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Critique de sophie_plume


Une nuit d'hiver, un enfant est abandonné sur le rivage d'une île d'Angleterre. Longtemps, il regarde s'éloigner le navire à bord duquel on l'a empêché de monter. Transi de froid, il s'enfonce dans la neige et l'obscurité, marche des heures, jusqu'à découvrir une roulotte habitée par un vieillard. Il s'appelle Ursus, il est saltimbanque et parcourt les routes depuis toujours avec son loup Homo, son ami le plus cher. Quand Ursus découvre le visage de l'enfant, il est stupéfié. Gwynplaine - ainsi qu'il se prénomme - porte une vilaine cicatrice qui s'étire de la bouche aux oreilles, formant un rire figé et grimaçant, qui terrorise, amuse et fascine. de cet enfant défiguré, Ursus fera son compagnon de route, son fils, son protégé. Ensemble, ils vont former une troupe de théâtre et une famille ; ils vont tisser des liens uniques, jusqu'à une révélation qui fera tout voler en éclats.

Ténèbres et lumière, sublime et grotesque, rire et souffrance, grandeur et misère : toute la beauté du roman réside pour moi dans ce savant mélange des contrastes, cher à Victor Hugo, chef de file du romantisme. Les personnages eux-mêmes oscillent entre ombre et clarté, qu'elles soient symboliques ou matérielles. Bien souvent les phrases enflent, la prose est grandiloquente et le lexique trop technique, mais quelle beauté ! Il y a ce mot qui tombe juste, cette perfection du rythme et des sonorités qui donnent un sentiment d'équilibre et d'harmonie.

Cette écriture très lyrique porte un roman dense, aux multiples facettes. J'y ai vu une belle histoire d'amour entre deux âmes pures, mais aussi une fresque historique sur l'Angleterre du 18e siècle, et une épopée qui flirte avec le fantastique - la mer et la neige se déchaînent, des cadavres bougent, des yeux aveugles perçoivent la vérité, les murs d'un palais semblent rire et chuchoter. J'y ai vu aussi un bel hommage au théâtre, car c'est le théâtre qui sauve Gwynplaine, et tout le roman est habité par la théâtralité, en particulier à la cour des lords  : on se cache sous le fard et les perruques, on complote dans les corridors du palais, on confie des lettres, on s'aime clandestinement.
Enfin, « L'homme qui rit » est un violent plaidoyer contre l'injustice, la société et le royalisme. Gwynplaine porte le coup de griffe d'une société impitoyable et criminelle, gouvernée par des rois qu'il faut distraire à tout prix, quitte à mutiler des enfants. Derrière le rire grimaçant de Gwynplaine se dessinent toute l'ironie, le désespoir et la fureur de Victor Hugo.

Ce chef-d'oeuvre m'a enchantée et garde une place particulière dans mon coeur. Je n'oublierai jamais le loup Homo, loyal, discret, tranquille et doux, qui ouvre et clôt l'histoire.
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