AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de le_Bison


L'esprit encore ensommeillé, j'ouvre la fenêtre de la véranda. Une vague de sel et de brume froide m'envahit. Les embruns giclent comme une artère segmentée au niveau de la carotide. Là, à la lueur du petit jour, je découvre que je suis couvert de sang séché, sur le torse, sur les mains, une goutte de sueur ferreuse s'immisce entre mes lèvres et se mêle au sel. Des empreintes de pas – les miens – dans une flaque de sang. Que s'est-il donc passé hier soir ? Les souvenirs se sont absentés pendant quelques heures, pas un bruit, sans mère, sans frère. Je caresse dans ma poche le coupe-chou lui aussi ensanglanté.

Je m'approche de la chambre de ma mère, toujours aucun bruit dans la maison, pas même le floc floc de la cafetière qui égraine son temps et ses gouttes de café noir, ni même le toc toc du sang qui circule dans mes tempes. Je pénètre son antre, les pieds baignant dans cette mare de sang à l'odeur écoeurante. Ouvrir la porte – qui n'était pas fermée à clé, se retenir de gerber devant ce spectacle nauséeux. Elle est là, allongée sur son lit, les yeux fermés, couverte elle aussi de sang – le sien, je présume. J'essaie de rembobiner le film d'hier soir, comme un scénario de la nouvelle vague, mais les éléments ne s'enchaînent pas, l'histoire de mes souvenirs reste étrangement mystérieuse. Suis-je donc devenu le meurtrier de ma mère ?

« En voyant ma mère allongée par terre, ma gorge se serre. En voyant ma main qui tient encore le coupe-chou, tous mes os se mettent à crier. Une voix plante des clous dans mon front. C'est toi. le meurtrier. Toc. Toc. Toc. »

Quelqu'un frappe à la porte. Mon frère, ma tante ? La Police ? Je vois déjà les titres des journaux du lendemain, peut-être même la une, « Meurtres au rasoir » dans une petite ville balnéaire, oubliée de tous même des journalistes. Pourtant, il faut que je comprenne avant, que je retrouve le fil des évènements de la soirée d'hier. Avant que…

Suis-je une bête sanguinaire ? Un prédateur, même. Et si les réponses que je cherche tant sont à retrouver il y a plus de dix ans, comme un secret bien gardé de ma mère et de ma tante, cette salope. Je ferme le roman, une lame de rasoir aussi tranchante qu'une lame d'écume sur la grève. L'odeur de sang imprègne lourdement le parfum de ces pages, l'iode s'évapore, reste le sang et la javel que j'inspire lentement comme pour retrouver la zénitude d'un réveil au pays du matin calme. Il est si bon de se lever le matin et de ressentir cette impression de calme même si la vie baigne dans une mare de sang.
Commenter  J’apprécie          663



Ont apprécié cette critique (61)voir plus




{* *}