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Critique de motspourmots


Voilà à quoi peut mener la curiosité d'une journaliste... Sous-titré "Berlin 1904-2014", le livre aurait pu s'intituler "Biographie d'une rue de Berlin" mais l'auteur a sans doute choisi "La robe de Hannah" comme symbole des multiples histoires individuelles qu'elle a rassemblé après un travail méticuleux de reconstitution. Cette robe qui, plus de soixante-dix ans après le départ ou plutôt la fuite de sa propriétaire retrouve la rue qui l'a vue naître, un peu grâce à cette initiative.

Tout part de la curiosité de Pascale Hugues, journaliste installée à Berlin depuis plus de vingt ans, le jour où elle se demande ce que sont devenus les anciens habitants de la rue dans laquelle elle vient d'emménager. Une artère des plus classiques, à l'écart des quartiers les plus renommés ou les plus animés. Une petite rue calme dans laquelle, en y regardant bien, on peut apercevoir les stigmates d'un passé chargé et mouvementé. Les traces d'un éclat d'obus ou encore ces dés de laitons apposés entre les pavés devant les immeubles où des juifs furent déportés. La rue est née en 1904, habillée d'immeubles cossus destinés à la bourgeoisie berlinoise. Elle a donc traversé deux guerres, subi les bombardements alliés, la reconstruction, est passée à l'Ouest avec la construction du mur. D'après les archives, cent six juifs habitant cette rue ont été déportés. La journaliste prend l'initiative de passer une annonce dans un journal publié deux fois par an par le Sénat de Berlin à destination des derniers juifs berlinois dispersés à travers le monde. "Qui a habité ma rue ?" demande t-elle, sans grand espoir, avec l'impression de rechercher une aiguille dans une botte de foin.
A son grand étonnement, les réponses affluent depuis les États Unis ou Israël. Des octogénaires pour la plupart, voire plus. Tous heureusement surpris par son initiative et surtout désireux de raconter, vite, avant qu'il ne soit trop tard. Surpris de trouver une oreille attentive, habitués au sympathique manque d'intérêt de leurs petits enfants pour ces vieux souvenirs du temps passé. Un par un, Pascale Hugues recueille leurs récits, leurs souvenirs et reconstitue ainsi des vies et des destins. L'étau qui se resserre, la fuite, le déracinement, les réparations, la douleur de la mémoire. A travers la parole des anciens habitants de cette rue, c'est à la fois leur vie quotidienne à différentes époques et toute l'histoire d'un siècle en Allemagne et en Europe qui défilent... Chaque histoire, chaque anecdote rappellent inlassablement que derrière les grands faits historiques appris à l'école, il y a des vies, des individus, des familles et des destins brisés.

Pascale Hugues s'est livrée à un travail dantesque pour reconstituer, époque après époque, l'architecture, la sociologie, les habitudes des habitants de sa rue... Jusqu'aux années plus récentes et aux anecdotes plus légères comme le séjour de David Bowie dans l'un des immeubles. le livre fourmille de détails passionnants et parvient souvent à susciter l'émotion même si le style sobre, très journalistique permet de maintenir une certaine distance, sûrement nécessaire à l'auteur pour mener à bien sa mission.

Mission accomplie. La plume de Pascale Hugues redonne vie à ceux que L Histoire côtoie sans jamais les mentionner autrement que dans des statistiques ou des généralités. Une autre façon de parler de mémoire. Pleine de tact et d'empathie.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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