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Critique de Erik35


TAÏAUT ! TAÏAUT ! TAÏAUT !


Difficile de débuter ces quelques lignes consacrés au second opus du Cycle des Rois du Monde sans entamer, à pleine bouche, le cri de guerre des chasseurs à courre ! Et pour une courre, s'en est une sacrée, dans tous les sens de ce mot.

Le modus operandi utilisé par Jean-Philippe Jarowski est toujours le même : le Celte, fils de l'ancien roi des Turons, Bellovèse, devenu très âgé, conte sa vie au cours d'une seconde très longue nuit de palabre à un ami d'origine ionienne, marchand de son état venu demander l'hospitalité, mais dont nous ne savons que peu de choses par ailleurs. Quelques années - neuf pour être exact -ont passé depuis que notre Héros dû choisir entre la soumission à son oncle, l'assassin de son père, et Haut-Roi d'une bonne partie des mondes Celtes par le biais de ses "clientèles" (une notion romaine d'allégeance mais que les gaulois pratiquaient et qui correspond peu ou prou au lien de vassalité connu durant la période médiévale), ou de ronger son frein et rentrer dans le rang. Bellovèse choisi la seconde option, plus par réalisme pragmatique que par lâcheté : il a déjà bien assez prouvé que le courage, il connaissait. Il a pris femme - et même maîtresse, ce qui lui vaudra quelques soucis futurs avec beau-papa -, il a deux filles aimées, il est devenu au fil du temps l'un des héros reconnus et respectés de la cour de tonton Ambigat, et tout pourrait suivre son cours inéluctablement tranquille, n'était que nous sommes chez les Celtes, pas chez les bisounours...

Tout se passerait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si tout ne se cassait pas, insidieusement, inexorablement la figure : le souverain se vieillit, sa descendance est plus que compromise - les deux fils qu'il a eut de sa seconde femmes sont morts de maladie. Il n'a plus désormais que son premier fils, fruit de son mariage avec une première épouse répudiée, terriblement rancunière et... Un rien sorcière - une succession de mauvaises récoltes, les bêtes qui meurent d'être mal nourries, des pillards de plus en plus astucieux et entreprenants, des clients et autres roitelets qui commencent à voir leur lien de subordination à Ambigat d'un oeil de plus en plus sombre... Bref, en un mot comme en cent, tout fout le camp en Celtique !

Mais Ambigat n'est pas un sot. C'est même à peu près le contraire. Il sait pourquoi, par qui, comment l'orage pourrait éclater. Il sait, en bon chef certes terriblement autocrate mais définitivement roué qu'il lui faut accomplir quelque coup d'éclat afin de réaffirmer, définitivement, sa prépondérance. Et c'est ce qu'il se prépare à faire, en grande pompe, tandis que lui, ses héros, ses principaux soldures et son grand druide se rendent à Autricon, haut lieu du druidisme où se trouve un Nemeton aussi ancien qu'il est étrange, même pour nos vaillants celtes, le but étant d'y accomplir des sacrifices d'un genre particulier et pas si fréquent : des sacrifices humains, des guerriers pris en otage en plein combat. Et comme c'est à l'occasion de la fête de Beltaine célébrant le retour de l'été, ces sacrifices se feront par le feu !
La plupart des clients du Haut Roi - et leurs propres héros - seront aussi présent. Des amis avec lesquels on a déjà combattu, parfois aussi, d'anciens ennemis, un beau-père mal embouché, des brutes et des rusés, des courageux et des plus lâches, des nobles de haute lignée comme de simples guerriers. C'est le "Tout-Celte" qui se presse dans l'enceinte de l'oppidum. Ce dernier eut d'ailleurs une histoire récente - remontant à deux décennies. Une certaine "Guerre des Sangliers" - très forte pour tous ceux qui la vécurent, et qui fera l'objet d'un long mais passionnant monologue de la part d'un de ces petits rois - Articnos, roi des Éduens - passablement remonté contre la mauvaise fortune présente de la Celtique et de l'impéritie de son chef, monologue qu'il tient à Bellovèse, tandis qu'il était un ennemi, encore bien jeune, de son père.

Pendant ce temps-là se tient un festin durant lequel on sent la tension invariablement monter - mais l'auteur sait manier le suspense sans jamais se faire rattraper par des exemples désormais célèbres de repas royal se transformant en massacre. Comme dans Les Noces Pourpres de la fin du troisième volet du Trône de fer. C'eût été aussi indélicat que trop évident -. Il n'empêche que l'on comprend très vite, à voir les malheureux druides infoutus d'allumer le premier feu de la saison solaire, à voir un bûcher lointain éclairer les futurs éclats de l'aube nouvelle, que quelque chose de grave est sur le point de subvenir. Quelque chose d'irrémédiable et de mortel, d'inconcevable et de définitif.

La suite est de fer, de feu et de sang. Épique semble presque faible pour définir ce que Jarowski nous conte par la bouche de son héro gaulois. C'est grandiose, c'est incommensurable. Cela dépasse totalement nos manières de penser la vie, l'homme, le monde. Et l'on se laisse emporter totalement par ce long morceau de bravoure qui s'achève bien plus brutalement qu'il n'a débuté, découpage en plusieurs volumes - là où un seul, semble-t-il était originellement prévu - oblige. Moins de moment se situant entre rêve et magie, moins de place à la contemplation, au mystère aussi, car nous sommes sens cesse plongé au feu d'actions aux portées multiples. Et de ce fait, ce volume plaira certainement d'avantage que le précédent, plus réflexif, plus dense mais aussi plus lent, à un public habitué à une fantasy se développant plus classiquement, quoi qu'avec une immense maestria. Cependant, le moins que l'on puisse dire de cette "Chasse Royale", c'est qu'on en redemande, encore, encore et encore !

Plus que quelques longues semaines (mois ?) d'attente pour se faire à nouveau une plongée totale chez nos vibrants ancêtres !
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