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Critique de Lucilou


J'ai passé le weekend avec les Cazalet et à présent que je les ai quittés pour la dernière fois, je me sens triste comme l'adagio d'Albinoni... ou un jour sans pain...
Ce cinquième (et dernier -oui, je remue le couteau dans la plaie, je sais!-) tome me faisait un peur pourtant et je craignais de le découvrir autant que j'en brûlais d'impatience pour la simple et bonne raison qu'Elizabeth Jane Howard l'a écrit dix-huit ans après les quatre premiers volumes et que "Nouveau Départ" sonnait comme un final. Je craignais une déception, un opus très en dessous des autres ou déconnecté du reste de la saga que j'aime passionnément. Il n'empêche que je me suis jetée sur le livre et qu'il m'a fallu me faire violence pour me sociabiliser un peu ce weekend alors que ce petit bijou anglais et bergamote m'attendait, car c'est bel et bien un bijou, à la hauteur des volumes précédents (et, même si je sais qu'il ne faut pas juger un livre à sa couverture, je me dois de souligner puisque j'en suis à la joaillerie, une fois la plus la qualité et l'élégance des ouvrages publiés sous la houlette des éditions de la Table Ronde. Comme à chaque fois, c'est un bonheur de tenir entre ses mains un livre si beau, d'une telle qualité!) que j'ai dévoré comme une morte de faim.

Neuf ans ont passé depuis la fin de "Nouveau Départ", neuf années au cours desquelles la famille a connu bien des bouleversements, au moins autant que la société qui les a vus naître et force est d'admettre que tous les membres du clan ne s'accommodent pas des changements de la même manière... La vie suit son cours avec son lot de déceptions, de drames, de deuils, de grandes et de petites joies également et heureusement.
Crépusculaire et comme le préfigure si bien son titre, "La Fin d'une ère" marque un tournant dans la vie de la dynastie. L'opus commence en juin 1956 et s'achève en décembre 1958, soit près de vingt ans après le début de l'histoire. Vingt ans... Vingt ans à suivre la lignée. le dernier voyage ne peut être qu'émouvant et douloureux et à bien des égards, il l'est, mais il y a un tel plaisir à ces retrouvailles que le crépuscule en ressort encore plus beau...

Alors que Rachel, Hugh, Edward et Rupert pleuraient leur père dans le tome précédent et la disparition non seulement du patriarche mais aussi d'un pilier, d'un point de repères, c'est à leur mère qu'ils doivent se résigner à dire adieu au début du roman. Avec le décès de la Duche, c'est un peu de leur jeunesse qui s'enfuit, un peu d'enfance et d'insouciance. Les funérailles sont cependant l'occasion pour la famille de se réunir autour de la fidèle Rachel qui après des années de dévouement et de silences va peut-être enfin pouvoir s'autoriser à profiter de la vie et de son amour pour Syd. Hugh, quant à lui, semble avoir enfin retrouvé le bonheur auprès de Jem et de leur foyer, tout comme Rupert et Zoe qui semblent enfin sereins et heureux après des années d'incertitudes et de non-dits. C'est pour Edward que les choses semblent moins fluides: son remariage avec Diana n'est pas un long fleuve tranquille mais le plus charmeur des Cazalet tient bon la barre. Pour les trois frères, ce n'est pas tant la vie de famille qui est compliqué (et bien souvent, ils en laissent la charge à leurs épouses) mais l'avenir de la société familiale. le monde a changé et ils semblent avoir raté le coche ce qui va creuser le fossé entre Hugh, plus que jamais attaché aux traditions familiales et Edward, le plus aventurier de la fratrie. Entre les deux, Rupert a l'âme conciliante d'un poète...
Ainsi, on retrouve les pères, mais aussi les enfants et c'est un plaisir de passer un peu plus de temps avec les garçons de la tribu qu'on avait un peu perdu de vue lors des deux volumes précédents. Teddy, Simon et Nevill retrouvent le devant de la scène et c'est un régal de voir les hommes qu'ils sont devenus. J'ai toujours un faible pour Simon et me suis découvert une affection que je n'imaginais pas pour Teddy.
Bien entendu, les Cazalet ne seraient pas les Cazalet sans Louise, plus touchante que jamais, Clary toujours aussi angoissée et Polly dont le bonheur me réjouit autant que s'il s'agissait de celui de ma meilleure amie. Elles aussi vieillissent, évoluent, cherchent leur place et doivent trouver un équilibre -aussi fragile fut-il- entre vie familiale et aspirations plus personnelles.
Elles aussi ont eu des enfants, parfois de l'âge des demi-frères et soeurs que leur ont donné leurs pères remariés et c'est avec plaisir que l'on fait la rencontre -joyeuse- de cette toute nouvelle génération de Cazalet.
Et puis, il est aussi question de Villy, de miss Millicent, d'Archie, des Tonbridge...
Au centre, Home Place, la maison de campagne si anglaise, la maison de vacances, la maison de l'enfance. Certes, le domaine a perdu de sa somptuosité mais il est toujours aussi essentiel dans la vie des Cazalet, comme le coeur battant qui les unirait tous, le poumon qui leur octroyerait l'oxygène dont ils ont besoin.
Les souvenirs et les lieux chéris et fondateurs sont une des thématiques importantes de l'ouvrage, l'importance qu'on leur confère, l'amour qu'on leur porte, tout comme le temps qui passe inéluctablement, les deuils -réels ou symboliques- et "La Fin d'une ère" est une lecture vraiment poignante et douce amère, ce qui lui confère une profondeur que les autres tomes n'avaient pas (et pourtant!) sans le départir de ce qui fait la réussite des opus précédents: la fluidité et l'élégance de la narration, le questionnement sur la place des femmes dans la société, la complexité et la richesse des personnages, la clairvoyance contenue dans la peinture de la société et de son évolution.
Un chef d'oeuvre encore une fois dont la mélodie me manque déjà.
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