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Critique de scob


Généralement, j'attends toujours que les livres sortent en format de poche pour les acheter. Pourquoi ? Pas seulement parce qu'ils sont moins chers, mais surtout parce qu'ils sont trop grands et que c'est pas très pratique ni à trimballer, ni à lire.

Seulement, voilà ... un déplacement professionnel dans le trou du cul du monde, une gare, un point Relay, le dernier Houellebecq était là... sur l'étal... il était grand, il était beau, il sentait bon le sable chaud ... un moment de faiblesse et hop, un achat compulsif ... pour la modique somme de 26 euros qui rappelle que, si le plaisir de s'évader par la littérature n'a pas de prix, il a quand même un coût.

Et puis, j'aime Michel Houellebecq. J'aime son style déglingué. J'aime sa plume. J'aime son talent unique pour se moquer des absurdités de la société, son talent unique pour décrire la nostalgie, la mélancolie de la banalité de la vie, des vies. J'aime ses tentatives de projection dans le futur qui nous font nous poser des questions, quel que soit notre avis sur tel ou tel sujet de société.

Dans "Anéantir", il ne fait pas vraiment exception à sa règle. Ce livre est un Houellebecq, cela ne fait aucun doute.

L'histoire se passe en 2027, à quelques semaines de l'élection présidentielle. Il est marrant d'apprendre que le président en exercice (qui n'est jamais nommé d'ailleurs) termine son deuxième mandat et ne pourra pas se représenter.

Paul Raison, la cinquantaine, travaille au ministère de l'économie et des finances à Bercy. Il est le conseiller spécial du ministre de l'économie, Bruno Juge, qui peut se targuer d'un bilan assez exceptionnel. La plupart des indicateurs sont au beau fixe et il jouit d'une bonne image auprès de la population française. Il est même sur la short-list des potentiels successeurs au président. Bruno Juge est marié mais son mariage part un peu en couille, il ne vit d'ailleurs plus chez lui mais dans son appartement de fonction au ministère. Mais Paul est surtout le confident du ministre sur tout et n'importe quoi. Et surtout sur n'importe quoi.

Leur relation prend un tour different et devient encore plus proche lorsqu'un groupe terroriste inconnu commence à réaliser des attentats en envoyant des missiles de type militaire sur des cargos et aussi en diffusant sur internet des vidéos violentes dans laquelle la décapitation de Bruno est simulée avec un réalisme digne des studios hollywoodiens. Quel est donc ce groupe terroriste ? Quelles sont ses revendications ? Des islamistes ? Un groupuscule d'extrême gauche ? d'extrême droite ? Des cathos de Civitas ? Une secte sataniste ? Chaque attentat apportant son nouveau lot d'hypothèses contradictoires, le seul truc qu'il est possible d'affirmer sans trop se tromper, c'est que les terroristes ne sont pas contents, voire passablement en colère à l'aube de l'élection présidentielle. Tout cela n'est pas bien clair, les pistes de l'enquête vont dans tous les sens.

Mais il n'y a pas que les indices de l'enquête qui vont dans tous les sens. A partir de ce moment, la vie très monotone de Paul va s'emballer d'un coup d'un seul. Et ce livre va s'évertuer à raconter les événements qui vont perturber sa petite existence paisible, voire trop paisible.

Notamment, son père, Edouard, ancien agent secret de la DGSI à la retraite, tombe dans le coma après une sorte d'AVC. Paul va donc devoir se rapprocher de sa soeur Cécile, catholique bigote, mariée à Hervé, chiant comme le notaire au chômage qu'il est et qui, pour passer le temps, copine en secret avec des extrémistes lyonnais.

Il va aussi se rapprocher de son petit frère Aurélien qu'il a petit à petit cessé de voir principalement à cause de sa conne de femme, Indy, une journaliste ratée, frustrée et arriviste de la presse écrite que personne ne peut blairer dans famille. Aurelien n'est pas très épanoui dans sa vie. C'est le moins qu'on puisse dire. Comme métier, il restaure des oeuvres d'art. C'est long, c'est chiant mais ça lui fait passer son temps dans des châteaux, les mains et l'esprit occupés à autre chose qu'à ressasser les raisons qui l'ont conduit à devenir complètement soumis à l'influence dominatrice d'Indy. Leur fils (conçu par IVG), est un ado, qui ne sort de son téléphone que pour manger et dormir. Il n'a plus vraiment d'interaction avec lui. Bref, c'est la misère. Il voudrait bien divorcer mais il sait qu'Indy lui fera payer cher cet affront.

Toute cette famille va se retrouver bon gré mal gré dans le domicile parental à Belleville sur Saône pour discuter de la meilleure manière de s'occuper d'Édouard, et d'anticiper les modalités de gestion de l'héritage si toutefois le pire venait à arriver. le repas de famille qui va en découler sera sans doute aussi succulent que celui du film "un air de famille" de Cédric Clapisch.

Et Houellebecq nous décrit tour à tour avec le cynisme à la fois drôle et dérangeant dont lui seul a le secret, l'arrivée du père de Paul dans l'unité EVC-EPR de soin pour "personnes en état végétatif" et son départ rocambolesque peu de temps après, la gestion diablement d'actualité de l'EHPAD d'à côté, l'amour et le dévouement de Madeleine, la compagne d'Edouard.

Il va raconter également les dessous de la campagne présidentielle qui continue en parallèle, le combat à distance des coachs des candidats, les stratégies du président sortant pour pouvoir se représenter dans 5 ans et être réélu tranquillou en 2032. Toute similitude avec des faits réels ou des personnages existants n'est que ... blablabla.

Il va enfin raconter d'une manière à la fois drôle et tendre, la reconstruction de sa relation sentimentale avec Prudence, sa femme depuis toujours mais que le temps et les circonstances avaient durement éprouvé. Ils vont se retrouver, lentement mais sûrement, réapprendre à s'aimer, à vivre ensemble, à se toucher et aussi à baiser (un Houellebecq sans sexe ne serait pas un Houellebecq) pour peut-être terminer leurs vieux jours ensemble, si toutefois ce satané mal de dent voulait bien lui ficher enfin la paix.

Oh, il ne faut pas se raconter d'histoire. On terminera ce livre avec un sentiment d'inachevé. On n'aura pas la réponse à la moitié des questions posées par ce livre qui part dans tous les sens, mélange beaucoup de personnages, d'histoires différentes et ouvre plein de portes sans les refermer, ce qui peut apporter un léger arrière goût de frustration. C'est quand même un peu le bordel, il faut bien le reconnaître. Mais c'est finalement assez représentatif de l'idée que l'on pourrait se faire du cerveau de Michel Houellebecq.

Ce n'est sans doute pas le meilleur des Houellebecq. Mais c'est du Houellebecq pur jus. Les fans (dont je suis) adoreront, les détracteurs détesteront (ou ne le liront pas).

Et si une chose est certaine après la lecture de ce roman, c'est que les gros livres sont définitivement moins pratiques que les livres de poche.

scob.
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