Pour quelqu'un qui n'a jamais vécu dans la steppe, il est difficile de comprendre comment il est possible de survivre au milieu d'un tel désert. Mais ceux qui y vivent depuis des générations savent que la steppe est riche et changeante. Que le ciel est multicolore. Que l'air tout autour est fluide. Que la végétation est variée. Que les animaux qui la parcourent et la survolent sont innombrables. Une tempête de sable peut surgir sans crier gare. Une tornade jaune peut brusquement se mettre à tournoyer dans le lointain comme une laine de chameau que les femmes tressent pour en faire de la ficelle. Tout le poids incalculable de ce ciel immense et lourd peut soudain se mettre à siffler en balayant la terre encalminée et soumise...
En grandissant, Yerzhan se mit a remarquer les subtils changements de teinte de la route qu'ils prenaient pour se rendre aux leçons de musique de Petko. Et cette route lui était comme de la musique : elle était aussi gracieuse, les sons en étaient aussi varies. Les notes lancées par le vent se balançaient dans les petits buissons de tamaris et de salicornes.
While the men keep on dying.
And the women keep on crying.
The war goes on and on.
Entre 1949 et 1989, au Polygone nucléaire de Semipalantisk, il fut réalisé un total de 468 explosions nucléaires, dont 125 explosions atmosphériques et 343 explosions souterraines. La puissance totale des appareils nucléaires testés dans l'atmosphère et sous la terre au Polygone (dans une région peuplée) dépassait par un facteur de 2500 la puissance de la bombe lâchée sur Hiroshima par les Américains en 1945.
"C'est quoi un kut ?" demanda Yerzhan, qui tremblait encore de froid. Il était surpris de la ressemblance entre ce mot et le mot "cul" - kyot.
"C'est le bonheur. C'est quand tu as chaud et assez à manger", répondit Mémé.
Elle repris son histoire.
"Quand tu t'apprêtais à naître, ton kut est tombé de cet arbre dans notre maison par la cheminée. Toutes choses suivent la volonté de Tengri et de notre mère Umai. Le kut est tombé dans le ventre de ta mère et dans la matrice et il a pris la forme d'un petit vermisseau rouge...
- C'est lui que tu grattes sur ton derrière ?"
Mémé gloussa et donna une claque sur la petite joue de Yerzhan avec la même main ridée qui venait de lui gratter le derrière.
Les voies de la steppe, fussent-elle ferrées, sont longues et monotones, et la seule manière d’écourter un périple, c'est la conversation. La façon dont Yerzhan me narrait sa vie ressemblait à notre itinéraire : on n'y discernait ni virage ni retour en arrière. Son histoire, ponctuée par le craquement régulier des jantes, se poursuivait inlassablement, tout comme les fils électriques aperçus à travers la vitre couraient de poteau en poteau.
Quels mots peuvent transmettre la mélancolie profonde du soir dans la steppe traversée par un train solitaire ?
Lorsqu'il se mit enfin à jouer du violon, le son qui s'éleva était si pur que Yerzhan comprit instantanément le sens du premier commentaire de Petko: même un aveugle aurait pu voir le ciel bleu, la danse de l'air pur, la lumière éclatante du soleil, les nuages blancs neigeux, les oiseaux ravis.
Ce fut sa première leçon.
My love is tall, as tall as the mountains...
My love is deep, as deep as a sea.
Pour quelqu'un qui n'a jamais vécu dans la steppe, il est difficile de comprendre comment il est possible de survivre au milieu d'un tel désert. Mais ceux qui y vivent depuis des générations savent que la steppe est riche et changeante. Que le ciel au-dessus est multicolore. Que l'air tout autour est fluide. Que la végétation est variée. Que les animaux qui la parcourent et la survolent sont innombrables. Une tempête de sable peut surgir sans crier gare. Une tornade jaune peut brusquement se mettre à tournoyer dans le lointain comme la laine que les femmes tressent pour en faire de la ficelle. Tout le poids incalculable de ce ciel immense et lourd peut soudain se mettre à siffler en balayant la terre encalminée et soumise ...
Le vrai but n'est pas le but, mais le chemin vers le but.