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Critique de jphial


C'est en lisant l'adaptation graphique de Salva Rubio et Loreto Aroca que j'ai éprouvé le besoin d'en savoir plus sur le "camp familial" d'Auschwitz-Birkenau. La BD, assez elliptique, soulevait de nombreuses questions que son traitement prioritairement destiné à la jeunesse laissait en suspens : des déportés autorisés à garder leurs vêtements et leurs cheveux ? Une école secrète à Auschwitz ? Des livres, du papier, des crayons ? le docteur Mengele venant inspecter le baraquement des enfants ? Des SS applaudissant après avoir écouté des enfants juifs entonner un chant ? Des enfants, vivants, à Auschwitz ?

Le récit d'Antonio G. Iturbe est remarquablement précis et documenté. Il décrit dans sa première partie le quotidien du camp, mais aussi et surtout celui de l'école secrète, sa mise en place, son fonctionnement, ainsi que le travail de Dita Kraus, chargée d'entretenir, de protéger, de soigner avec amour les huit livres de la minuscule bibliothèque clandestine et de les mettre à disposition des enseignants tout en les dissimulant aux SS. On respire, durant la lecture de cette première partie, au rythme des émotions de Dita, qui parvient par intermittence à s'évader de la dure réalité du camp : son imagination nous propulse régulièrement dans les souvenirs de sa vie d'avant et la lecture lui permet d'accéder à un autre monde. Aux côtés de Dita, nous apprécions de conserver un peu d'humanité dans un lieu aussi inhumain.

Mais les évènements du 8 mars 1944 orientent la seconde partie du récit vers davantage de noirceur. On suit alors avec intérêt la trajectoire d'autres personnages, qui ont tous réellement existé. Les faits sont réels mais les fils de la fiction font s'entrecroiser leurs dramatiques destins. La minuscule flamme de l'espoir, vacillante, se maintient tant bien que mal jusqu'à la dernière partie, à Bergen-Belsen, où les ténèbres s'épaississent jusqu'à devenir irrespirables.

"- Moi, je viens d'Auschwitz. Rien ne peut être pire.
Les autres ne disent rien. Elles n'en sont pas convaincues. Elles se montrent réticentes face à un tel raisonnement logique. Elles ont découvert ces dernières années que l'horreur n'avait pas de fond. (...) Elles se méfient. Mais le plus terrible, c'est qu'elles vont avoir raison."

On ressort bouleversés, secoués par cette lecture. La plume d'Antonio G. Iturbe n'y est pas étrangère : la consistance des personnages, l'agencement efficace du récit, la fluidité de l'écriture, rythmée, tendue, travaillée, donnent à la vérité documentaire du récit une force extraordinaire.

Les dernières pages achèvent d'étoffer l'ouvrage en relatant quelques entrevues de l'auteur avec Dita Kraus, actuellement âgée de 94 ans. Merci à Antonio G. Iturbe de m'avoir permis de faire ainsi connaissance avec l'une des dernières survivantes d'Auschwitz.
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