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Critique de Presence


Ce tome fait suite à A la conquête d'Hollywood (épisodes 1 à 4 de la minisérie) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il comprend les épisodes 1 à 4 de la série continue, initialement parus en 2016, écrits par Jody Houser, dessinés et encrés par Pere Pérez pour les séquences du temps présent, et par Marguerite Sauvage pour les séquences oniriques, avec une mise en couleurs par Andrew Dallhouse. le premier épisode commence par 3 pages réalisées par Colleen Doran rappelant très succinctement les origines du personnage. Une seule de la vingtaine de couvertures variantes est reproduite en fin de tome.

Faith Herbert (sous son identité d'emprunt Summer Smith) participe à un jeu de rôle avec Klara, Jay (un collègue de travail, le copain de Klara) et 2 autres personnes. L'heure de la fin de partie étant arrivée, elle fait ses au revoir, mais Klara semble lui adresser des propos à double sens. Elle regarde Jay d'un drôle d'air, et finit par partir, tourner le coin de la rue, enlever ses habits civils et léviter dans le ciel de Los Angeles, dans son costume de superhéroïne. Elle repère un cambrioleur du coin de l'oeil, essayant de pénétrer dans un appartement par la vitre. Elle le neutralise et le remet aux mains de la police, mais sans pouvoir leur remettre des preuves de son cambriolage, du fait de son étourderie. le lendemain, elle arrive en retard au boulot et craint le courroux de Mimi, la rédactrice en chef du magazine internet Zipline pour lequel elle travaille. Mimi lui demande réaliser une colonne régulière sous son identité de Faith Herbert pour attirer les lecteurs.

Alors qu'elle est encore au travail, elle reçoit un message de Chris Chriswell (un bel acteur, un bellâtre même) l'invitant à faire une séance de photographies avec lui. Elle se met immédiatement à rêver de ce moment, avec du champagne. le soir, elle en discute avec Obadiah Archer. Elle s'y rend mais les choses prennent une tournure inattendue. Dans les épisodes 3 & 4, Faith Herbert emmène Obadiah Archer à une convention de comics. L'un et l'autre ont revêtu des déguisements de cosplayeurs, elle en aventurière pseudo médiévale, et lui en elfe (avec oreilles pointues). C'est l'occasion pour Faith de se souvenir de sa première convention et de revenir sur son amour des comics. Mais voilà que plusieurs stands sont victimes de vols. Archer & Zephyr passent en mode enquêteurs.

Les 3 pages récapitulatives de la vie de Faith Herbert sont les bienvenues pour qui n'aurait pas lu la série Harbinger (mais c'est un oubli à réparer d'urgence), ou encore le numéro zéro consacré à Zephir, en particulier pour sa brève participation à l'équipe Unity. le lecteur retrouve ensuite ce qui faisait le charme de la minisérie initiale. Jody Houser sait bien transcrire le caractère de Faith Herbert, à savoir celui d'une jeune femme avec un code moral cohérent sans être naïf, une bonne humeur entraînante malgré ses problèmes personnels, et des rêves de midinette. C'est un numéro d'équilibriste assez délicat que d'arriver à rendre crédible un personnage qui s'écarte du moule traditionnel des superhéros et de ses variations habituelles. Pour commencer, en se regardant dans le miroir pour s'apprêter avant de se rendre à son rendez-vous avec Chris Chriswell, Faith Herbert accepte son surpoids, non comme une fatalité, mais comme une facette de sa personnalité. Cette différence n'est ni perçue ni présentée comme une honte, mais comme une réalité dont Faith s'accommode.

La deuxième caractéristique de l'héroïne réside dans son optimisme et ses envies. Elle laisse son imagination s'emballer et se représente des aspects de sa vie ou un moment de son futur proche sous une forme romantique, enjolivée par les dessins plus aériens et enjolivés de Marguerite Sauvage qui dessine 3 pages par épisode. À ces moments, la scénariste permet à son héroïne de laisser s'exprimer son côté fleur bleu et romantique, pour un ton alliant sensibilité et humour, provoquant un sourire chez le lecteur qui est à la fois sensible à la petite exagération humoristique et à l'aspiration au bonheur simple. Houser fait ressortir ce caractère également au travers des 2 intrigues. Dans la première, Faith Herbert apparaît un peu inexpérimentée sur le plan sentimental, cherchant à rencontrer le bel acteur Chris Chriswell, mais juste pour satisfaire une forme douce d'idolâtrie, plutôt que pour envisager une relation sérieuse. À l'opposé, dans les épisodes 3 & 4, elle devient la personne d'expérience, servant de guide pour Obadiah Archer, afin de lui apprendre les us et coutumes comportementaux dans une telle manifestation. Lors du premier épisode, la scénariste introduit la proposition de chronique rédigée par Faith Herbert, et elle l'utilise par la suite. Elle le fait avec parcimonie, seulement quelques phrases venant commenter ce qui se passe du point de vue de Zephyr, pour un résultat léger ajoutant de la profondeur de champ à la narration.

Du point de vue de l'intrigue, Jody Houser se retrouve dans la position de devoir créer des adversaires de toute pièce pour Zephyr. Elle commence donc avec Chris Chriswell qui, après avoir piégé la superhéroïne, déclare tout de go qu'il sera son ennemi attitré (pour le peu de temps qu'il reste à vivre à Zephyr). C'est à nouveau un joli clin d'oeil à l'attention du lecteur, brisant avec élégance et discrétion le quatrième mur. C'est tout naturellement que l'ennemi de la deuxième partie et un voleur au sein de la convention de comics. Pour donner à voir ces aventures, Père Pérez dessine de manière descriptive, avec des traits de contours assurés et fin, pour une apparence propre et nette. Il s'attache à représenter les décors avec application et détails, sans qu'ils n'en deviennent surchargés. Il montre des aménagements intérieurs spécifiques en cohérence avec l'usage de chaque lieu, qu'il s'agisse de l'appartement de Klara aux pièces de petite taille, ou des grands halls du site de la convention. Il utilise les trucs et astuces pour ne pas dessiner d'arrière-plans avec retenue, pour conserver un bon degré d'immersion dans chaque environnement.

Comme Marguerite Sauvage, Pérez ne cherche pas à minimiser la surcharge pondérale de Faith Herbert, la représentant comme une obèse. Les autres personnages ont des morphologies diverses et variées, musculeuse pour Chris Chriswell conformément au type de rôles qu'il joue, plus élancée pour Obadiah Archer en respectant sa taille relativement petite, plus ou moins fine pour les autres personnages. Il habille les personnages avec des tenues variées comportant un bon niveau de détail, que ce soit les tenues civiles, ou les costumes de cosplayeurs. Les visages des protagonistes sont expressifs, sans que les moues ne soient exagérées. le lecteur se prend à plusieurs reprises, à sourire avec Faith Herbert du fait de sa bonne humeur et de son caractère enjoué. Il peut deviner l'état d'esprit des autres personnages, habités des émotions ordinaires, entre l'attention un peu empruntée d'Obadiah pour Faith, l'attention autoritaire de sa chef Mimi, les expressions sur-jouées à dessein de Chris Chriswell, la gêne passagère de Klara, etc.

Le lecteur apprécie à plusieurs reprises les talents de metteur en scène de Pere Pérez, surtout pour les effets comiques, sans être moqueurs. le ton de la narration repose en un équilibre délicat entre comédie de situation, récit de superhéros, et parodie légère. L'artiste sait trouver le bon dosage pour être en phase avec cette approche. Quand Summer Smith enlève ses vêtements civils pour faire apparaître son costume de Zephyr en-dessous, c'est à la fois un acte normal avant de léviter dans le ciel, mais aussi une parodie de ce cliché visuel propre aux récits de superhéros, du fait de cette perruque pas tout à fait crédible et de la morphologie inhabituelle pour une superhéroïne. Quand elle se réveille le lendemain, elle envoie balader toutes ses affaires, en bondissant hors de son lit, totalement en retard. Pérez sait également trouver l'expression juste quand Faith enlève sa perruque et ses lunettes devant Klara, en s'étonnant qu'elle ait pu la reconnaître malgré la qualité de son déguisement. Lorsque Faith se retrouve face à une autre elle-même, les réactions croisées sont également dépeintes avec astuce, similaires, sans être totalement identiques.

Le lecteur prend donc un vrai plaisir à côtoyer Faith Herbert, une jeune femme pleine d'entrain, avec des aspirations simples, sans être naïves, une belle morale et une vraie gentillesse. Il a du mal à prendre les ennemis au sérieux, ne sachant pas trop s'il s'agit de créations jetables ou non, malgré le temps que la scénariste prenne le temps de leur donner une histoire personnelle. Jody Houser sait conduire son intrigue en équilibre entre l'hommage à la culture geek (essentiellement superhéros, mais pas seulement), légère dérision pour donner le sourire à son lecteur, et réelle sensibilité sans condescendance. le lecteur éprouve une forte empathie pour le courage tout en douceur de Faith Herbert. Cependant cette narration très agréable laisse un petit goût d'insuffisant, malgré les qualités de la narration graphique.
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