Une maison hantée pour Noël

“— Tu ne te sens pas à l’étroit chez nous ? Tu es passé d’un millier de pièces, à deux.
— J’aime bien me sentir à l’étroit avec toi.
— Oui, ça, je sais que tu aimes te sentir à l’étroit avec moi.
— Tu ne parles plus d’appartement, n’est-ce pas ? me demanda Joona, la main sur la poignée de la porte de notre chambre, sans pour autant l’ouvrir.
— Non, pas vraiment, ris-je doucement.
— J’ai l’impression que pratiquement toutes nos conversations finissent sur du cul.
— Tu t’en rends compte seulement au bout de trois ans ?
— Pas encore trois ans, me corrigea Joona.
— Dans deux jours, ça le sera.
— Deux jours, trois heures et cinquante-deux minutes.
— Tu es sérieux ? Tu as réellement retenu l’heure à laquelle nous nous sommes mis en couple ? m’exclamai-je le coeur battant, avec la furieuse envie de l’embrasser.
— J’ai dis ça au pif, se moqua-t-il avec un rire.
Je le détestai et désirai le frapper.
— Tu viens de casser le moment le plus romantique de notre vie de couple, grognai-je.”

Précipitamment, je tirai sur mes pulls pour dissimuler mes attributs libres de toutes barrières de tissu.

— Kasey, tu sais que je t’ai déjà vu nu ? me demanda Joona en levant un sourcil. Et plus d’une fois. J’ai même vu des parties de toi que tu ne verras jamais.

— Peut-être, mais c’était des parties de moi qui n’étaient pas rétrécies pas le froid.

— Ah…

Il commençait à comprendre mon problème.

— Si tu cherches des gens, va à gauche, et à manger à droite. C’est mieux comme ça ?

— Tu es si doué en résumé, me moquai-je gentiment.

— Merci, tu ne me complimentes pas assez sur cette qualité.

Pas de vêtements et pas de sapin. Mon premier Noël sans sapin.. Un cauchemar.

“— C’est un magnifique cadeau que vous nous avez fait Kasey, me dit-elle en me tendant amicalement la main.
Je n’étais pas sûr que la lui serrer après lui avoir parlé de fellation soit correct, mais je le fis quand même.
— Moi de même.
— Je suis très heureuse de vous rencontrer enfin et de savoir que mon fils vous comble sexuellement.
— Maman ! s’exclama Joona, alors que je grimaçais.
— Le sexe est important dans un couple, développa-t-elle sans paraître le moins du monde gênée. Soyez le bienvenu, Kasey.
Je hochai la tête, pas sûr de ce que je devais répondre et en préférant limiter la casse.”

La maison semblait abandonnée, animée uniquement par le cliquetis de l’horloge murale.

Tic. Tac. Tic. Tac.

Je comprenais pourquoi le Capitaine Crochet était devenu fou. C’était insupportable !

— C’est toujours comme ça entre vous ? nous demanda Maria, étouffant un petit rire derrière sa main aux ongles manucurés avec finesse.

— Non.

— Si, me contredit Joona. Il est chiant.

— Je ne suis pas chiant ! contrai-je, défendant mon honneur.

— Tu es la pire tête de mule que j’ai rencontrée, argumenta-t-il en me montrant les dents.

— Et toi, tu es trop condescendant pour ton bien. Tu connais le dicton, le vent, la tempête, toi qui pleures des larmes de regret…

— Et il est rancunier aussi, ajouta-t-il à l’adresse de son frère et Maria.

— « Il » est juste à côté de toi, « il » t’entend et « il »…

— M’aime, c’est ça ? me coupa-t-il, finissant ma phrase à ma place.

— C’est vrai, mais ce n’est pas vraiment ce que j’allais dire.

— Ce que tu allais dire comportait de toute évidence au minimum une insulte. Je t’empêche d’être vulgaire, remercie-moi.

Joona avait pivoté et me regardait avec cette expression que j’adorais, mais que nos amis trouvaient dégoûtante.

— Je ne voulais pas dire que Joona était un expert en fellation, même si c’est le cas, ou que j’allais le quitter. Je n’ai aucune intention de rompre avec votre fils-frère-ami et il n’y a pas moyen qu’il essaye de me quitter ! Parce que si ça devait arriver, m’énervai-je en me tournant vers lui pour le mettre en garde, je te pourchasserais et te stalkerais jusqu’à ce que tu reviennes sur ta décision ! Et aussi, parce que, peut-être, je ferais du mal à celui que tu aimeras à ma place… Je devrais sans aucun doute la fermer.

— Oui, je pense que ça serait une bonne chose, marmonna Joona en me fusillant du regard.

Au moins, à présent, il était aussi rouge que moi.

— Mon dieu, je ne voulais pas dire ça. Enfin du moins, pas de cette façon. C’est de ta faute à m’allumer et à me parler de…

Mon homme eut la merveilleuse idée de me bâillonner avec sa main avant que j’empire la situation. Nous restâmes tous les six dans un silence gêné de plusieurs secondes, pendant lequel je bavai allégrement sur la paume de Joona jusqu’à ce qu’il trouve ça assez crade pour me relâcher.

— Papa, maman, je vous présente Kasey, souffla-t-il comme si ces mots lui coûtaient. Mon petit ami.

— Ne dis pas ça avec ce ton résigné, maugréai-je en donnant un coup discret dans sa botte.

En réponse, il m’enfonça son coude dans les côtes, ce qui aurait presque pu passer inaperçu si un aïe sonore et offensé ne m’avait pas échappé.