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Rémy Lambrechts (Traducteur)
EAN : 9782070779697
168 pages
Gallimard (08/06/2006)
4.14/5   32 notes
Résumé :

Achevé en 1938, peu avant la mort abrupte de Horvath, ce roman éclaire par son extraordinaire perspicacité la « carrière » d’un soldat nazi. Comment peut-on se laisser prendre par ce système, par cette idéologie qui s’étendent déjà sur l’Europe ?
..."Il faut que j'écrive ce livre. Ça urge, ça urge ! Je n'ai pas le temps de lire de gros livres, car je suis pauvre et il me faut travailler pour gagner ma vie, manger ,dormir. Moi aussi, je ne suis qu'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Une oeuvre posthume de Horvath, parue quelques jours apres son accident mortel a Paris, en 1938.


En une trame parfaitement organisee, en un texte concis mais detaille, et surtout en une langue seche, precise, sans aucune fioriture, un jeune homme se raconte, trace la tragedie d'un “fils de son temps", ou la misere, le manque de travail, l'incertitude quand a un quelconque avenir l'amenent a s'enroler dans l'armee, une infrastructure securisante, embrigadante, qui lui enleve toute possibilite de pensee personnelle, qui change le sens des mots, ou le mal devient le bien et l'injustice est tenue pour justice. Une armee qui en fait un “volontaire" pour des actions inavouables. Une armee qui le jettera quand elle ne pourra plus se servir de ce “volontaire". C'est alors qu'il s'apercoit que tout son entourage, toute la societe, se sert des memes mots, des memes slogans, tous sont embrigades. L'individu “n'a aucun protagonisme", il est devenu completement vulnerable aux delires collectifs, de la compagnie qui lui pourvoie du travail, de l'armee, du parti, du peuple. Toute personnalite autonomiste, ou differente, ou simplement faible, est balayee, jetee aux orties. Prenant conscience de cela il tentera sa petite revolte personnelle. Il en mourra.


C'est raconte a travers une sorte de monologue altere, adultere. Les pensees du heros se melangent a ses paroles, quand il se parle a lui-meme ou quand il s'adresse a quelqu'un d'autre, ainsi qu'aux reponses des autres. le tout en phrases tres courtes, laconiques, des fois un seul mot. Pour peu que nous ayons quelque memoire ou quelque savoir historique nous reconnaissons ces mots, ces phrases, ces slogans: ils sont intoxiques par l'ideologie ambiante, meme quand le heros pense s'opposer a elle.


C'est un livre sans espoir, et meme quand il introduit des personnages positifs (le capitaine qui se suicide quand il se rend compte de l'abjection des ordres qu'il recoit, la jeune Anna, le seul personnage qui ait un nom, le seul personnage qui sourit au heros) il ne fait que renforcer l'impression de desastre, son caractere apocalyptique. Deja sans espoir, quand il est ecrit en 1937-1938, comme un prelude a la catastrophe qui est sur le point de s'abattre sur le monde.


Horvath avait ecrit dans sa jeunesse quelques pieces de theatre. Avec l'avenement du hitlerisme il se met a la prose et devient un lucide chroniqueur de la societe changeante qui l'entoure et qu'il est vite force de fuir. Il arrive a reproduire, a travers les us du langage fasciste, l'ascendant de ces partis sur les individus. Si dans “Jeunesse sans Dieu” le heros avait un rapport ambivalent envers ce langage et envers le parti, dans ce livre ce sera un homme qui s'enthousiasme pour les nouvelles idees, pour les nouveaux slogans, et qui restera impregne par ce discours meme quand il dechantera.


Horvath est plus qu'un bon ecrivain. C'est un courageux “fils de son temps". Il reste pour moi un ecrivain de notre temps.
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Curieuse expérience que la lecture de ce court récit, écrit en 1938 par un auteur qui mourra la même année sur les Champs-Elysées, frappé par une branche d'arbre lors d'une tornade ( ! ).

Sur 150 pages, on suit l'évolution intellectuelle d'un narrateur anonyme, jeune chômeur miséreux qui trouve un sens à son existence en intégrant l'armée. Sans que cela soit jamais précisé, on sait que l'on est dans l'Allemagne nazie d'avant-guerre ; et plus que les aventures de ce jeune soldat, c'est leur contexte qui rend ce livre si particulier.
Car la force d'Odön von Horvath est de décrire le nazisme de l'intérieur, ses rouages et ses mirages, sans jamais s'appesantir sur les détails, sans jamais dénoncer frontalement ; tout n'est qu'ombres, regards et ricanements, comme dans un film expressionniste en noir et blanc. D'ailleurs, les freaks sont nombreux dans ce récit, entre monstres de foire et éclopés de guerre, mais leur apparence est moins effrayante que ce qui gangrène l'esprit d'un peuple qui renonce à penser et consent à nier l'individu. Ecrire cela en 1938 était courageux ; le lire en 2022 fait frissonner, tant les similitudes avec notre époque peuvent interpeler. En outre, j'ai été surprise par les considérations anti-capitalistes de l'auteur : "L'individu ne joue plus aucun rôle (...). Nous devons être rentables, la lutte commerciale est aussi une guerre, mon cher Monsieur (...)". Bigre, ce roman est décidément toujours d'actualité !
J'ai bien aimé le style de Horvath, qui était surtout dramaturge. Les phrases sont courtes, elles se conjuguent au présent comme si on était éternellement dans la tête du narrateur, qui est d'une franchise déroutante, doublée d'une morgue inhérente à la jeunesse. C'est parfois déstabilisant, mais le propre d'un bon livre n'est-il pas de bousculer le lecteur ?

"Un fils de notre temps" est un récit noir, mais fascinant et jamais plombant. La seule chose gênante, à mes yeux, est la contemporanéité de son titre ; le lire et le faire lire en cette année électorale pourrait être une bonne idée.
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Un fils de notre temps. Les enfants de nos villes. « en réalité tu découvriras l'enfer sur terre et tu mourras seul, loin de chez toi ». C'est une phrase de la campagne lancée par le gouvernement à l'adresse de ces enfants qui partent se jeter dans le gouffre de la haine. Est ce que cela est suffisant ? Que doit on dire à tous ? Que doit on enseigner à cette jeunesse, quels mots se sont trouvés absents de nos livres, de nos bouches, nous tous parents de ces enfants ?
Comment leur faire entendre que cette histoire est vieille comme le monde ? Que lorsqu'il y a une guerre c'est toujours au départ une question d'argent. Une question de draps, de poudre, d'acier, de charbon, de ciment. Que s'ils ont faim, s' ils ont froid, si ils pensent n'être rien, n'être personne, qu'ils sachent que même le dernier des pauvres chiens sait qu'il ne doit pas partager le festin d'une hyène.
Les mots absents. L'absence des mots que l'on comble, comme on remplirait une tombe. Qui efface peu à peu toute possibilité de réponse.
Ödön von Horvath est étonnant par sa lucidité, sa clairvoyance. Son écriture est stupéfiante par son ton, sa modernité, son rythme. Il nous est entièrement contemporain. Par la façon dont il dresse devant nous l'effroyable vérité qui éclaire toute l'injustice d'une réalité.
« Lorsqu'en 1933, les nazis brûlent les livres, ceux d'Ödön von Horváth en sont. Un ami lui écrit : « L'information disant que tu n'es plus joué, « auteur dégénéré », vaut plus que n'importe quel prix littéraire. Elle te confirme publiquement comme poète ! ». »
Lorsqu'une parole est immortelle, qu'elle s'adresse à tous, quelque soit le siècle, la religion, la couleur, le sexe de l'homme, lorsque cette parole l'interpelle, et se dresse face à lui et lui rappelle qu'il n'est ni chien, ni hyène, et que son seul choix reste l'humain, alors cette parole est belle parce qu'elle est juste, et cette parole il faut la donner et la faire entendre.
« Un fils de notre temps » , création 2015, adaptation, mise en scène par Simon Delétang se joue au Théâtre des Célestins à Lyon jusqu'au 31 janvier 2015.

Astrid Shriqui Garain
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Près de 80 ans après sa publication, ce petit roman peut se lire avec un regard contemporain et offrir un parallèle troublant avec l'époque actuelle. Le titre 'un fils de notre temps' s'applique tout à fait aux moments présents. Il montre en effet comment le déclassement social alimente les dérives et hystéries collectives et peut conduire une personne à aliéner sa liberté individuelle pour se soumettre à un ordre et une autorité supérieurs. J'ai lu ce livre en pensant par exemple à ces jeunes qui ne trouvant pas leur place dans notre société, décident de rejoindre la Syrie pour y combattre au sein de l'armée islamique.
Le roman met bien en lumière le conflit entre le collectif et l'individuel, les accommodements de survie que chacun peut être amené à mettre en oeuvre pour échapper à sa fragilité, les idéologies de récupération et d'embrigadement des individus dans lesquelles Odön von Horvath inclut aussi les idéologies actives dans le monde de l'entreprise. C'est un roman noir et désespéré, description d'un monde où chacun doit se débrouiller seul et où les plus faibles sont voués à la marge et à la mort. Roman d'une étonnante actualité.
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Ödön von Horváth est un auteur relativement méconnu en France. Ses écrits auscultent avec acuité les mécanismes individuels et sociaux de la montée des autoritarismes en Europe, et ce malgré une mort
prématurée en 1938.

Un jeune homme né en 1917 et qui survit de petits larcins, convaincu par l'idéologie nationaliste et belliqueuse ambiante, s'engage dans l'armée comme volontaire. Sa volonté, son besoin d'en découdre vont rapidement être servis avec une opération menée pour écraser des « sous-hommes » et s'emparer de leur petit pays. Et puis surviendra la blessure, grave…

Le récit est à la première personne, nous sommes à la place de ce jeune homme et nous vivons sa vie, nous connaissons ses pensées les plus intimes et ses ressentis.

Le récit des expériences d'entre deux guerre du narrateur s'accélère au fil des pages.
La vie réglée de ce jeune homme déraille avec la blessure qui le rend à la vie civile, désoeuvré. Nous suivons alors les méandres de son esprit, ses questionnements sur son sort, ses illusions déçues et son avenir incertain dans ce monde en révolution. Il se rendra alors progressivement compte que ses idéaux étaient peut-être trop grands voir mal placés.

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critiques presse (1)
Lecturejeune
01 mars 2007
Lecture jeune, n°121 - Fin des années 30 en Allemagne. Un jeune chômeur s’engage dans l’armée. L’uniforme, la discipline, l’exaltation de la patrie l’enflamment et le réhabilitent à ses propres yeux. Il vénère son capitaine, un « père idéal », mais méprise son propre père, pacifiste depuis son retour de la guerre de 14. L’armée envahit sans déclaration préalable un petit pays et procède à un « nettoyage » systématique. Blessé en voulant sauver son capitaine, médaillé mais devenu invalide, le jeune soldat est lâché par l’armée. Tout s’effondre pour lui lorsqu’il apprend par une lettre posthume de son capitaine les vraies raisons de la mort de ce dernier. Ce roman précurseur nous plonge dans un avant-guerre de mensonges, froid, normatif, idéologique, où l’individu n’a plus sa place. Seuls quelques résistants rasent les murs. Le héros acerbe, profiteur et misogyne, présente néanmoins une faille dans sa carapace d’inhumanité, en construisant un amour imaginaire pour une jeune femme à peine entrevue. Ce monologue grinçant et cinglant d’un homme désabusé est écrit dans un style incisif et percutant. A lire absolument. Brigitte de Bergh
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
"Nous devons être rentables, poursuit-il, la lutte commerciale est aussi une guerre, mon cher monsieur, et il est bien connu que l'on ne fait pas la guerre en gants blancs, vous devriez pourtant le savoir..."
En gants blancs ? C'étaient mes propres mots...
Quand le capitaine nous avait cité qu'un soldat n'était pas un assassin.
Le comptable me jette un regard railleur et glousse. Ou n'est-ce qu'une impression ?
Puis il continue son baratin et je m'entends moi-même, je m'entends moi-même...
Toutes ces formules et ces phrases creuses, outrecuidantes et éhontées, éculées, ressassées...
Je suis écoeuré de moi-même.
L'ombre de mon passé me dégoûte. Oui, le capitaine avait raison !
Je haïssais la vie facile et m'exaltais pour la difficulté...
Quel menteur j'étais !
Parfaitement, un lâche menteur - car que c'est facile de couvrir ses méfaits du drapeau de la patrie, comme si c'était un blanc manteau d'innocence !
Comme si un méfait n'était pas un crime, qu'il ait été commis au service de la patrie ou d'une quelconque autre société...
Un crime est un crime, et devant un juge équitable aucune société ne représente rien.
Du bien et du mal, il n'y a que l'individu qui puisse en répondre, et nulle sorte de patrie d'entre ciel et enfer.
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J'attrape la lettre et commence à lire.
"Ma chère femme, je veux encore te remercier au moment d'entamer mon long voyage dans l'éternité, te remercier pour tout ton amour et ta fidélité. Pardonne-moi, mais je ne peux pas vivre plus longtemps, je mérite la corde..."
Je m'interromps.
La corde ?
Qu'est-ce qu'il a écrit là, le capitaine ?
Et je continue à lire : "Nous ne sommes plus des soldats, mais de misérables voleurs, de lâches assassins. Nous ne nous battons pas loyalement contre un ennemi, mais vicieusement et bassement contre des femmes, des enfants et des éclopés..."
Je jette un coup d’œil sur la femme.
Elle se tient toujours devant la fenêtre et regarde dehors.
Contre des femmes ?
Oui c'est vrai.
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Somme toute, le bon Dieu devient de plus en plus superflu.
Sans doute qu'il n'existe même plus, car il encaisse tout sans rien faire contre. Ou n'est-ce qu'une impression ?
En un mot : on ne s'y retrouve plus, et qui peut savoir tout ce qui va encore arriver ? Moi pas.
Qui aurait, par exemple, osé prévoir qu'un jour de ma vie j'entrerais en rapports intimes avec la veuve de mon capitaine ?
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"Notre pays c'est l’esprit".
Odon von Horvath - 1933
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"Qui ose gagne - surtout s'il dispose d'une supériorité écrasante."
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