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Critique de EvlyneLeraut


Déchirant, fondamental, fulgurant, « Prendre son souffle » est l'exemplarité.
Inoubliable, la plus belle histoire d'amour de tous les temps.
Une nage dans un lac gelé. La brasse des épreuves.
Ne rien lâcher de ce roman sublime et de haute magnanimité.
L'incipit donne le ton « Il eut mieux valu que je ne te rencontre jamais, amour de ma vie. »
Anaïs est une jeune femme qui aime Éden, «  le paradis incarné ».
D'emblée, c'est une corrélation charnelle et de connivence.
« J'ai plongé dans cette relation de la seule façon que je te connaissais : avec intensité. »
Le socle de la trame est dédié pour Éden. le « tu » comme la sève, l'immense capacité des dires, sans répétitions ni doutes. Ce genre de livre à l'instar de l'étoile du Sud.
La dignité d'un exutoire bouleversant. C'est la voix d'Anaïs qui clame ce récit sublime et si triste. le compte à rebours est lancé. le sablier se renverse. Chapelets d'heures, les grains de sable valent le double, l'urgence.
« Anaïs se rend compte du silence d'Éden sur sa propre famille. »
On ouvre la porte subrepticement, avant de pénétrer au coeur même d'un évènementiel irrévocable. Tout est ici, entre l'avant et l'après. Jusqu'au jour où Anaïs est enfin conviée afin de rencontrer la famille d'Éden. Fébrile, inquiet, il se refusait à ce moment.
Loin d'un rendez-vous ordinaire, Éden lui ouvre les yeux sur un drame familial. Sa soeur est malade. « Je ne pouvais détacher mes yeux de ses jambes aux muscles atrophiés, plus minces que mes avant-bras. »
Elle a la maladie d'Ataxie de Friedreich. Trois enfants, frères et soeur, Marc : décédé, Sophie devenue handicapée et Éden, l'épée de Damoclès au-dessus de sa tête.
La source du mal. le lever du voile sur une maladie génétique. L'impuissance des parents effondrés et soumis. Cette maladie dont l'évolution est lente, sournoise, mais parfois fulgurante.
Éden mord dans la vie à pleine dents. L'audace du courage, conscient, il prend son souffle dans l'instant présent. Vivre vite, en grand. Profiter des jours où il ne sait pas, pas encore. Anaïs et Éden voyagent beaucoup. Fusionnent dès l'aurore au crépuscule, aux draps joyeux et plissés, aux rires et copains. Les gestes de concorde et la lucidité du sursis.
Éden fait du sport, un peu, Beaucoup. Attrape le soleil à plein bras. Se love contre Anaïs, sa siamoise, complice et aimante. La pudeur d'un amour aussi pur qu'inné.
Elle sait l'heure des victoires. La passion victorienne, le romantisme qui frôle leurs peaux. L'entente, une voix qui chante dans les landes de bruyère. Dans celles de l'instant.
Un amour source, et de sens. Un escompte hyperbolique du futur. Mais, qui va immanquablement être confronté à l'inaltérable. le tango noir et les sanglots longs et silencieux. Éden perd l'équilibre, chute souvent. La piste de danse devient l'emblème de la finitude. L'absurdité d'une maladie rare et pernicieuse. Éden vacille. La lumière sombre est un piège, son corps est en faillite.
Sous le voile d'une fiction l'oeuvre théologale qui enserre l'attachement. Anaïs va se fondre en Éden, le retenir, contre le vent glacial des aspérités. L'antre est happé, le nid douillé où ce jeune couple pouvait vivre encore mille caresses et mille exploits.
« Mais les chutes se sont démultipliées . »
Spectrale, « la maladie progresse. » le plongeon en apnée. Prendre son souffle. Lianes, siamois, l'urgence immerge. Respirer pour Éden. Les sentiments victorieux sont en guerre face au corps en déliquescence d'Éden. Il se meurt à petits feux.
« Tout était prétexte à un nouveau fuck you, petit ou grand. Ça nous faisait sentir puissants, vivants, au-dessus de la fatalité. Comme si on gardait le contrôle. On se trouvait drôles. »
Sans pathos, c'est ici la beauté intérieure de ce récit bouleversant. La réécriture de l'après.
« Mais un jour mon père m'a dit quelque choses qui m'a souvent aidée, quand ça va pas pas reste pas sur place, va de l'avant. Mais sans GPS je faisais du surplace. »
Ce chant désespéré est une ode à la dignité.
Lire « Prendre son souffle », si évocateur, puissant. Un pur chef-d'oeuvre salutaire. « Prendre son souffle », l'azalée blanche sur le coeur. Tragique, la chute d'Icare. Bleu-nuit, dramatique, le mémorial de l'amour, la lutte à la vie à la mort. Un plongeon en apnée.
Le testament d'une éthique d'amour.
Comme l'exprime Geneviève Jannelle : « Les pires choix sont parfois ceux que l'on fait par amour. »
Publié par les majeures Éditions Québec Amérique.

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