Lumière de l'oeil

Avant Nasser, les familles juives tenaient le haut du pavé dans l'Égypte postcoloniale du roi Farouk. Mona est née et a grandi dans une telle famille, locataire de l'immeuble Boutros au Caire et s'exprimant au quotidien dans la langue de Molière. le père, Jacques Castro, déjà âgé, est "comme il se doit" dans les affaires. La mère, Rébecca, jeune et belle "comme il se doit", crie beaucoup et bichonne ses deux garçons, Selim et David, rejetant Mona loin des yeux et loin du coeur. Heureusement, il y a la gouvernante arabe, l'adorable et dévouée Sayeda, et puis la grand-mère maternelle, Farida Sardaal, auprès de qui Mona la rebelle trouve réconfort et protection. Dans un français savoureux, farci d'orientalismes, à la limite de la poésie tant ses incongruités forcent l'imagination, Paula Jacques nous conte les mille et une péripéties qui rythment la vie de ces personnages, soudés les uns aux autres dans un commun amour de la vie. Jusqu'au jour où cette belle façade va s'effriter, sous les coups de boutoir de la Crise de Suez et le rejet de tout ce qui rappelle l'Occident au régime nationaliste du "Raïs". Une belle analyse des rapports entre les êtres, une langue délicieuse dans ses imperfections. Un premier roman où l'émotion affleure à toutes les pages, mâtinée de l'humour en demi-teinte si caractéristique de cette auteure, aujourd'hui renommée, et à juste titre.