S'il sourit, un morceau de banquise doit se mettre à fondre quelque part.
C'est vrai que notre rencontre n'était pas banale, mais la vie ne l'est pas, pour qui sait saisir les opportunités.
Il y a ceux qui crient au pyromane et ceux qui défendent la thèse des incivilités. La forêt qui brûle à cause d’un mégot de cigarette n’est pas une légende urbaine…
Je ne sais pas si c’est ce que lui disent mon regard perdu et mes brefs sourires désolés. J’admets à quel point il me plaît, mais je renonce à lui. Il est si beau, là… Torse nu, musclé, humble et souriant. Ses cheveux courts sur lesquels j’ai tellement envie de faire courir mes doigts, ses taches de rousseur que j’aimerais frôler, ses beaux yeux, ses lèvres fines aux sourires suaves. Même son menton, bon Dieu !
Alexandre est pompier, droit, sûr et respectueux. C’est un mec bien avec qui on ne joue pas, on ne fricotte pas à la légère. Et je n’ai pas le droit de m’en approcher. Cela fait partie du deal pour mon film : pas de rapprochement perso, pas de drague. Mais même sans cette condition qu’il m’a imposée, j’aurais eu peur de me lancer. Par respect, encore une fois, pour le fait que ça n’est pas un homme comme ceux que je fréquente et dont je peux disposer à ma guise.
J’aime les hommes moins timorés, plus sûrs de leur pouvoir de séduction et que je peux quitter au réveil. Pour qui il me prend ? Ce n’est pas parce qu’il m’inspire pour mon documentaire que je vais tout faire pour me glisser dans son lit !
Repérer, m’intégrer, comprendre, ressentir. Tout cet univers des pompiers m’est étranger, mais je sens encore ce frisson irrépressible de l’Inspiration jouer sur ma nuque. Le documentaire n’est pas ma spécialité, je n’ai rien d’une enquêtrice ou d’une journaliste. Je fais confiance à mon œil artistique pour capturer le cadre parfait, et à ma sacro-sainte Inspiration pour déceler les choses passionnantes.
Ce film, je le veux, je l’aurai. Quitte à utiliser les relations de mes parents pour y parvenir. J’ai horreur de ça, mais j’ai encore plus eu en horreur le refus qu’on m’a opposé la première fois. La fin justifie les moyens, et le mot « fin », j’y tiens. Avant le générique de mon film!
Ce petit con est capable de le faire, de retourner le cerveau d’Ophélie comme une crêpe, et de la foutre dans son lit. Je ne suis pas jaloux, non. Je suis dégoûté de l’image que ça va donner des pompiers.
Moi, la drague n’est pas mon truc. Ça ne m’a jamais empêché d’avoir des histoires. Plus ou moins courtes, mais toujours sincères. Je passe pour un con timide, alors que je suis juste un mec normal. On n’est pas obligé de traiter les femmes comme des prises de chasse !