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Critique de SebastienFritsch


Double portrait de femmes, réflexion sur la création littéraire, questionnement autour de la notion de présence : voilà les 3 principaux thèmes de ce roman si riche.
Les deux femmes sont Nadia et Barbe : la première est romancière, la seconde est personnage de roman ; la première vit à la fin du XXe siècle, la seconde 400 ans plus tôt. Mais la première n'existe pas plus que la seconde, puisque si Barbe est une invention de Nadia, Nadia est une invention de Nancy Huston. Nadia qui a d'ailleurs décidé de se faire appeler Nada (qui signifie "rien" en espagnol). Et ce rien, ce néant, ces ténèbres, constitue toute la matière du roman. Les enfants qui ne sont pas venus au monde, les protagonistes des oeuvres de fiction, tous ces êtres inexistants qui occupent pourtant une place démesurée dans nos esprits. La femme obnubilée par son enfant mort-né, le lecteur ému par les malheurs d'une héroïne de papier et qui oublie pendant sa lecture les horreurs réelles qui se passent au même moment dans le vrai monde, pourquoi s'attachent-ils à ces idées tout aussi abstraites l'une que l'autre ? Mais cette femme, ce lecteur ne vont-ils pas eux-mêmes vers le néant ? Ne sont-ils pas, comme le dit Nancy Huston, de futurs défunts? Que representeront-ils dans 400 ans?
C'est ici que survient un autre thème fort de ce roman ; ce que l'autrice désigne par "être là". Être présent, être pleinement à ce que l'on fait, exister, profiter, s'investir, oublier brièvement notre statut de futur défunt : voilà d'autres manières de le dire, auxquelles manque la subtilité avec laquelle Nancy Huston aborde cette question.
Enfin, le 3e thème, qui est en réalité le premier, le plus central, c'est la féminité, les rôles, les obligations, les étiquettes qu'on y associe. "On" ce sont les hommes, qui imposent, décident, dirigent, violent. Mais ce sont aussi les femmes, qui donnent l'exemple, apportent leur soutien, partagent vos secrets, transmettent la soumission ou se font complices des méfaits masculins (volontairement ou par contrainte).
Amie, soeur, fille, épouse, célibataire, mère, non-mère, tentatrice, romancière, bonniche, victime, guérisseuse, sorcière, libre, fuyarde, prisonnière et tant d'autres mots sont assignés à chacune de ces femmes, Barbe, Nadia... et Nancy, très certainement. À tel point que cela semble encore plus difficile pour elles de savoir ce que peut signifier "être là" ou tout simplement "être".
Pour ces réflexions, associées aux idées qui tournent autour de la création, de l'inspiration, de l'investissement dans l'écriture, ce roman mérite d'être lu... avec beaucoup d'attention. Une manière, au moins pendant 300 pages, d'être là.
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