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Critique de soniamanaa


Ma grand-mère a vécu 97 ans. Je la pensais héroïque d'être venue d'un temps où ni électricité ni voiture ne compromettaient le climat, d'avoir affronter sans broncher les assauts du progrès jusqu'à ne plus s'étonner de téléphoner, de prendre l'avion; d'avoir encaissé sans ciller les sushis et la conquête de l'espace. Oui, ma Kukum était une super woman...
Ce superbe livre fait parler une centenaire, une autre grand-mère héroïque installée loin dans le nord du monde, dans la région des grands lacs du Québec.
Née en Irlande, blonde aux yeux bleus, Manda s'éprend à 15 ans de Thomas, un jeune indien Innu. En l'épousant, elle adopte son peuple et son mode de vie nomade, de camp d'été en camp d'hiver, sillonnant les lacs, les rivières ou les bois selon les saisons de trappe ou de chasse.
Ses enfants naissent sous la tente dans l'odeur des épinettes et sous le regard ému du chef de clan. Elle apprend la langue, les gestes ancestraux : tanner une peau, perler une tunique, tresser un panier ou fumer la pipe sous les étoiles.
Et surtout, elle comprend le "grand cercle", cette force immuable qui régit l'univers. La nuit qui appelle le jour, la joie qui n'exonère pas de la tristesse, la vie qui n'est rien sans la mort. Une harmonie de tous les instants, incluant terre, hommes et bêtes et ne nécessitant que peu de mots.
Que dire de ce livre tant est limpide et cristalline sa prose et sa lumière ?
Mais vint le progrès...
D'abord isolés, les colons se multiplient, drainants bûcherons et industries du bois. Parce que la forêt semble inépuisable, elle est grignotée puis dévorée. Les rivières s'emplissent de grumes empêchant toute navigation. Mais il n'y a plus à naviguer... Il est dit aux Innus que l'espace appartient désormais aux manufacturiers qui l'ont payé monnaie sonnante.
Les voilà parqués dans une réserve, comme plus loin leurs frères Mohawks ou Ojibwés, leurs enfants enlevés pour en gommer le sauvage, leurs hommes empêtrés de savoirs inutiles qu'ils oublient dans l'alcool.
Une histoire connue...
Que m'a été émouvante cette lecture, prise par la joie pour le bonheur de Manda avant que d'être étreinte d'une tristesse indicible.
Reste Pekuakami, ses eaux indomptables et, sur ses berges, une très vieille femme qui guette le grand cercle pour rejoindre son amour. Les larmes qu'elle verse se mêleront aux rivières, à la pluie, la neige et la glace, feront fleurir le bois le temps d'un bref été.
Décidément, oui, nos Kukum sont des héroïnes...
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