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sur 1137 notes
Michel Jean nous offre à hauteur de femme l'histoire de son extraordinaire arrière-grand-mère, Almanda Siméon. Elle se tient au bord du lac Pekuakami ( lac Saint-Jean au Québec. Elle est au crépuscule de sa vie et se raconte.
« Venir me réfugier au lac, comme ce matin, m'apaise, car il me rappelle qui nous avons été et qui nous sommes toujours. le vent de l'est porte les parfums du Péribonka. Tant que cela existe dans mon coeur, cela vit encore. »

Et son coeur est immense, empli de souvenirs qu'elle déroule dans un « je » omniprésent qui enveloppe le lecteur dans une narration à la fois assurée et sereine, comme suspendue au temps qui passe. Née en 1882, orpheline d'une famille de migrants irlandais fuyant la famine, elle est élevée au Québec par un couple de fermiers avant de voir son destin chamboulé à 15 ans par la rencontre avec un Indien innu, Thomas, qu'elle épouse.

Michel Jean choisit un tempo adagio pour peindre de façon très immersive le mode de vie innu qu'Almanda va adopter autour du lac Pekuakami : nomadisme et chasse aux Passes-Dangereuses le long de la rivière Péribonka, vie en forêts, vente des peaux aux Blancs. On est saisi par la capacité d'accueil des Innus qui font d'Almanda une des leurs, la guide et l'entoure avec tendresse. On est touché par l'histoire d'amour fusionnelle entre Almanda et son mari, au point de briser un tabou en accompagnant, malgré la tradition innu, Thomas lors des expéditions lointaines de grande chasse. Emu par la soif de liberté de ce peuple autochtone.

A mesure qu'elles s'ancraient dans le récit, la douceur et la bienveillance qui irradient ce roman m'ont d'abord décontenancée, habituée à trouver dans la littérature abordant le sort des Amérindiens des Etats-Unis ou du Canada multiples violences, âpre dénonciation et profonde colère. Et pourtant, jamais Kukum ne sombre dans une niaiserie romantique sur le mode de vie amérindien. Surtout, jamais Kukum n'occulte les déchirements qu'a connus la communauté amérindienne au Québec et plus largement au Canada.

Lorsque Michel Jean choisit, au bon moment, dans le dernier tiers, d'évoquer le traumatisme intergénérationnel des Innus, il le fait avec subtilité et sans aigreur, toujours par la voix puissante d'Almanda, afin de laisser au lecteur toute sa place pour comprendre et compatir. le grand chamboulement du mode de vie autochtone commence avec la destruction du cadre de vie par déforestation, l'exploitation des arbres, la drave sur le Péribonka. Puis vient la sédentarisation forcée dans la réserve de Mashteuiasch. Et enfin les enfants arrachés à leur famille, enfermés dans des pensionnats pour les « blanchir » et les éduquer, faisant écho aux récentes découvertes de tombes anonymes d'enfants indiens qui secoue le Canada ( on estime à près de 150.000 enfants le nombre d'enfants envoyés de force dans les 139 pensionnats recensés de 1831 à 1997 ).

Ce roman respire la sincérité. Sa simplicité pleine de sensibilité et sa sobriété empreinte de dignité ont lentement infusé en moi jusqu'à me bouleverser, sans bruit, dans les dernières pages … quelques mots d'amour d'Almanda à Thomas, une photographie, l'émotion de l'auteur qui clôt son roman en prenant lui la parole, cette fois.

Je découvre la maison d'édition Dépaysage avec ce roman et suis totalement charmée par l'objet proposé, superbe illustration de couverture, haute qualité du papier, mise en page aérée fort agréable.
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« Kukum » est le nom que Michel Jean donnait à son arrière-grand-mère Almanda Siméon. Née en 1882, la jeune orpheline est élevée au Québec par un couple de fermiers, jusqu'au jour où elle rencontre Thomas, un indien Innu. Âgée de quinze ans, elle décide de tout quitter, pour vivre d'amour et de chasse au sein de ce peuple autochtone…

C'est à hauteur de femme et à la première personne que l'auteur partage l'histoire de son arrière-grand-mère. C'est en suivant ses pas que le lecteur découvre le mode de vie de cette communauté nomade qui vit en symbiose avec la nature, tout en faisant preuve d'un grand respect pour toute forme de vie. Cette immersion totale invite à vivre au rythme lent des saisons, passant du campement d'hiver dans leur territoire de chasse au retour printanier pour la vente des peaux au magasin de la Compagnie de la Baie d'Hudson.

Outre la belle histoire d'amour entre Almanda et Thomas, cette invitation au voyage qui restitue à merveille la soif de liberté de ce peuple nomade, évoque également la destruction progressive de ce mode de vie traditionnel avec l'arrivée du « progrès ». de la déforestation à la sédentarisation forcée dans la réserve de Mashteuiasch, en passant par l'arrivée du chemin de fer, la construction d'un barrage hydro-électrique, l'introduction de l'alcool ou l'envoi des enfants autochtones dans des pensionnats, Michel Jean évoque l'anéantissement lent et progressif de cette communauté autochtone…

Malgré une fin émouvante et une immersion réussie, ce texte très lent et trop sobre, voire trop neutre, n'est pas parvenu à m'enthousiasmer comme je l'espérais sur base des nombreux avis positifs.
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- Tu lis quoi ?
- Une histoire de peuples autochtones.
- Des peuples anciens ? Un livre sur la préhistoire ?
- Pas vraiment, et même une histoire plutôt récente, qui s'étend du siècle dernier à nos jours.
- Une histoire récente de peuples anciens. Tu te fous de moi ?
- Non, notre époque est encore remplie de leur histoire et eux-mêmes sont toujours-là. À nous de savoir en voir les traces.
- Te connaissant, ça doit encore être un de tes livres américains.
- Pas faux, mais de l'autre Amérique ! Celle qui est très au nord, au Québec, sur les rives d'un grand lac…
- Ah oui, là je sais, le lac Saint-Jean !
- Si tu veux, puisque d'aucuns l'ont désormais baptisé comme cela. Moi je préfère continuer à l'appeler Pekuakami, la perle du territoire Nitassinan.
- Pekuaquoi ?
- Pekuakami, c'est comme cela que l'appelaient les Innus.
- Ah oui, ça je connais les Inuits, les eskimos quoi.
- Mais non imbécile, les Innus. Ça n'a rien à voir !
- Connais-pas ! Et comment on sait ça ?
- Parce que leur histoire s'est transmise oralement, les plus anciens prenant le temps de raconter le passé aux plus jeunes, le soir à la veillée. Puis par écrit, comme Michel Jean, journaliste réputé au Québec et auteur de ce livre.
- Et qu'est-ce qu'il en sait, çui-là des Innus ?
- Beaucoup de choses figure-toi, puisque c'est justement l'histoire de son arrière-grand-mère qu'il nous raconte, sa kukum Almanda…
- Et Innus raconte quoi ?
- Tu es désespérant… Mais prends le risque de t'intéresser un peu à ces objets non connectés qu'on appelle des livres et ouvre Kukum. Tu y suivras Almanda et Thomas remontant chaque automne la rivière Peribonka pour retrouver la montagne, chasser et tanner durant tout l'hiver ; tu redescendras à Pointe Bleue avec eux chaque printemps pour t'y confronter avec la civilisation gangrénante ; tu y apprendras le respect de la nature, de l'être supérieur et des animaux dans une relation égalitaire ; tu y verras surtout beaucoup d'amour…
- Finalement, ça me plait bien ton truc
- Alors viens sous la tente, entre et assieds-toi ; regarde, Kukum est là…
- Et je lui dis quoi ?
- Chut… rien ; tais-toi ; et écoute… Vas-y Kukum, raconte-lui…
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Attention , pour découvrir cette merveilleuse friandise , il vous faut , allumer un bon feu dans votre cheminée , enfiler vos " charentaises " , vous enrouler dans un plaid bien doux sur votre canapé, prévoir un bon thé bien chaud et , surtout , surtout , couper votre téléphone et fermer votre porte à clé....Ca y est ?
Et bien voilà , vous êtes maintenant au Québec , en 1977, prés de l'immense lac de Pekuakami , dans la tribu nomade des derniers représentants des Innus .Capturée ? Mais non , bien que " blanche " ,vous avez épousé Thomas , un jeune Innui et , abandonnant une culture qui vous " contraignait " trop , vous avez choisi de le suivre sur les chemins de la liberté , au milieu des eaux lacustres , au milieu des bois et forêts , traversant les ronciers , affrontant les rigueurs de l'hiver ( Bon , pour ça , je vous ai aidée ) et même certains gros animaux ...
Regardée avec un certain doute au début ,vous observez , vous apprenez , vous respectez , vous aimez .....on vous respecte , on vous aime .
Quelle vie que celle de KUKUM ! Tout est difficile , la chasse , le travail des peaux , le transport des canoës , l'enfantement , et pourtant le bonheur et la joie de vivre inondent ces pages , les drames aussi , du reste , mais à la fin de cette lecture , on ne retient que ce que nous avons sans doute perdu en grande partie aujourd'hui , la douceur du respect , de la solidarité ,de l'amour ,de la simplicité , de la vie où la nature reine punit si on la maltraite et protège quand on s'adresse à elle avec retenue .
Il fait froid , trés froid dehors mais chaud , trés chaud dans les coeurs .Tout est beau dans ce récit lent , poétique , ce roman du " cercle de la vie "où la mort , comme celle de Malek , par exemple ,n'est vécue que comme un passage de témoin , un acte naturel même s'il est douloureux .
Sans doute ceux et celles qui adorent quand " ça bouge " se sentiront - ils un peu frustrés . Attention , la route et longue et il convient de savourer le chemin des hommes avant qu'il ne devienne , progrés oblige , chemin de fer , emportant avec lui des modes de vie désormais révolus ... détruits honteusement par des politiques et une société avides de " normalisation " et de profits ...
Pensez à boire votre thé , s'il est encore chaud , ou tiède ....Et vous allez voir , vous allez , aprés avoir tourné la dernière page , avoir envie de " retourner " chez Almanda , pensive et bien pelotonnée dans votre plaid .
Un trés bon moment en perspective , c'est mon point de vue mais ...vous n'êtes pas obligés de me croire .
A bientôt .
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Quel magnifique roman ! Tant sur la forme que sur le fond, c'est un sans faute. Un petit bijou que je serai bien contente de pouvoir partager avec mes enfants lorsqu'ils seront plus grands.

Je félicite tout d'abord les éditions Dépaysage pour leur ouvrage qui est tout simplement sublime : une couverture sobre mais accueillante, un petit format carré qui tient bien en main et une mise en page légère. Un pur instant de plaisir qu'ils ont bien voulu m'offrir via une Masse critique, et je les en remercie.

Même si le travail sur la couverture et la mise en page du livre est indispensable, nous savons bien qu'il est peu de chose face aux mots qui forment le récit. Mais il se trouve que Kukum n'est pas simplement un beau livre, il est surtout passionnant en tous points.

D'abord parce qu'il nous invite à un voyage, à la fois temporel et géographique, sur le Nitassinan (territoire Innu du Québec) à la fin du XIXème siècle. J'ai appris beaucoup de choses sur la vie des Indiens du Québec, leurs coutumes, leur artisanat (panier en écorce de bouleau, mitaines perlées...), leur mode de vie (chasse, tannage de peau...), leur langue aussi que j'ai trouvée extrêmement poétique et douce. La nature a une place essentielle dans ce roman, comme elle en avait une dans la vie des Innus. J'ai beaucoup aimé lire sur la vie en forêt, sur la remontée de la rivière Péribonka, sur le lien si fort qui unissait les hommes, les animaux et la nature.

La sédentarisation forcée de ce peuple Indien est au coeur du récit. Étant donné que cette transformation ne s'est pas faite sans heurts ni traumatismes, tant pour les Innus que pour la nature dans laquelle ils vivaient, on pourrait craindre un ton nostalgique, voire même carrément noir, ça n'aurait rien eu d'étonnant. Eh bien non. Michel Jean a choisi d'adopter un ton plutôt optimiste, à l'image du peuple Innu si bienveillant et accueillant. Et c'est aussi ce qui fait la force du récit.

On ne peut que s'attacher à Almanda, la kukum de l'histoire (la grand-mère en innu-aimun). Il émane des personnages une grande force et une belle sensibilité, tant vis à vis de la nature que des êtres humains, même s'il s'agit de colons blancs venus leur prendre leurs enfants. Il est intéressant de savoir qu'Almanda a réellement existé, Michel Jean racontant en fait l'histoire de son arrière-arrière grand-mère, d'origine irlandaise.

Bref, je vais m'arrêter là, ne voulant pas risquer de vous perdre. J'espère vous avoir donné le goût de suivre mes pas vers Almanda et les siens.
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Voilà un livre qui m'est allé droit au coeur, qui m'a émue de la première page à la dernière et m'a fait pleurer à plusieurs reprises.

L'histoire, racontée  à la première personne  par Almanda, peut sembler simple :

Almanda, une orpheline de quinze ans, née à la fin du 19ème siècle, n'hésite pas à quitter une vie de fermière pour épouser un jeune chasseur innu, membre des premières nations canadiennes, et courir les bois avec lui.

"J'ai grandi dans un monde immobile où les quatre saisons décidaient de l'ordre des choses. Un univers de lenteur où le salut dépendait d'un bout de terre qu'il fallait travailler sans cesse." (p17)

"Vivre à la ferme relève du sacerdoce. Les agriculteurs s'imaginent que leur terre les protège de la sauvagerie. En réalité, elle en fait des esclaves." (p23)

Il m'arrivait encore de penser de temps en temps à ma tante et à mon oncle. Chaque heure du jour, où que je soit, quoique je fasse, je savais où ils étaient et ce qu'ils faisaient. En choisissant la vie en territoire, j'avais choisi la liberté. Certes, celle-ci avait un coût et entraînait des responsabilités envers les membres de son clan. Mais j'avais enfin le sentiment de vivre sans chaînes." (p98/99)

Mais Almanda sera le témoin direct de la "grande histoire" : destruction du territoire des Innus par l'arrivée du progrès (coupes à blanc, domestication des rivières par des barrages, chemin de fer, ...), assimilation forcée, déplacement des enfants dans des pensionnats autochtones, ...

Comme je le disais, ce livre m'a bouleversée !

Tout d'abord, Almanda n'est pas un personnage de fiction, c'est l'arrière-grand-mère de l'auteur, Michel Jean, et ce dernier a su s'effacer complètement pour restituer de manière vivante la voix de son aïeule. Pendant toute ma lecture, j'avais l'impression d'être au coin du feu et d'écouter Almanda.

Ensuite, j'ai adoré l'écriture de Michel Jean. Elle paraît simple mais, tout comme l'histoire, mais il n'en est rien. Il a su mettre sur papier la tradition orale de ses ancêtres pour parler directement à notre coeur, nous qui le lisons.

Pour finir, Almanda est une femme extraordinaire (elle a été tellement vivante pendant ma lecture qu'il m'est impossible de parler d'elle au passé). C'est le même genre de femme que la Jane Eyre de Charlotte Brontë. Une femme qui affronte toutes les difficultés, aussi dures soient-elles, avec l'intelligence du coeur et qui jamais ne se plaint mais continue d'avancer car "la vie est un cercle".

Et j'ai oublié, c'est également une magnifique histoire d'amour !

Bref ! Un énorme coup de coeur pour KUKUM de Michel Jean aux éditions Dépaysage.
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Almanda , la narratrice, a quinze ans lorsqu'elle se marie avec Thomas ,très jeune lui aussi.
Ils vivent une belle histoire d'amour entre une jeune femme qui aime l'aventure et un jeune homme qui lui transmet ses valeurs.
Elle est orpheline, élevée par son oncle et sa tante dans une ferme . Elle fait partie des colons qui défrichent péniblement les terres pour les transformer petit à petit en zones agricoles.
Thomas fait partie des Innus, les autochtones du Québec. Sa famille , nomade, chasse dans les forêts autour du Lac-Saint-Jean. Ils sont trappeurs, vendent des fourrures tannent des peaux.
Almanda, très bien accueillie dans la famille de Thomas apprend petit à petit leurs coutumes et leur langue.
Ils auront neuf enfants.
Petit à petit, les chasseurs trappeurs installés dans les forêts voient leur monde disparaître au profit des usines à pulpe, des scieries. Les arbres sont abattus et descendus dans la vallée par flottage sur les rivières dont on ne distingue même plus l'eau complètement recouverte par les troncs. Leur zone de pêche devient même impossible à exploiter.
Les colons viennent chercher les enfants pour leur donner une instruction dans des pensionnats chrétiens où certains subiront les outrages des religieux.
L'actualité est revenue sur ces faits il y a peu de temps sous forme d'excuses du premier ministre.
Les Innus sont cantonnés dans des réserves où certains commencent à s'ennuyer. D'autres plus dociles, s'adaptent tant bien que mal et adoptent la culture des colons. C'est le cas de la famille d'Almanda.
On pourrait croire que cette histoire est très ancienne mais lorsqu' Almanda, déjà âgée, effectue un périple pour rencontrer le premier ministre afin que leurs enfants ne soient pas mis en danger par les véhicules des travailleurs de la région, on apprend qu'on est en 1950.
Lors de ce voyage, Kukum ( grand-mère en langue innue )nous fait remarquer la méfiance qui existe entre les Innus et les colons qui la regardent de travers.
Le racisme ou le non-respect de l'ancienne culture est encore présent.
Un récit vraiment intéressant sur la vie des Innus dans la forêt, des personnes aux mille ressources, proches de la nature . Un passage m'a quand même un peu heurtée au niveau de la chasse car ils semblaient chasser sans respect de la protection de la faune : en chassant des mères qui se promenaient avec leurs petits par exemple. Là,j'ai sauté de ma chaise.
Un autre passage m'a mieux plu : celui où la belle-soeur d'Alamanda lui dit que chasser n'est pas un exploit. L'animal fait le sacrifice de sa vie.
Michel Jean, l'auteur, est l'arrière petit-fils d'Almanda, la narratrice. Il regrette de ne pas avoir appris le langage de ses ancêtres bien qu'il soit complètement intégré à la population du Québec en tant que journaliste et écrivain bien connu.
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Je me suis toujours intéressée aux premières nations, celles qui vivaient sur place, dans le pays, bien avant l'arrivée des hommes blancs. Hommes blancs installés qui commençaient l'histoire du pays par leur conquête en oubliant volontairement l'histoire des premiers habitants dont ils avaient la plupart du temps éradiquer l'existence incomplètement ou non. Comment peut-on ainsi nier l'existence des autres ?


Kukum, qui veut dire grand-mère , s'inspire de la vie de l'arrière-grand-mère de Michel Jean, une femme blanche qui a choisi d'adopter le mode de vie de la communauté innue en épousant à 16 ans Thomas Siméon, au début du XXe siècle,
C'est sur les terres canadiennes, proches de Québec, qu'Almanda nous retrace l'histoire de son peuple nomade, chasseur et cueilleur, soucieux des jeunes comme des personnes âgées. Un peuple fier d'habiter les forêts et les bords de lacs majestueux, respectueux de la nature, ne prélevant que ce qui est nécessaire à la vie. Un peuple religieux également remerciant dieu et l'animal tué qui leur permet de manger à leur fin.
« En donnant sa vie, mush (l'orignal) permet au chasseur de vivre. Il faut le remercier. Respecter le sacrifice. »

Les Innus possédaient leur propre langage. « C'est une forme de langage adaptée à un univers où la chasse et les saisons dictent le rythme de la vie. » Un langage que les jeunes générations ne parlent plus. Arrachées de force à leur famille, elles ont été transplantées dans des pensionnats pour les formater et les transformer en « personnes civilisées. »
Ils connaissaient par coeur forêts, lacs, montagnes. Des paysages qui n'existent plus, usés et souillés par le défrichage intensif des barrages, des centrales électriques, des usines à papier.
« Sorte d'Atlantide innue, ce lieu n'existe plus que dans les souvenirs des vieux comme moi et il disparaîtra pour de bon avec nous. Bientôt. Comme s'effaceront les chemins de portage tracés avec patience par des générations de nomades. Tout ce savoir s'évanouira des mémoires où il vit encore. »

On y découvre aussi les rassemblements avec les autres nomades, les cérémonies de mariages, la transhumance d'un lieu à l'autre, l'art de fabriquer les tenues ou celui des contenants… tout un monde disparu.
J'espère par ces quelques mots vous avoir donné envie d'en découvrir bien plus au sujet d'Almanda et des Innus et ce qu'ils sont devenus. J'ai été très touchée par cette histoire, par l'effacement de ce peuple, par la bêtise des hommes blancs et leur ignorance de la nature. D'autant plus quand on en voit aujourd'hui les conséquences. Et je remercie Michel Jean, son arrière-petit-fils, d'avoir allumé la bougie du souvenir et d'avoir porté à la connaissance de tous leur histoire.
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Ah, si chacun pouvait faire revivre son arrière-grand-mère de cette façon, nous serions tous enchantés et émus !
Mais tout le monde n'a pas une aïeule Innu, une « Kukum », comme Michel Jean !

Celui-ci descend d'une tribu indienne vivant au Québec, et il a voulu rendre hommage à son arrière-grand-mère Almanda, une Blanche, qui s'est mariée avec un Indien Innu.
Orpheline, elle a été recueillie par des gens bienveillants et chrétiens. Mais quand passe un bel Indien descendant la rivière sur son canot, elle succombe à l'amour.
Nous la suivons dans ses pérégrinations aux côtés de son mari et de sa famille, puisque les Innu ne sont pas sédentaires : ils se rendent les bois pour y chasser et tanner les peaux des animaux, et l'été, ils le passent auprès de l'immense lac Saint-Jean avec les autres.

A vrai dire, les innombrables descriptions de cette vie nomade m'ont un peu lassée, même si nous humons l'odeur piquante des sapins, même si nous jouissons du calme de la nature, du vent, de la neige, même si la paix nous enveloppe.

Mais à peu près aux deux tiers du livre, Almanda la narratrice nous livre son désarroi et sa colère vis-à-vis des colons blancs qui veulent introduire le progrès dans leur réserve, notamment avec le train, passant à quelques mètres de leur cabane ; ces colons blancs qui s'arrogent tous les droits en se transformant en touristes, en roulant comme des fous dans les pauvres rues de terre battue et en fauchant au passage quelques enfants ; ces colons blancs qui enlèvent les enfants pour les scolariser de force dans des internats, enfermés là-dedans pendant des mois sans aucune nouvelle de leur famille…

J'ai été beaucoup plus intéressée par cette deuxième partie car elle a fait naître en moi une révolte intense contre tous ces colonisateurs sans coeur, sans morale, sans empathie.
C'est pourquoi je viens de me procurer un autre livre de Michel Jean, qui cette fois parlera des conséquences de l'enlèvement des enfants Innus et de leur éducation à devenir Blancs.

« Kukum » : une ode à la liberté et au droit des peuples de disposer d'eux-mêmes, à travers une histoire familiale pleine de gestes simples et d'amour.
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Quel dépaysement ! L'auteur a écrit ce livre en hommage à son arrière grand-mère qui, jeune fille de quinze ans, a quitté son oncle et sa tante pour suivre un jeune innu dont elle tombera, et restera, amoureuse toute sa vie. On suppose que l'histoire se passe avant 1900. J'ai été enchantée et surprise de voir que ce peuple, que les américains pensent inférieurs à eux, est moins sexiste qu'eux. La femme peut tenir un fusil, chasser et fumer. Alors question égalité... Des gens accueillants et attachants.
J'ai été sous le charme de cette lecture qui apporte, quelque part, du bien-être avec cette femme courageuse, combattante et libre. Michel Jean nous offre une écriture singulière qui passe de la dureté de la vie à la poésie.
À découvrir pour ceux qui ne l'ont pas encore fait.
Lu la semaine où j'étais avec mon petit-fils. Pourquoi je dis ça, moi ? Ah oui parce que kukum en langue innue veut dire grand-mère.
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