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Critique de Dandine


Une oeuvre posthume de Horvath, parue quelques jours apres son accident mortel a Paris, en 1938.


En une trame parfaitement organisee, en un texte concis mais detaille, et surtout en une langue seche, precise, sans aucune fioriture, un jeune homme se raconte, trace la tragedie d'un “fils de son temps", ou la misere, le manque de travail, l'incertitude quand a un quelconque avenir l'amenent a s'enroler dans l'armee, une infrastructure securisante, embrigadante, qui lui enleve toute possibilite de pensee personnelle, qui change le sens des mots, ou le mal devient le bien et l'injustice est tenue pour justice. Une armee qui en fait un “volontaire" pour des actions inavouables. Une armee qui le jettera quand elle ne pourra plus se servir de ce “volontaire". C'est alors qu'il s'apercoit que tout son entourage, toute la societe, se sert des memes mots, des memes slogans, tous sont embrigades. L'individu “n'a aucun protagonisme", il est devenu completement vulnerable aux delires collectifs, de la compagnie qui lui pourvoie du travail, de l'armee, du parti, du peuple. Toute personnalite autonomiste, ou differente, ou simplement faible, est balayee, jetee aux orties. Prenant conscience de cela il tentera sa petite revolte personnelle. Il en mourra.


C'est raconte a travers une sorte de monologue altere, adultere. Les pensees du heros se melangent a ses paroles, quand il se parle a lui-meme ou quand il s'adresse a quelqu'un d'autre, ainsi qu'aux reponses des autres. le tout en phrases tres courtes, laconiques, des fois un seul mot. Pour peu que nous ayons quelque memoire ou quelque savoir historique nous reconnaissons ces mots, ces phrases, ces slogans: ils sont intoxiques par l'ideologie ambiante, meme quand le heros pense s'opposer a elle.


C'est un livre sans espoir, et meme quand il introduit des personnages positifs (le capitaine qui se suicide quand il se rend compte de l'abjection des ordres qu'il recoit, la jeune Anna, le seul personnage qui ait un nom, le seul personnage qui sourit au heros) il ne fait que renforcer l'impression de desastre, son caractere apocalyptique. Deja sans espoir, quand il est ecrit en 1937-1938, comme un prelude a la catastrophe qui est sur le point de s'abattre sur le monde.


Horvath avait ecrit dans sa jeunesse quelques pieces de theatre. Avec l'avenement du hitlerisme il se met a la prose et devient un lucide chroniqueur de la societe changeante qui l'entoure et qu'il est vite force de fuir. Il arrive a reproduire, a travers les us du langage fasciste, l'ascendant de ces partis sur les individus. Si dans “Jeunesse sans Dieu” le heros avait un rapport ambivalent envers ce langage et envers le parti, dans ce livre ce sera un homme qui s'enthousiasme pour les nouvelles idees, pour les nouveaux slogans, et qui restera impregne par ce discours meme quand il dechantera.


Horvath est plus qu'un bon ecrivain. C'est un courageux “fils de son temps". Il reste pour moi un ecrivain de notre temps.
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