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Critique de Lucilou


Ces temps-ci m'emmènent vers de nombreux romans graphiques que je découvre avec beaucoup de gourmandise. le dernier en date, que je dois à ce même collègue qui m'a déjà fait découvrir l'excellente saga "Le Serpent et la Lance" est (encore) un coup de coeur.

"Celle qui parle" somptueusement orchestrée par Alicia Jaraba n'est pas sans rappeler le diptyque de Hub puisqu'elle se déroule en Amérique précolombienne, une période méconnu mais fascinante à bien des égards.
"Celle qui parle" constitue une biographie romancée (forcement) de la Malinche, cette figure si controversée de l'histoire mexicaine. En effet, cette dernière qui naquit vers 1500, probablement au coeur d'un clan Nahua, s'est rendue célèbre pour avoir été l'interprète puis la maîtresse de Hernan Cortes. Figure de traîtresse à son peuple, pour l'avoir livré à la cruauté des conquistadors, la Malinche est pour certains une figue martyre et on peut raisonnablement s'interroger sur son libre arbitre et la liberté dont elle disposait... Celle qui fut aussi érigée en icône féministe par les mexicaines dans les années 1960 demeure donc une figue fascinante et qui interroge. Il y a par ailleurs tant d'incertitudes et de silences quant à sa biographie que cela laisse de la place pour la broderie, le romanesque, le dramatique et à cet égard, "Celle qui parle" présente un équilibre parfait entre historicité et romanesque, histoire et fiction.

Il y a tellement de points forts à noter dans cet ouvrage!

La beauté des dessins et de leurs mises en couleurs, la densité du récit dans lequel il se passe mille choses sans que cela ne perde en clarté ou en force, l'intensité des sentiments qui naissent à la lecture: la colère, la révolte, la gorge noué et la complexité bienvenue des personnages...
L'importance donné au langage bien sûr et le message féministe.
L'originalité du point de vue aussi. Habituellement, les récits qui mettent en scène les civilisations précolombiennes se contentent du trio aztèque, maya et inca. La réalité était cependant bien plus complexe. de même qu'on nous livre souvent une image très édulcorée des aztèques (des mexicas devrait-on dire) alors que c'était un peuple dominateur et d'une violence extrême. C'est intéressant et pertinent de nous laisser entrevoir cette complexité historique. de plus, cela ouvre aussi des perspectives sur le personnage (très, très beau) de Malinalli qui pourrait s'être rangée du côté des espagnols afin de protéger les autres peuples de la soif de sang des aztèques... Bien sûr, rien n'est certain mais c'est une piste qui valait la peine d'être explorée et qui donne beaucoup de profondeur, d'épaisseur au récit et qui le rend poignant, ce qui ajouté à sa construction virtuose en fait vraiment un chef d'oeuvre.
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