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Critique de hoteldelaplage


Huysmans poursuit avec En rade le travail de fuite de son époque qu'il avait entamé avec À rebours, dans une version plus narrative, et sur un mode souvent comique.

Jacques et Louise sont deux jeunes parisiens, mariés sans fortune et sans dot, qui se retrouvent bien vite criblés de dettes. Devant l'urgence de leur situation, Louise suggère une retraite à la campagne chez un oncle paysan qui leur a promis un hébergement provisoire, le temps pour le couple d'échapper aux créanciers. Comme bien souvent l'idée est bonne sur le papier, mais une fois arrivés à Lourps (bonjour l'ambiance), les deux amants découvrent en guise de gîte un château à l'abandon rongé par l'humidité, et pour tout accueil la langue boueuse et les manières rustres du père Antoine et de sa femme Norine. Aux problèmes financiers s'ajoutent donc, dans cette campagne laide, des conditions de vie hostiles et des codes sociaux repoussants, tirés à grands traits par Huysmans qui s'amuse sans trop se cacher des dialogues gras et des épisodes scabreux qu'il insère dans son récit. A Lourps, point de salut, donc : si là-bas Jacques et Louise parviennent au moins à échapper à Paris, c'est pour ressentir bien vite le désir de s'échapper de Lourps tout autant.

De manière fascinante, En rade fait se côtoyer les contingences au ras du sol et l'imaginaire le plus merveilleux, entre lesquels Jacques, personnage passif et inadapté au monde, est partout déboussolé. Mauvais au travail manuel, pas assez brillant, il incarne la victime d'un environnement en perpétuel mouvement où Dieu est déjà trop mort, même si, çà et là, sont semés les signes que c'est vers Lui qu'il faudra retourner pour succéder à la petite satisfaction de s'être « débarrassé de l'écorce temporaire d'un corps. » En attendant, c'est dans le rêve que se retrouve, sous des formes folles et élastiques, le substitut féérique aux textes fondateurs, qui s'offre au lecteur dans des passages étranges et hallucinés, semblant eux-mêmes vouloir lacérer l'entreprise naturaliste dans son ensemble par leurs retours réguliers tout au long du roman.

L'ouvrage alterne donc de très belles descriptions topographiques qui affirment par métonymie la mort d'une époque, et des délires oniriques qui cherchent ailleurs une évasion encore embryonnaire et indéfinie. A défaut de solution, Jacques et Louise au terme du livre s'en retournent tout bêtement à Paris, tout aussi pauvres et un peu plus dégoûtés du monde et d'eux-mêmes : au-delà de l'apparent échec de leur petite aventure, En rade marque les tâtonnements spirituels de Huysmans, encore loin d'avoir repéré un chemin, mais tout de même un peu sorti de la stase totale d'À rebours, avant que tout cela ne se précise dans le cycle de Durtal à venir. Un roman court et original, qui trouve ses meilleures pages là où s'expriment les hilarants penchants macabres de son auteur.
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