À vingt-trois ans, il était fort comme un taureau et prêt à tout. Il vouait un culte à la mort.
Nii du Shinsengumi était un parfait samouraï.
_ Je ne peux pas vous suivre.
_ Pas "suivre". Maladie de l'ego, ça. Pas gagner, pas perdre. Se battre d'un seul esprit.
D'un seul esprit. Qu'est-ce qu'il pouvait vouloir dire par là, bordel ?
_ Se concentrer sans se concentrer. Voir sans voir. Gagner sans gagner.
Qu'est-ce que c'était que ce putain de langage ?
Quand on manipule une lame vivante, on doit s'attendre à se couper avec. Ni plus ni moins. Ce n'était qu'un détail. Le sang, il faut savoir s'y habituer. Ça passe tout seul, ou bien il faut recoudre. Pas de moyen terme.
Il enfoncerait violemment la lame au creux de son propre ventre du côté gauche, de huit centimètres au moins, plus probablement dix ou douze. Quinze centimètres, ce serait encore mieux, bien que très peu réussissent à pousser si loin. Puis il remonterait la lame en oblique, jusqu'au nombril. Le tanto était toujours bien affûté en vue d'une pareille éventualité.
[...]
On disait qu'on avait encore huit secondes de lucidité à partir du moment où la lame atteignait sa destination. Ces huit secondes-là devaient être passionnantes. Hurlait-on ? Suppliait-on pour que la douleur cesse ? Était-on vidé de son humanité ?
Quelqu'un d'autre peut-être mais pas Nii du Shinsengumi. Il ne pouvait perdre sa dignité devant son seigneur. Il demeurerait silencieux. Il puiserait dans la douleur la joie extatique d'une mort de guerrier authentique. Telle était la voie du combattant. La voie, c'était la mort, et pas autre chose...
_ Ces mots ont été écrits en 1645. Ils signifient "L'acier coupe la chair, l'acier coupe l'os, l'acier ne coupe pas l'acier." Vous comprenez ?
Bob comprenait.
_ Les autres, ils sont faits de chair et d'os, dit Philip Yano. Le sabre peut les transpercer. Ce sont les gens du commun. Les dormeurs, les rêveurs. Les mous. Mais nous, nous sommes les durs, les guerriers. L'acier ne nous coupe pas. C'est notre travail. C'est pour cette raison qu'ils ont besoin de nous, même s'ils sont incapables d'imaginer à quel point.
Mais un tanto recelait une autre possibilité. Dans la disgrâce ou l'encerclement, il restait un espoir de dignité. Nii du Shinsengumi savait ce qu'il aurait à faire dans un cas pareil pour s'épargner la honte de la défaite et gagner à jamais l'estime et l'affection de Kondo-san. Et il savait qu'il en serait capable il ne lui faudrait qu'une seconde.
Au-dessus du volcan
une lune d'enfer
fait luire les visages
des damnés agonisants.
Des soldats ensevelis dans le sable noir
sur l'île du désespoir
attendent leur destinée.
Nous sommes le jade brisé
sur l'île du Soufre. (1)
(1) Traduction littérale des deux mots japonais Iwo Jima
Cet homme appartient à un peuple habitué aux détours, à la courtoisie, à la discrétion et à la retenue. Vous avez dû gueuler tellement fort qu'il a paniqué et vous aurait dit n'importe quoi pour se débarrasser de vous.
_ Premier jour, huit coupes. Pas trop mal. Deuxième jour, coupe tameshigiri, pas trop mal. Hier, combat, bien. Aujourd'hui, combat, pas très bien. Rien de bon.
_ Je n'ai pas la forme aujourd'hui.
_ Pas forme n'existe pas. Aucun yakuza demander : "Forme aujourd'hui ? Alors se battre." Non. C'est maintenant qui compte.
Reflet de la lune dans l'eau limpide et froide.