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Critique de Bookycooky


Dur, dur d'être chauffeur pour l'Armée populaire yougoslave dans les années 70-80.
Il s'appelle Dželal Pljevljak et travaille depuis trente-cinq ans pour l'armée en tant qu'employé civil. Un homme triste, pieux musulman il se rend chaque vendredi avec sa Volga, de son lieu de travaille à Split, à la mosquée de Livno pour la prière du vendredi.
La Volga c'est une M24 noire, modèle 1971, qui brille dans la pénombre "comme un piano à queue ". Une voiture russe puissante mais qui consomme trop, achetée au général Musadik Karamujić, qui lui a vendue bon marché quand il pris sa retraite. Voici les trois caractères du début de cette histoire dans le contexte d'une Yougoslavie au bord du gouffre, à la veille de la terrible guerre et de ses génocides des années 90. Tito est mort en 1980, la période " nous sommes tous frères " est déjà achevée depuis longtemps et le racisme entre les trois ethnies, Bosniaque, Croate et Serbe se fait ouvertement sentir.
La route de Pljevljak croise un imam arabe, une famille bosniaque nombreuse,les Fatumić,dont le grand-père Osman Fatumić, deux personnages à l'histoire rocambolesque .....on va en rencontrer d'autres avec des histoires similaires ...on se croirait dans les films de Kusturica....ce doit être la marque du pays...
Le personnage de Pljevljak reste un mystère, d'où vient sa tristesse ? Comment cet homme qui buvait, mangeait du porc....est devenu en quinze année, un fervent musulman ? Il semble seul, pourtant il dit qu'il n'est pas célibataire ?? ......" Je suis longtemps resté seul, mais je ne veux ni penser aux origines de ma solitude ni en parler...", "je passe d'une tristesse à l'autre, en tentant d'oublier la première, la plus grande et la plus douloureuse, que je n'évoque pas…"
Notre coquin d'écrivain va nous surprendre......et plus d'une fois.....


Jerkovic nous déploie, une gigantesque fresque de la Yougoslavie sur presque un siècle, truffée de légendes et de croyances populaire, une mosaïque de divers cultures ethniques et religieuses (les maisons, celle du Croate tout à sa place, protégée, celle du Bosniaque, non terminée, sans barrières, avec "Devant la porte d'entrée, une trentaine de paires de vieilles chaussures et de pantoufles aux contreforts écrasés et sans lacets."). Avec une prose garnie de mots du turc ancien, -effendi ( monsieur), ahbab ( ami ), saf (rang), sarık ( turban ), mezar ( tombe ) - Shaytan ( le diable ), janaza ( funérailles ).....il nous relate l'histoire complexe d'un homme dont le destin est indéniablement lié à celui de son pays tout autant complexe, morcelé et condamné à une guerre sans fin, où les notions d'identité, de destin, de péché, d'appartenance à une communauté, sont constamment remises en question. Un pays où chacun espionne l'autre et où la violence a toujours été monnaie courante. Purges ethniques, viols ou autres de la période 1991- 2001 semblent faire partis de leur folklore, et la haine sous-jacente entre eux était déjà là depuis des décennies. Jerkovic raconte tout cela avec beaucoup de pep, il n'y manque que la musique de Goran Bregovic, la bande sonore des films de Kusturica.


Si vous voulez lire un livre intelligent et prendre du bon temps les livres de Miljenko Jerkovic sont pour vous. Pour qui ne l'a jamais lu je conseillerais d'initier avec "Buick Riviera", eh oui toujours les voitures :), apparemment il les aime !
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