en Allemagne. Suzanne et Figaro, mariés, les accompagnent. Suzanne par attachement, Figaro pour suivre sa femme. La situation matérielle du comte et de sa femme se dégrade rapidement. Figaro décide de les quitter et de reprendre une boutique de coiffeur dans une petite ville. Sa femme l'accompagne, même si elle est pleine de doutes. Les relations se dégradent rapidement entre les époux, et l'accueil dans la petite ville est loin d'être chaleureux pour ces immigrés. Suzanne rejoint le comte (la comtesse est morte entre temps) et travaille dans un bar tenu par Chérubin. Figaro décide de revenir dans son pays, dans lequel la révolution passe à une nouvelle étape, dans laquelles « les repentis » peuvent retrouver une place. Figare devient ainsi l'intendant du château du comte, devenu entre temps un orphelinat pour les pupilles de la nation. le comte et Suzanne finissent eux aussi par revenir, mais la réconciliation semble impossible.

Il est très difficile de résumer cette pièce, composée de courtes scènes, d'une grand intensité, qui suggèrent à travers une situation, énormément de choses à chaque fois. Même s'il situe sa pièce au XVIIIe siècle, von Horváth s'inspire à l'évidence de la montée du nazisme en Allemagne, mais, et c'est sans doute la très grand richesse de ce théâtre, il crée une situation prototypique, qui pourrait s'appliquer à énormément de lieux et de temps différents. Ce qu'il met en évidence, ce sont des mécanismes, au-delà d'événements précis et anecdotiques. le discours de Figaro à sa prise de fonction dans l'orphelinat, est un exemple de manipulation de foules, inquiétant et d'une efficacité redoutable, qui pourrait être mis dans la bouche de n'importe quel dictateur de n'importe quel temps. Il y a aussi une analyse de l'exil, de ce qu'il suppose, chez les exilés, mais aussi chez les gens qui les accueillent, le moins que l'on puisse dire, pas forcément de bon coeur. La peinture de la petite ville allemande est effrayante, et aussi la façon dont Figaro refuse de le voir, essayant à tout prix de « s'intégrer » au risque d'y perdre son âme. Aux passages qui semblent réalistes, se superpose une dimension conte, présent en particulier chez certains personnages, comme le garde chasse et la sage femme, les scènes dans le forêt également, mais un vrai conte à l'ancienne, effrayant, qui remue les peurs ancestrales, qui évoque la mort.

Nous sommes très loin d'un Figaro plein de vitalité et de ressources, il y a quelque chose de mortifère et de malsain dans le personnage, et c'est pourquoi Suzanne qui ne le reconnaît plus, décide de le quitter. Les femmes semblent garder chez von Horváth davantage de lucidité et de bienveillance, d'humanité pourrait-on dire, tout en subissant un sort encore plus lourd que les hommes.

C'est terriblement pessimiste, très juste et dense. Une immense pièce.
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