Le mort amoureux

Une vie sans amour est un flagrant gâchis. Mieux vaut qu'elle n'existât point.

J'étais en colère et j'ai erré dans la ville. C'est alors que j'ai entendu la voix d'une femme.
- Petit...Viens...un instant, veux-tu ? J'ai des soucis...Tu veux bien m'écouter...et puis tu pourras me conseiller. Tu veux bien, dis ? J'aime un homme...et j'en suis folle amoureuse. Mais...il est marié et père de famille. Et aujourd'hui, j'attends un enfant de lui...Tu...tu comprends ?! Cet enfant, je voudrais qu'il vienne au monde...mais lui, quand il l'a su, il est devenu distant et il veut que j'avorte...c'est affreux, hein ? Et pourtant, je l'aime. Je l'aime passionnément...Oui...je l'aime à en mourir.
Quand j'y pense maintenant, je me dis qu'elle était névrosée...elle ne savait plus quoi faire et s'était confiée à la première personne qu'elle avait croisée...convaincue qu'elle lui viendrait en aide. "La première personne que le hasard amènera à ce carrefour devant moi me sauvera" c'est ce qu'elle devait se dire...et ce fut qui ? Un petit garçon...En plus, j'étais de mauvaise humeur.
- Alors petit...qu'est-ce que je dois faire ? Dois-je continuer de le voir ?
- Pff...je comprends rien à ce que vous dites.
- Ah bon...alors voilà, est-ce que je serai heureuse en amour avec lui ? Oui ? Non ?
- Vous le serez jamais !! Idiote.
J'ai jeté un coup d'oeil en arrière et j'ai vu le regard triste de cette femme. Son visage m'a hanté toute la nuit. Le remord tourmentait mon coeur d'enfant. Qu'avait-elle fait après ça ? Si ça se trouve...Le lendemain, je suis retourné dans cette rue. Elle était allongée, dans la même tenue que la veille, un cutter à la main...au milieu d'une mare de sang. C'est moi qui l'ai tuée...c'est à cause de moi qu'elle est morte...

Il est souvent plus simple de répéter ses crimes que d'essayer de se racheter.

[p125]

Au collège, on m'avait surnommé "le mort" à cause de mon teint blafard.
Les brimades étaient permanentes. Beaucoup d'élèves pensaient que c'était ma faute si Suzue Tanaka s'était suicidée. Seule Midori se faisait du souci pour moi. Mais je devais absolument l'éviter. En attendant, mon amour pour elle ne faisait que grandir. Mon coeur me faisait souffrir.

- Je vous aime à en mourir !
- Alors mourez !

[p184]

Depuis ce jour, Suzue Tanaka n'a plus arrêté de me suivre. Je n'avais aucune intention de sortir avec elle, mais j'avais beau la repousser sèchement, rien n'y faisait. Cela empirait de jour en jour. Qu'était devenue la Suzue si convenable que j'avais connue ? La nuit elle me téléphonait sans répit. Le matin, elle était devant ma porte. Son visage changeait de jour en jour. Peut-être était-ce le fruit de mon imagination...mais elle avait des cernes, ses joues étaient creusées, et son teint était blafard. On aurait dit qu'elle était malade, rongée par la maladie de l'amour.

Toute prédiction comporte des risques... Le résultat dépend du caractère de la personne rencontrée.

[p14]