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Critique de Garoupe


Thomas. Léo. Esther. Morgane. Et l'inconnu de la maison.

Léo est veuf depuis 2 ans et élève seul son petit garçon, Thomas, 12 ans. Il y a 6 mois, il a rencontré Esther, veuve et mère de Morgane, 12 ans également. Léo déteste Esther qu'il voit comme une intruse et le mois de vacances qu'ils vont tous devoir passer ensemble, en Bretagne, au bord de la mer. Il déteste d'ailleurs aussi la maison de location, son père. Un peu tout.

Autant le dire tout de suite, les premières pages m'ont paru insipides…
Et puis, tout ce petit monde se retrouve dans la maison de vacances,
Et puis, il y a la maison un peu plus loin, mystérieuse et attirante,
Et puis, il y a l'étrange attitude de Morgane qui fait accuser Thomas, déjà peu en odeur de sainteté auprès de son père, d'avoir torturé et tué des scarabées,
Et puis, il y a la baignoire maculée de sang surgie d'un passé trouble,
Et puis, il y a les accès de colère de Léo, envers son fils, envers son ancienne femme, envers Esther,
Et puis, il y a le passé qu'Esther cache à Léo, les photos d'elles qu'elle n'a jamais montrées et ces lettre en cyrillique,
Et puis, il y a les cachets que Morgane devrait prendre,
Et puis, il y a la rage de Thomas, contenue, et ses provocations face à son père,
Et puis, il y a une première lettre anonyme,
Et puis… la menace et la tension grandissent !

Il n'y a que peu de victimes, en dehors des absents (Mathilde, la mère de Thomas, et dans une moindre mesure le père de Morgane), il y a au contraire beaucoup de coupables. Léo est hanté par la mort de sa femme sans que l'on sache très bien s'il se sent coupable de cette mort ou coupable de ne pas savoir élever son fils ; Thomas est hanté par la haine qu'il a de son père, le silence dans lequel il se réfugie et qui est mis à mal par la présence un peu fantomatique de Morgane mais qui agit sur lui comme un évènement déclencheur ; Esther est hantée par son passé qu'elle ne veut pas dévoiler ; Morgane est hantée par une sorte de force qui émane d'elle aux forts relents maléfiques ; même la maison de location semble hantée par un passé inavouable qui déteindrai sur les occupants.

Les premières pages de mise en place qui coïncident avec le départ de Thomas et Léo de Paris pour la Bretagne ne me laissaient pas entrevoir la force de ce qui allait suivre… mis à part le renversement de rôles qu'elles contenaient entre Léo, figure paternelle allégrement bafouée par son fils, et Thomas qui du haut de ses 12 ans ne réagit déjà plus comme un enfant mais développe des sentiments négatifs d'adultes. Léo semble vouloir a tout prix faire comme si de rien n'était, faire comme si le fait de ne pas mettre de mot sur quelque chose vidait cette chose de son contenu, de sa substance, attitude inverse chez Thomas même s'il n'arrive pas à aller au bout de ses pensées.

Chaque personnage apporte sa propre tension à l'histoire et Muriel fait monter la sauce au fur et à mesure en mêlant tout cela, en incorporant les évènements du passé au déroulement de son histoire dans le présent et en matérialisant le début de ses chapitres avec une date, une heure et un taux de menace sous forme d'un pourcentage en constante croissance.

Le passage à l'âge adulte semble avoir flouté la vision des parents, Léo et Esther, tout au partage de leur bonheur naissant. Les enfants usurpent alors le rôle de leurs parents et c'est par eux, leurs attitudes, leurs manigances, que Muriel fait passer l'angoisse de son récit qui en devient palpable, qui prend consistance petit à petit. La maison de location devient le catalyseur de cette tension soulignée par la présence répétitive des mouettes, sorte de choeur antique qui par ses cris annonce le drame, sorte d'hommage aux oiseaux d'Hitchcock, Muriel Houri devant être a priori une fan du cinéaste de l'angoisse.

Muriel Houri joue sur les faux semblants et plutôt bien qui plus est, sans que l'on sache réellement lequel des protagonistes est le plus dangereux tant ils le sont tous à leur manière. Muriel parvient aussi à jouer habilement entre les thèmes fantastiques, psychologiques, « thrillesques »… une petite touche de l'un, un soupçon de l'autre, un rien du troisième… et, en ayant conscience d'abuser d'un artifice dialectique éculé dans le monde du thriller, Muriel surprend son lecteur tout au long du livre, en racontant à chaque fois ce que j'appellerai « l'instant d'avant » c'est-à-dire sans jamais aller au bout de la scène qu'elle décrit, sans aller au bout de son action pour mieux laisser le lecteur imaginer seul la suite qui paraîtrait logique de cet instant et pour mieux en prendre le contrepied et changer la donne, pour mieux lui faire croire ce qu'il souhaite croire et pour mieux le détromper ensuite.

Chez Muriel Houri, tout le monde est coupable de quelque chose, le tout est de déterminer le degré réel de culpabilité de chaque individu par rapport aux autres, les objets n'étant pas les plus inanimés de l'histoire...

Lien : http://wp.me/p2X8E2-hp
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